Inceste : la Ciivise reçoit près de 27 000 témoignages en deux ans après son appel

Deux ans après le lancement d’un appel, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants a reçu près de 27 000 témoignages.

Après son appel sur l’inceste, la Ciivise reçoit près de 27 000 témoignages en 2 ans. (photo d’illustration)

INCESTE - La matière recueillie est colossale. La Commission Inceste publie ce jeudi 21 septembre une analyse des 27 000 témoignages reçus en deux ans et réclame de continuer sa mission consistant à renforcer la protection des enfants contre les violences sexuelles, alors que l’incertitude plane sur son maintien au-delà de 2023.

« Je vous ai rencontré pour apporter mon témoignage. Un mois après il s’est passé quelque chose de formidable : j’ai découvert que j’étais enceinte, cela a été possible après vous avoir parlé, j’ai enfin le sentiment de démarrer une nouvelle vie », témoigne Mme D. citée dans le rapport.

« C’est comme si tout s’était ouvert en moi progressivement en une année (...) Je ne suis plus régulièrement en arrêt maladie pour épuisement », raconte Mme B.

L’appel à témoignages lancé par la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), le 21 septembre 2021, a trouvé un large écho : 26 949 témoignages recueillis, dont 12 750 par téléphone, 4 575 par courrier ou courriel et 8 969 sur son site internet.

755 personnes se sont également confiées lors de réunions publiques organisées à travers la France. Une nouvelle réunion a lieu ce jeudi à Paris.

Créée début 2021, la Ciivise a deux missions : recueillir la parole des victimes et préconiser des politiques publiques pour lutter contre ce fléau, qui touche selon elle 160 000 enfants chaque année.

La façon dont un enfant victime de violence sexuelle a été écouté, cru et protégé a un impact sur les troubles qui l’affecteront tout au long de sa vie : toxicomanie, alcoolisme, troubles alimentaires, sexualité, violences conjugales, délinquance, pathologies « inexpliquées », détaille la Ciivise.

Seulement 8 % des victimes qui ont parlé ont reçu un « soutien social positif »

Or, selon les témoignages, seulement 8 % des victimes qui ont parlé ont reçu un « soutien social positif » : elles ont été crues, écoutées, protégées.

À l’inverse, lorsque le confident (parent, assistance sociale...) rejette la faute sur elles, les victimes développent plus de comportements d’autodestruction. Des addictions (drogue, alcool, médicaments) sont rapportées par quatre victimes sur dix (contre une sur quatre des victimes qui ont été protégées).

Ainsi, pour le coprésident de la Ciivise Édouard Durand, l’inceste « n’est pas qu’une affaire privée, une somme ahurissante d’histoires privées. C’est un problème collectif, d’ordre public, de santé publique ».

Or, un enfant sur deux n’a pas été mis en sécurité ni bénéficié de soins, selon les témoignages recueillis.

En particulier, 6 professionnels sur 10 n’ont pas protégé l’enfant. Mais lorsqu’ils le font, ils déposent plainte dans six cas sur 10.

Lorsque le confident a pris des décisions pour mettre l’enfant en sécurité, il s’agissait, dans 70 % des cas, des mères.

Or, signale la Ciivise, ces mères sont prises dans un « piège » : elles sont coupables de « négligence » ou « complicité » si elles n’alertent pas les institutions. Mais si elles saisissent la justice, elles sont parfois accusées de mensonges et de manipuler leur enfant.

Les mères dans un « piège »

Comme Sarah Kadi qui témoigne dans « Un silence si bruyant », documentaire diffusé dimanche sur M6 : les autorités l’ont forcée pendant quatre ans à remettre sa fille à son père, qu’elle accusait d’agression sexuelle, pour les week-ends et les vacances... jusqu’à ce que le père soit arrêté pour tentative de viol sur une mineure. Pendant quatre ans, la fillette a continué de subir des agressions, en se taisant.

La Ciivise, dont le mandat prend fin en décembre, souhaite continuer à façonner une politique publique de protection réelle des enfants. Un adulte sur dix a été victime de violences sexuelles dans l’enfance, selon elle.

Dans une tribune publiée début septembre, une soixantaine de personnalités - dont Camille Kouchner, Emmanuelle Béart ou Christine Angot - ont réclamé son maintien. Une pétition sur MesOpinions.com a dépassé 17 000 signatures.

« Je souhaite un maintien de l’élan. Mais sous quelle forme ? Le président de la République recevra le rapport final de la Ciivise en novembre et les arbitrages seront alors rendus », répond la secrétaire d’État à l’Enfance Charlotte Caubel, tout en « saluant la qualité du travail de la Ciivise ».

Rappelons par ailleurs que le gouvernement a lancé le 12 septembre une campagne sur l’inceste et les violences sexuelles visant les enfants.

« C’est la première fois qu’un gouvernement utilise le mot “inceste” dans une campagne, la première fois qu’il parle de ces violences sexuelles au sein de la famille », se félicitait Charlotte Caubel. Cette opération nationale a commencé sur les réseaux sociaux et dans les médias avant de s’afficher dans les lieux publics et les salles de cinéma. C’était une préconisation de la Ciivise.

La dernière campagne gouvernementale sur la pédocriminalité remontait à 2002 et n’évoquait pas l’inceste.

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