Heïdi Sevestre, glaciologue : "Nous sommes au pied du mur, il est vraiment crucial de le comprendre"

Dans son livre "Sentinelle du climat" (ed. Harper Collins), la glaciologue Heïdi Sevestre compte, au travers de son témoignage, sensibiliser la population à la fonte des glaciers. Au micro de Yahoo, elle a accepté de revenir sur son combat, une bataille qu’elle mène depuis des années et dont l’enjeu est crucial.

Heïdi Sevestre tire la sonnette d’alarme. Dans son livre "Sentinelle du climat" (ed. Harper Collins), la glaciologue de 35 ans compte, au travers de son témoignage, sensibiliser la population à la fonte des glaciers et ce, alors que le dernier rapport de l’ONU sur l’état du climat mondial est plus qu’alarmant. Pour cette scientifique, dont le travail consiste à coordonner toute la recherche sur le dérèglement climatique en Arctique, il n’est plus l’heure d’argumenter mais de passer à l’action. "Nous sommes au pied du mur, il est vraiment crucial de le comprendre."

Comme elle l’a expliqué au micro de Yahoo, il n’est pas encore trop tard pour inverser la tendance. Mais le changement doit commencer dès à présent, dans notre propre foyer. "On va avoir besoin de chacune et chacun d’entre nous pour éviter le pire", a-t-elle expliqué tout en invitant chaque personne à utiliser son cercle d’influence pour avoir un impact positif sur la planète. "Certes, on peut toujours regarder ce que fait le voisin, ce que fait la Chine ou les États-Unis mais il faut d'abord que ce changement commence par nous."

"Même la perte d’une petite partie du Groenland ou de l’Antarctique, ce serait des centaines de millions de personnes déplacées"

Très investie dans son métier, Heïdi Sevestre s’est donnée pour mission de reconnecter la population à la glace. Et pour tenter d’engendrer une prise de conscience collective, elle a mis en lumière trois raisons pour lesquelles les glaciers ont une énorme importance. Dans un premier temps, la glaciologue a tenu à rappeler quelques données essentielles. Au total, selon ses chiffres, 70% de nos réserves d’eau douce se trouveraient dans la neige et la glace. "Les glaciers des Alpes, ce sont nos châteaux d’eau et nous en avons encore énormément besoin aujourd’hui."

Comme elle l’a rappelé en parallèle, le niveau des océans pourrait augmenter de manière exponentielle, jusqu’à 65 mètres, si les grandes calottes polaires, donc le Groenland et l’Antarctique, venaient à perdre leur glace. "Au total, 700 millions de personnes habitent sur les littoraux de notre planète, juste entre 0 et 10 mètres d’altitude. Donc même si on ne perd qu’une petite partie du Groenland ou qu’une petite partie de l’Antarctique, des centaines de millions de personnes devront tout de même se déplacer", a-t-elle déploré.

Enfin, il est, selon elle, important de rappeler l’importance de la glace sur notre climat. "Le fait que les pôles soient des régions très froides marque le rythme des saisons. Perdre ces glaces influencerait notre météo", a-t-elle expliqué tout en rappelant certains événements météorologiques extrêmes, comme les feux de forêts survenus suite à des canicules très importantes. Des phénomènes qui seraient directement liés à la perte des glaces.

"On peut perdre tous les glaciers des Alpes d’ici la fin du siècle"

Une fonte des glaces également visible d’une toute autre manière dans l’Hexagone. La Mer de glace par exemple, le plus grand glacier des Alpes situé à côté de Chamonix, fond à un rythme effréné. Elle s’est d’ailleurs dite choquée d’observer une telle différence entre le paysage des années 20 et celui d’aujourd’hui. "À l’époque, on pouvait prendre un petit train pour aller au Montenvers. Ensuite, il fallait marcher quelques pas pour se retrouver directement sur le glacier", a-t-elle expliqué tout en faisant la comparaison avec l’actuelle situation.

"Pour descendre sur la Mer de Glace, j'ai pris ce même petit train. Une fois sortie, j'ai dû prendre un téléphérique et descendre 520 marches d'escalier pour atteindre la surface du glacier", a-t-elle déploré rappelant qu’il reculait extrêmement rapidement, une véritable course contre la montre. "Nous sommes en train de le perdre." Une catastrophe pour cette amoureuse de nature qui a depuis toujours nourri une admiration et un certain respect pour la faune et la flore. "Dès l’âge de 10 ans, j’aimais partir en pleine nature, toute seule. Je me levais très tôt le matin, je partais avec mon petit sac à dos dans la forêt juste derrière mon village, Gruffy, pour aller voir les animaux", s’est-elle remémorée.