Inceste: après "deux mois compliqués", la Ciivise reprend ses travaux avec une nouvelle direction
Une nouvelle équipe pour un nouveau départ? Après deux mois de "turbulences", la Commission indépendante sur l'inceste (Ciivise) va reprendre ses travaux sous l'égide d'un quatuor qui sera notamment chargé du suivi des préconisations déjà émises.
Ce nouveau "collège" de direction est composé de Maryse Le Men Régnier, ex-magistrate et présidente de la Fédération France Victimes, Thierry Baubet, chef du service de psychopathologie de l'enfant à l'hôpital Avicenne à Bobigny, Solène Podevin, présidente de Face à l'inceste, et Bruno Questel, ancien député victime d'un viol étant enfant.
À l'exception de ce dernier, tous étaient déjà membres de la Ciivise 2, installée début février.
"Aller encore plus loin"
Avec cette "gouvernance renouvelée", "l'heure est à la remise au travail, pour la protection de nos enfants", a souligné ce mercredi 3 avril dans un communiqué Sarah El Haïry, la ministre déléguée chargée de l'Enfance, de la Jeunesse et des Familles.
"La priorité sera désormais de mettre en oeuvre les recommandations déjà faites et d'aller encore plus loin, en explorant l'ensemble des questions restant à soulever pour protéger tous les enfants de toutes les violences sexuelles", ajoute-t-elle.
L'annonce de la reprise des travaux met un terme à deux mois de spéculations et d'inquiétudes sur l'avenir de cette commission sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, lancée en mars 2021, dans le sillage de la publication du livre de Camille Kouchner, "La Familia grande".
Démission du président
Cette commission, qui a recueilli près de 30.000 témoignages et émis 82 recommandations et dont le travail a été salué par de nombreux acteurs de la société, devait initialement prendre fin en décembre 2023.
Sous la pression des associations et des victimes, l'exécutif a finalement annoncé son maintien mais en écartant le très apprécié et très médiatique juge des enfants Edouard Durand, qui était à sa tête.
Le magistrat a été remplacé par un duo qui a rapidement fait long feu. Visée par une plainte pour agression sexuelle, la vice-présidente Caroline Rey-Salmon s'est mise en retrait en février. Dans la foulée a suivi la démission du nouveau président, Sébastien Boueilh, s'estimant "la cible de calomnies et d'attaques personnelles".
Ces "deux mois compliqués" n'ont "pas permis d'avoir un environnement suffisamment serein pour travailler sur la question de l'inceste et des violences sexuelles sur les mineurs", admet Sarah El Haïry dans le Figaro.
Pour autant, "il n'a jamais été question d'arrêter les travaux malgré les turbulences", assure la ministre. "Maintenir la dynamique enclenchée pour lutter collectivement contre les violences sexuelles faites aux enfants est une priorité (...). C'est pourquoi il est essentiel que la Ciivise continue ses travaux rapidement, sereinement, efficacement."
"Enfumage"
Cette Ciivise remaniée sera notamment chargée d'accompagner la mise en oeuvre des recommandations déjà émises "ou de celles qu'elle émettra dans les prochains mois, en portant une attention particulière notamment aux enfants victimes en situation de handicap, qui constituent un public particulièrement vulnérable exposé aux violences sexuelles", précise le ministère.
Il s'agit également de "faire de tous les lieux de vie et de socialisation des enfants des lieux sûrs à l'égard du risque de violences sexuelles", ajoute-t-il sans donner plus de précisions.
L'accent doit aussi être mis sur la formation de tous les professionnels au contact des enfants "aux réflexes et gestes les plus protecteurs et à la vigilance".
Reste à savoir si ces annonces suffiront à éteindre la colère et l'inquiétude d'anciens membres de la Ciivise qui ont écrit ces derniers mois au chef de l'Etat Emmanuel Macron ou à la ministre.
Des courriers restés lettres mortes, déplore Arnaud Gallais, ancienne victime à la tête de l'association Mouv'enfants. Cette collégialité, réagit-il auprès de l'AFP, "c'est un enfumage, il faut des actions concrètes et sortir de la culture du déni".
Le président de l'association de protection de l'enfance Les Papillons Laurent Boyet se dit pour sa part "plutôt satisfait" de la composition de l'équipe dirigeante qui va selon lui "dans le bon sens".