Hommage à Etienne Guyon : "Derrière les passions du grand physicien, l'homme"

Le physicien Etienne Guyon, ancien directeur de l’Ecole normale supérieure et spécialiste de supraconductivité et d'hydrodynamique, est décédé le 13 juillet 2023 à l’âge de 88 ans. Pour Sciences et Avenir, Bernard Maitte, professeur émérite à l’université de Lille et ami de longue date du physicien, lui rend hommage.

Il pouvait paraître bourru, vindicatif, irritant dans sa manière d’intervenir, ne retenait pas ses mots, mais il fallait savoir écouter ce feu-follet faisant toujours plusieurs choses à la fois, allant au fond des choses, plein d’idées et de pétulance, comme il savait écouter les autres. Son caractère parfois abrupt cachait une sensibilité, une tendresse, une générosité exceptionnelles. Le corps de ce grand physicien ayant la passion de faire comprendre, transmettre, partager, donner, a dit stop ce 13 juillet 2023.

Les débuts

Parisien, il éprouve plus de fierté à obtenir un chamois d’or de ski que le baccalauréat, passé alors qu’il est élève dans un lycée d’altitude pour convalescents tuberculeux. Reçu à la fois à l’ENS et à l’X, il choisit l’ENS. Il y entre avec Michel Demazure, Michel Hulin, Gérard Vergnaud : ils deviennent ses amis. C’est la guerre d’Algérie, les étudiants sont très organisés contre cette ignominie, structurés par le PCF ou les "talas" (ceux qui vont-à-la messe, comme Etienne), unis. Le général De Gaulle et Malraux viennent à l’École : les étudiants font une chaine de chaque côté de l’escalier en se tenant par les coudes, derrière les dos. De Gaulle s’approche de l’un d’eux la main tendue et s’entend dire "je ne serre pas la main à votre politique". Le directeur de l’ENS faillit en perdre son poste. De Gaulle fut pourtant, avec Mendès France et Mitterrand, un des rares hommes d’État à considérer la recherche comme essentielle pour l’avenir de la France.

"Apprenti physicien", il découvre la physique atomique avec Alfred Kastler, s’initie à la recherche avec les cristallographes André Guinier et Hubert Curien, qui deviendra son ami : ils lui enseignent la rigueur et l’ouverture qui prolonge l’acquisition et le partage des savoirs. Curien remarque ses puissances intellectuelles et physique. Après un service militaire en Algérie, "deux ans de lavage de cerveau", il est accueilli, à Orsay, par Pierre-Gilles de Gennes (PGG) ("en un après midi, j’ai com[...]

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