Harcèlement scolaire : en tant que parent, que faire si votre enfant est harcelé ?

Nicolas, un adolescent de 15 ans victime de harcèlement, a mis fin à ses jours à Poissy (Yvelines). Ses parents dénoncent l’inaction de l’institution scolaire.
Juan Algar / Getty Images Nicolas, un adolescent de 15 ans victime de harcèlement, a mis fin à ses jours à Poissy (Yvelines). Ses parents dénoncent l’inaction de l’institution scolaire.

ÉCOLE - Faustine Bollaert, Mika, Laurence Ferrari, Denis Brogniart, Ophélie Meunier… À deux jours de la journée nationale contre le harcèlement scolaire, ces personnalités ont participé ce mardi 7 novembre à un grand événement organisé à Paris par Gabriel Attal et Brigitte Macron pour évoquer la lutte contre ce « fléau » qui a trop souvent fait l’actualité ces derniers mois.

Gabriel Attal se confie sur le harcèlement scolaire dont il a été victime au collège

En tant que parent, il n’est pas toujours facile de savoir quand ni comment alerter sur ce type de situation. Le HuffPost a demandé à Samuel Comblez, directeur des opérations du 3018, le numéro national contre le harcèlement et le cyberharcèlement, comment faire pour réagir au mieux lorsque son enfant en est victime.

Le HuffPost. Lorsque l’enfant confie être harcelé, comment le rassurer et bien accueillir sa parole ?

Samuel Comblez. La première chose à faire, c’est de prendre du temps. Ça peut paraître anodin ou évident, mais on a souvent tendance à entendre cette parole comme n’importe quelle autre, à ne pas suffisamment prendre le temps d’écouter. Écouter, c’est écouter les faits, tels qu’ils se sont déroulés et avec un maximum d’informations, mais c’est aussi écouter les émotions qui sont liées à la situation. Parfois, on oublie de le faire.

Ensuite, ce qui est important pour les victimes, c’est de bien montrer qu’on accuse réception de ce qu’elles nous disent. La victime a besoin que les faits soient enregistrés et qu’on lui assure qu’ils vont être transmis. Dans un cas de harcèlement scolaire, transmis aux personnes référentes pour le protéger, donc l’institution scolaire. Il faut agir immédiatement.

Quand est-ce qu’on doit considérer que la situation requiert une intervention parentale ?

Si l’on mesure qu’il y a un préjudice, une forme de souffrance et qu’une situation se répète, on peut considérer qu’il y a du harcèlement. Ce sont des enfants, qui n’ont pas la même expérience de vie que des adultes.

Ils peuvent ne pas se rendre compte que, par exemple, chatouiller son copain de classe tous les matins, peut-être que ça les fait rire, mais quand c’est tous les matins et plusieurs élèves de la classe, cela devient du harcèlement parce que c’est répété. À partir du moment où l’enfant manifeste que cela ne le fait pas rire, il faut intervenir.

Il vaut mieux toujours signaler une situation un peu naissante plutôt que de risquer de la laisser se dégrader. Car c’est souvent ça le problème : on ne réagit pas, on se dit que ce n’est pas grave et que ça n’a jamais tué personne. Et bien si, ça peut tuer. Le harcèlement, chaque année, ça coûte la vie à 25 à 30 élèves, l’équivalent d’une classe.

Comment contacter l’établissement scolaire ?

Le mieux, c’est de demander un rendez-vous au chef d’établissement par écrit. Car d’une part, cela formalise la demande. Cela montre que la situation est importante, qu’elle demande d’être prise au sérieux par l’institution scolaire et qu’elle doit être adressée le plus rapidement possible. Il vaut mieux donc envoyer un courrier recommandé, car l’institution ne pourra pas dire ensuite qu’elle ne savait pas.

En parallèle, on passe un petit coup de téléphone au principal pour le prévenir qu’on le sollicite par écrit et lui exposer la situation, pour qu’elle s’arrête dès maintenant. Toute situation de harcèlement est une situation d’urgence. Il ne faut pas admettre qu’un rendez-vous soit donné dans les 8 ou 15 jours, ça doit être rapide.

On peut rappeler que même si le harcèlement a lieu en dehors de l’établissement ou sur Internet, à partir du moment où cela concerne deux élèves de l’établissement, c’est sa responsabilité de résoudre le problème.

Comment faire si l’enfant ne souhaite pas que l’on prévienne l’établissement ?

Ce qui motive souvent l’enfant à ne pas vouloir en parler, ce sont les représailles. Chaque situation est différente, donc il faut s’adapter, mais il faut que le parent fasse comprendre à son enfant que sa mission, c’est de le protéger quoi qu’il arrive. Et que la résolution de la situation ne pourra passer que par la révélation des faits.

Ce qu’il faut aussi, c’est le rassurer en lui expliquant que si les choses sont dites officiellement, les procédures qui existent - malgré les exemples que l’on voit dans l’actualité - sont faites pour les protéger et éviter ces représailles. Car à partir du moment où les choses sont révélées, il va y avoir aussi un contrôle de ces représailles. Ça permet aussi au parent de lui montrer qu’il n’est plus seul.

En général, lorsqu’un enfant révèle des faits de harcèlement à ses parents, c’est qu’il a envie que les choses bougent. Il faut lui dire qu’il a bien fait de faire cette démarche, qui était finalement la plus difficile, et que les parents sont là pour se charger de la suite.

Conseillez-vous de contacter le harceleur ou ses parents ?

Non. Il ne faut pas le faire, car c’est le rôle de l’institution scolaire de protéger les enfants. Ce n’est pas aux parents d’aller faire justice eux-mêmes. L’expérience nous montre que cette tentation de régler la situation soi-même - qui peut être tentante - n’est pas couronnée de succès. Déjà, parce que pour un parent de harceleur, c’est toujours difficile d’admettre que son enfant a commis une faute.

Et que quand on est parent de victime, on peut apparaître de manière un peu vindicative, ce qui peut crisper la situation et engendrer de plus fortes représailles. Car ce n’est plus qu’une situation entre enfants, cela implique désormais les parents.

Comment faire si l’établissement ne réagit pas ou minimise la situation ?

On relance une fois. Après un délai raisonnable, on peut solliciter l’association de parents d’élèves, qui peut être un recours supplémentaire. On peut saisir l’autorité administrative du principal, l’inspecteur d’académie ou le rectorat. L’idée, c’est de signaler la situation et de marquer rapidement les défaillances de l’institution. Tout cela peut se faire aussi en parallèle d’un dépôt de plainte.

À partir de quel moment faut-il porter plainte ?

On peut considérer qu’à partir du moment où il y a un préjudice, vous avez le droit de porter plainte pour vous défendre. Cela peut aussi être un argument dans le courrier de départ au chef d’établissement, de dire que l’on a déposé plainte, pour souligner que ce que l’enfant subit est illicite. Le problème, c’est que le temps judiciaire est très long, donc ça ne peut pas être la première ni la seule solution. Mais c’est une procédure qu’il faut traiter en parallèle.

Que faire si le harcèlement empire après la dénonciation des faits ?

Le médecin généraliste peut être un relais pour rendre compte de la souffrance de l’enfant, l’isoler et parfois le mettre en arrêt maladie. Ce n’est pas la meilleure des solutions, car c’est plutôt aux harceleurs d’être mis à l’écart. Mais ça peut être la seule solution pour protéger l’intégrité physique et morale de l’enfant.

À quel moment est-ce que l’on change l’enfant d’établissement ?

C’est vraiment l’ultime recours à envisager. Cela peut être une décision de la victime, une fois que le harcèlement s’est arrêté. Elle peut ne pas avoir envie de croiser son ou ses anciens harceleurs tous les matins. Mais c’est plutôt aux harceleurs de partir.

Que faire si l’enfant est aussi victime de cyberharcèlement ?

La première chose à faire, quand on est victime de cyberharcèlement, c’est de ne pas répondre. Parce que ce que cherchent les harceleurs, c’est de confirmer qu’ils ont un impact sur leur victime, qu’elle a peur et se sent menacée.

Ensuite, il faut signaler la situation au réseau social en question. Si c’est compliqué ou que le réseau social ne réagit pas, il faut appeler le 3018 (numéro national contre le harcèlement et le cyberharcèlement). Nous sommes capables de faire des remontées de signalement, très rapidement, aux différentes plateformes. En général, en quelques minutes ou heures, on peut faire supprimer des contenus voire des comptes dans les situations les plus graves.

Après, garder une distance par rapport aux réseaux sociaux, ça peut faire du bien. Mais c’est compliqué pour un adolescent, car bien souvent, quand vous le privez d’une présence numérique, c’est comme si vous l’amputiez d’une partie de lui-même. Donc il faut être dans un entre-deux : d’un côté il n’a commis aucune faute et n’a pas de raison d’être puni, et de l’autre le réseau social peut être un lieu de préjudice pour lui, donc il faut y aller avec prudence.

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