Immunité présidentielle aux Etats-Unis : « Cette décision vient affaiblir le principe d’égalité des citoyens devant la loi »

 

La Cour suprême américaine à majorité conservatrice a étendu lundi l’immunité pénale du président. Concrètement quels sont le sens et la portée de cette décision ?

 

La Cour suprême a distingué trois catégories d’actes. Les premiers qui relèvent de la fonction présidentielle, telle que définie par la Constitution jouissent d’une immunité absolue. En revanche, ainsi que le souligne le président de la cour, auteur de l’opinion majoritaire, afin de se dédouaner vis-à-vis des trois juges progressistes, le président n’est pas au-dessus des lois car des poursuites pénales peuvent être intentées contre lui pour ses actes non officiels.

 

La difficulté va découler de cette troisième catégorie d’actes, qui jouissent d’une présomption d’immunité. Ce sera le travail de la juge de première instance que d’étudier chacun des actes incriminés. Il faudra déterminer si l’acte en question, par exemple le discours prononcé devant la Maison-Blanche le 6 janvier, ou le coup de téléphone au responsable électoral de Géorgie pour lui demander de trouver 11 780 voix, relève de la fonction officielle du président ou s’il s’agit d’un acte privé.

 

Politiquement, cette décision représente-t-elle une victoire pour Donald Trump ?

C’est une très belle victoire pour Donald Trump, car ses avocats avaient demandé l’immunité et ont provoqué cette affaire afin de tenter de gagner du temps. Cette manœuvre dilatoire a remporté tous ses objectifs ! Il n’y aura pas de procès à Washington sur l’insurrection du 6 janvier avant les élections de novembre 2024.

 

De plus, si Donald Trump est réélu en novembre, il va ordonner à son ministre de la Justice de limoger Jack Smith, le procureur spécial fédéral qui a déjà inculpé plusieurs l’ex-président américain. L’affaire du Capitole étant une affaire fédérale, cela mettra fin à l’action en justice. Par ailleurs, en cas de réélection de Trump, la nouvelle administration tentera sans doute également de saboter les autres procès engagés contre l’ex-président.

 

Joe Biden a affirmé que la décision de la Cour suprême crée un « dangereux précédent », car les pouvoirs de président « ne seront plus limités par la loi ». Est-ce de l’exagération ?

Cette décision est dangereuse pour l’avenir car elle crée un précédent et les futurs présidents pourront considérer qu’ils courent très peu de risque d’être poursuivis au pénal après leur mandat. Cela peut renforcer le sentiment d’impunité qui existe depuis que le président Ford a gracié Richard Nixon en 1974.

Aujourd’hui, les républicains sont très contents, et les démocrates crient au complot contre la démocratie. Ce qui est certain c’est que cette décision vient affaiblir l’un des principaux fondamentaux de la démocratie américaine, qui est celui de l’égalité des citoyens devant la loi « the Rule of Law ». Avec cette décision, la Cour suprême, est censée protéger ce principe, et rendre plus facile à des gens qui violent la loi d’échapper à la justice.

 

Donald Trump a été reconnu coupable le 30 mai par la justice de New York de « falsification comptable aggravée pour dissimuler un complot visant à pervertir l’élection de 2016 », il connaîtra le 11 juillet sa peine. Y aura-t-il d’autres procès d’ici à l’élection présidentielle ?

Tous les autres procès sont bloqués. Mais on peut penser qu’il y aura une série de « mini-procès », qui prendront la forme d’audiences tenues par la juge de première instance à Washington. Dans la foulée de la décision de la Cour suprême rendue ce lundi, la juge va en effet tenter de dégager des éléments lui permettant de classer les actes incriminés en acte officiels et non-officiels.

 

Après le débat catastrophique de Joe Biden la semaine dernière, où en sont les appels à son remplacement ?

Les appels au remplacement de Joe Biden sont contre-productifs. Personne ne peut le contraindre à renoncer, et lui-même veut rester dans la course. Les seules personnes qui pourraient le faire changer d’avis sont sa femme, son fils, sa sœur ou Barack Obama. Mais tous ont indiqué qu’il devait continuer et qu’il traverse simplement un mauvais moment. Ils ont sans doute raison, dans la mesure où la seule fois où un président en place a renoncé à se présenter, c’était en 1968. A l’époque, la convention démocrate avait été le théâtre de luttes intestines terribles, et les républicains avaient fini par remporter l’élection présidentielle.