Israël - Hamas: au-delà de la libération des otages, comment la trêve est mise à profit
Pour combien de temps encore les combats seront-ils stoppés à Gaza? Vendredi 24 novembre, l'accord de trêve entre Israël et le groupe terroriste du Hamas est entré en vigueur pour une durée de 4 jours, avant d'être prolongé deux fois, dont une nouvelle fois ce jeudi 30 novembre. Une trêve fragile, marquée ce jour par une attaque meurtrière à Jérusalem revendiquée par le mouvement islamiste palestinien.
Les termes de l'accord sont clairs: les bombardements sont stoppés en même temps que les attaques au sol. En parallèle, les deux groupes s'échangent un certain nombre d'otages contre des prisonniers de guerre palestinien.
Pendant cette trêve ni les soldats de Tsahal ni les terroristes du Hamas ne restent dans l'expectative. La pause en cours est temporaire. Les deux groupes se préparent -avec leurs moyens respectifs- à une possible reprise des combats.
"Nous nous préparons à poursuivre le combat dans l'objectif de démanteler le Hamas", prévoyait ce mardi 28 novembre le chef d'état-major israélien, Herzi Halevi.
"Positionnement adapté à la trêve"
D'un côté comme de l'autre, la trêve n'est donc pas un temps mort, avec quelques différences. "On ne peut pas mettre sur le même plan Tsahal, une armée régulière et le Hamas", recontextualise le général Jérôme Pellistrandi, consultant Défense pour BFMTV.
Contrairement au Hamas qui est piégé par un blocus, Israël peut procéder à la réparation de son matériel et notamment de ses chars. Des véhicules qui peuvent être ramenés du front vers la base arrière. Ces déplacements sont théoriquement plus sereins sans la menace d'une possible embuscade terroriste à tout instant.
De la même manière, les États-majors peuvent profiter de ce temps pour réviser leurs stratégies, réétudier certaines positions et planifier la suite d'une façon plus réfléchie. Des hypothèses que le porte-parole de Tsahal Olivier Rafowicz ne souhaite pas commenter. "L'armée israélienne est toujours actuellement dans une situation de guerre contre le Hamas dans la bande de Gaza (...) les forces de Tsahal sont sur le terrain, dans un positionnement opérationnel adapté à la trêve", répond-il à BFMTV.com.
Espionnage
Si les deux entités ne s'attaquent pas, elles s'observent discrètement. "Bien entendu, les deux belligérants cherchent du renseignement. Mais il faut rappeler que capter du renseignement peut aller dans les deux sens. En se déplaçant, on récolte des informations, mais on risque aussi d'en donner", pointe Thibault Fouillet, le directeur scientifique de l'Institut d'études de stratégie et de défense.
La collecte d'informations est rendue difficile par plusieurs facteurs. D'une part, par les conditions de l'accord. Israël n'a pas le droit d'utiliser de drones pour faire de la reconnaissance. De l'autre, une partie des mouvements du Hamas sont cachés dans un vaste réseau sous-terrain.
"Même s'il y a interdiction des drones, les renseignements israéliens peuvent par exemple faire des écoutes électroniques", précise le général Jérôme Pellistrandi.
Une pause "favorable" au Hamas?
Du ravitaillement, des repositionnements, de la planification... Ces journées de pause pourraient-elles permettre au Hamas de se remettre sur pied avant une offensive?
"Ce qui est sûr c'est que cette trêve est favorable au Hamas. Il y a un arrêt des combats, un arrêt des bombardements à un moment où (Israël, NDLR) posait une forte pression sur les combattants", estime Thibault Fouillet.
Mais le rapport de force penche tout de même considérablement en faveur de Tsahal, dont la capacité militaire est intacte après 52 jours de guerre. "Le Hamas a été durablement affaibli. Certes il peut reconstituer un peu de ses forces, mais pas retrouver les capacités du 7 octobre", estime pour sa part Jérôme Jellistrandi.
Une partie des forces a certainement pu être reconstituée avec l'arrivée d'aide humanitaire. Au moins 250 camions ont pu apporter de la nourriture, des médicaments ou du carburant dans une zone où les ONG ont souligné leur manque cruel.
L'heure de la diplomatie
Le niveau de reconstitution dépendra fortement de la durée totale de la trêve. Plus les journées passent, plus l'organisation peut se rétablir ou planifier l'après. Mais l'hypothèse d'une modification de la nature du conflit est également sur la table.
La pression politique autour du gouvernement de Benjamin Netanyahu, notamment en provenance des États-Unis, pourrait engager Tsahal dans des actions plus ciblées. Les bombardements incessants et les manœuvres au sol pourraient être réduits, voire stoppées.
"Il n'y a pas de situation dans laquelle nous ne reprenons le combat, jusqu'au bout!", a tout de même lancé le Premier ministre israélien.
La trêve a une autre utilité sur le plan politique. Elle permet aux dirigeants une "respiration" et des discussions à froid en interne comme en externe, des deux côtés de Gaza. Qatar, Égypte, États-Unis s'activent depuis des semaines en coulisses pour transformer la guerre en trêve de quatre jours, puis six jours, et pour certains, en cessez-le-feu complet.
Des échanges où Israël comme le Hamas cherchent à poser des conditions qui ne sont jamais exprimées publiquement. Pour que les deux ennemis puissent se parler, un intermédiaire s'est montré crucial: le Qatar.
Un bon indicateur est la récente visite à Doha, le 29 novembre, du chef du Mossad, le service de renseignement israélien, et celui de la CIA. La troisième visite de David Bernear, le chef du Mossdad, depuis le début du conflit. L'objectif y était clair: pousser vers une extension de la trêve, obtenue in extremis ce jeudi.
Un rôle important du Qatar souligné tour à tour par le ministre des Armées français Sébastien Lecornu et son homologue aux Affaires étrangères Catherine Colonna. Lors de la libération des otages Français, celle-ci a rendu hommage au Qatar pour son rôle dans "ces négociations difficiles". Des remerciements ont aussi été adressés par Paris aux États-Unis, à l'Égypte et à la Croix-Rouge.
Toujours durant cette trêve, le secrétaire d'État d'américain Antony Blinken s'est rendu en Israël. Il y a porté la volonté américaine d'une trêve plus longue dans l'espoir de voir davantage d'otages libérés, y compris ses propres ressortissants. Son déplacement a aussi pour objectif de "mettre en place les conditions en vue d'une vraie paix et qui soit durable".