Honduras: l'espoir de retrouver le corps de son enfant assassiné par les gangs

Photo publiée par l'Agence technique d'investigation criminelle du Honduras (ATIC) montrant des agents en train d'exhumer des restes enfouis dans des fosses clandestines, dans le quartier de Lomas del Carmen, au nord-est de San Pedro Sula, au Honduras, le 6 juin 2024 (Handout)
Photo publiée par l'Agence technique d'investigation criminelle du Honduras (ATIC) montrant des agents en train d'exhumer des restes enfouis dans des fosses clandestines, dans le quartier de Lomas del Carmen, au nord-est de San Pedro Sula, au Honduras, le 6 juin 2024 (Handout)

Maria Suyapa n'avait que 13 ans lorsque des hommes l'ont violée puis enrolée de force dans leur gang. Trois ans plus tard, sa mère n'a plus qu'un espoir: que ses restes soient retrouvés dans l'une des fosses clandestines récemment découvertes dans le nord du Honduras.

"Retrouver les ossements de ma fille, c'est la seule chose que je souhaite", assure auprès de l'AFP Nolvia, un nom fictif, comme celui de sa fille, donné par cette femme de 38 ans par crainte de représailles.

"Je viens voir s'ils l'ont retrouvée", poursuit-elle, assise comme d'autres proches de disparus, dans une salle de l'institut médico-légal de la ville industrielle de San Pedro Sula, à 180 km de la capitale Tegucigalpa.

Il y a trois semaines, les autorités du Honduras ont commencé à creuser une colline située à l'extérieur de la ville pour tenter de retrouver les restes de personnes portées disparues, après le signalement d'habitants. Jusqu'à présent, les ossements correspondant à 13 personnes ont été exhumés du sol aride. Plusieurs autres fosses ont été découvertes à proximité.

Bien que le gouvernement de la présidente de gauche Xiomara Castro ait imposé l'état d'urgence en décembre 2022, permettant les arrestations sans mandat, sur le modèle de celui en vigueur au Salvador, les gangs poursuivent leurs activités criminelles, entre extorsions, trafic de drogue et assassinats.

Après avoir été violée, Maria Suyapa a été "forcée" à rejoindre le gang du bidonville de Lomas del Carmen, dans la banlieue de San Pedro Sula, raconte sa mère. "Ils l'ont emmenée vivre avec eux", déplore-t-elle.

"Ce n'est pas possible qu'ils prennent des filles et les mettent dans ces gangs. Ce sont des enfants, qui doivent étudier, qui ont toute la vie devant eux", ajoute-t-elle.

Deux ans après l'enlèvement de sa fille, Nolvia a reçu un message sur Facebook lui disant "de ne plus la chercher parce qu'elle ne la retrouverait jamais", raconte-t-elle. "Ils m'ont dit qu'elle avait reçu une balle dans la tête et qu'elle se trouvait dans ce cimetière clandestin".

-"Une balle dans la tête"-

Les restes humains retrouvés font l'objet d'analyses dentaires et d'ADN et "tous ont une balle dans la tête", dit à l'AFP l'expert médico-légal Vladimir Nuñez.

Des habitants du bidonville ont rapporté avoir vu comment l'adolescente avait été emmenée sur la colline pour y être tuée, apparemment en raison d'un conflit entre gangs.

Juan, 72 ans, qui n'a pas non plus souhaité donner son vrai nom par peur de représailles, estime auprès de l'AFP à "environ 40" le nombre de personnes assassinées sur la colline, après avoir vu les victimes y être emmenées puis "enterrées".

Selon les autorités, plusieurs des ossements retrouvés appartiennent à des personnes ayant refusé de quitter leur maison après en avoir reçu l'ordre des gangs. Des maisons ensuite utilisées pour y commettre des meurtres, communément appelées "casas locas" (maisons folles).

À Lomas del Carmen et dans d'autres quartiers proches, il y a "beaucoup de maisons et de terrains abandonnés", assure Juan.

Nolvia a également été forcée à quitter son quartier. "Ils allaient me tuer. Ils arrivent avec des armes et disent: +Tu as quelques heures pour partir. Tu dois quitter la maison ou ils te tueront+".

"Il y a beaucoup de cas comme ça, les gens ne parlent pas par peur", estime la femme partie vivre chez sa soeur, de crainte que sa fille de 11 ans ne subisse le même sort que Maria Suyapa.

Le commissaire adjoint de la police nationale Enoc Funes, assure à l'AFP que les "opérations policières sont permanentes" et que des dizaines de policiers et militaires sont mobilisés dans des patrouilles.

Cependant, la violence persiste dans le petit pays d'Amérique centrale. Le Honduras est l'un des pays les plus violents au monde, avec un taux d'homicide de 34 pour 100.000 habitants en 2023, soit près de six fois la moyenne mondiale.

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