Hollande, Jospin, Roussel... L'hypothèse Mélenchon à Matignon crispe à gauche

Le leader de LFI ne s'élimine toujours pas dans la course à Matignon. Certains de ses partenaires du Nouveau Front populaire l'enjoignent pourtant à rester en retrait.

Qu'il est le loin le parfum de la campagne des élections législatives 2022. Ce temps où la gauche unie sous la bannière Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) faisait campagne sur un nom pour Matignon: Jean-Luc Mélenchon. Le leader de La France insoumise avait écrasé le rapport de force à gauche en s'imposant comme le troisième homme de l'élection présidentielle. Non pas que son profil comme Premier ministre faisait l'unanimité, mais ce résultat lui permettait de forcer la main et faire l'union derrière lui.

Deux ans plus tard, le tribun de 72 ans a perdu du poids électoral. Les européennes sont passées par là, plaçant les insoumis derrière les socialistes portés par Raphaël Glucksmann, chantre d'une ligne en rupture avec LFI. Avant cela, la Nupes a volé en éclats. Tout cela amène à l'alliance d'aujourd'hui, celle du Nouveau Front populaire, où écologistes, socialistes comme communistes soulignent la nécessité de s'accorder sur un nom de Premier ministre "consensuel".

Jean-Luc Mélenchon, lui, souhaite rester dans la partie: il ne "s'impose pas" mais ne s"'élimine pas".

Reste que la parole de ses contempteurs d'hier a plus de poids aujourd'hui dans un contexte où le triple candidat à la présidentielle se voit critiqué de toutes parts et notamment accusé d'antisémtisme. Sans surprise, lorsqu'il a relancé le débat ce samedi en affirmant sur France 5 qu'il a "l'intention de gouverner ce pays", les critiques n'ont pas tardé.

Son ancien rival du Parti socialiste, François Hollande, a fait passer un "message" dimanche depuis son fief, en Corrèze, où il se présente aux élections législatives:

"S'il veut rendre service au Nouveau Front populaire, il faut qu'il se mette de côté, qu'il se taise."

La désaprobation est également venue de l'ex-Premier ministre Lionel Jospin. Ce dernier a évoqué sur BFMTV celui qui fut son ministre délégué à l'Enseignement professionnel entre 2000 et 2002, constatant qu'il a "bien changé depuis". "Ce qui me remonte du terrain, un peu partout, et notamment chez les électeurs de gauche, c'est qu'aujourd'hui, Jean-Luc Mélenchon n'est pas la solution", a-t-il déclaré.

Même constat du côté de Fabien Roussel. Le secrétaire national du Parti communiste français, dont l'animosité réciproque avec l'insoumis n'est plus à démontrer, s'est fendu d'un communiqué dimanche. Il y affirme que "l'idée d'une nomination au poste de Premier ministre de Jean-Luc Mélenchon, qu'il alimente lui-même, n'a jamais fait l'objet d'un accord entre les forces du Front populaire".

Du côté des écologistes, c'est Marine Tondelier qui a brossé dimanche sur LCI le portrait-robot du candidat idéal à gauche pour Matignon. En écartant sans la citer l'hypothèse Jean-Luc Mélenchon.

L'intéressé, lui, remise ce débat à un principe qui ne fait pas consensus non-plus: une proposition du groupe majoritaire de la gauche unie en cas de victoire. Ce qui aurait de grandes chances de mettre les insoumis en position de force, même si in fine, le dernier mot reviendra au président de la République.

N'en déplaise à ses détracteurs, le fondateur de LFI ne se met pas en retrait. Il a répliqué dimanche à François Hollande depuis Montpellier, où il tenait meeting, en affirmant que "la popularité n'est pas du côté qu'il croit", en réaction aux huées du public quand il a mentionné le nom de l'ancien président.

Les adversaires de la gauche, qu'ils soient issus de la majorité sortante ou du Rassemblement national se délectent de ces fractures internes et s'engouffrent dans la brèche.

"C'est donc bien lui qui sera Premier ministre si par malheur la Nupes venait à gagner les élections législatives. J'espère que tous les Français entendront cela et en tireront les conséquences", a ironisé la cheffe de file du Rassemblement national Marine Le Pen en déplacement à Billy-Montigny (Pas-de-Calais) ce dimanche.

Même credo du côté de Gabriel Attal, qui mène la campagne du camp présidentiel. Le chef du gouvernement a assuré ce jeudi que l'insoumis serait le Premier ministre de la gauche, en cas de victoire aux législatives, même si personne ne peut affirmer cela avec certitude en l'état. Loin de là. Peu importe visiblement, la stratégie étant surtout pour ses adversaires d'en faire un rebrousse-poil.

Ainsi Gabriel Attal a souhaité dans Le Figaro que Jean-Luc Mélenchon soit mis au premier plan de la campagne électorale en remplaçant Manuel Bompard, coordinateur de LFI, pour l'affronter lui et Jordan Bardella dans le débat prévu sur TF1 mardi.

L'insoumis avait refusé une telle configuration au début de la campagne, écrivant ainsi sur X le 13 juin:

"Je remercie TF1 et France 2 pour leur invitation aux débats avec Attal et Bardella. Le Nouveau Front populaire n'a pas encore désigné son candidat Premier ministre. C'est donc aux chefs des grands partis de notre coalition d'aller à ce type de débats."

Article original publié sur BFMTV.com