Gustavo Petro, premier président de gauche de l’histoire de la Colombie

Colombia's President-elect Gustavo Petro gestures during his inauguration ceremony at the Bolivar square in Bogota, on August 7, 2022. - Ex-guerrilla and former mayor Gustavo Petro will be sworn in as Colombia's first-ever leftist president, with plans for profound reforms in a country beset by economic inequality and drug violence. (Photo by JUAN BARRETO / AFP)

JUAN BARRETO / AFP

Gustavo Petro, premier de gauche de l’histoire de la Colombie

INTERNATIONAL - Gustavo Petro a prêté serment ce dimanche 7 août devant des centaines de milliers de personnes qui ont assisté à sa cérémonie d’investiture à Bogota, devenant ainsi le premier président de gauche de Colombie.

« Je jure devant Dieu et je promets au peuple de respecter fidèlement la Constitution et les lois de la Colombie », a déclaré l’ancien sénateur et ex-guérillero de 62 ans qui a promis des transformations radicales, notamment en termes d’environnement et de lutte contre les fortes inégalités et les violences liées au trafic de drogue.

Petro, qui a quitté la rébellion armée il y a trois décennies, a prêté serment sur la place Bolivar de Bogota devant une importante délégation d’invités internationaux et une foule immense.

« Le premier gouvernement qui, nous l’espérons, sera un gouvernement de paix, est sur le point de commencer. Nous espérons qu’il pourra apporter à la Colombie ce qu’elle n’a pas eu depuis des siècles, à savoir la tranquillité et la paix », avait déclaré samedi Petro à Bogota lors d’une première cérémonie d’intronisation auprès des peuples indigènes, afro colombiens et paysans.

Financer les réformes

L’ancien chef de l’opposition depuis deux décennies prend ses fonctions avec une batterie de réformes en tête qui suscitent de fortes attentes chez ses partisans depuis sa victoire le 19 juin. À ses côtés, l’écologiste Francia Marquez, 40 ans, prêtera serment en tant que première vice-présidente afro colombienne d’une nation, qui a historiquement été gouvernée par des élites masculines blanches.

Petro part d’une « position enviable, avec une large majorité au Parlement et bénéficie, au niveau de la rue, d’un soutien qu’aucun gouvernement n’a eu ces dernières années », estime l’expert Jorge Restrepo, du Centre de ressources pour l’analyse des conflits (Cerac). Gustavo Petro a formé un gouvernement pluriel, avec des femmes à la tête de plusieurs portefeuilles, avec pour mission de faire avancer les réformes qui commenceront leur parcours législatif dès lundi.

À la recherche de ressources pour financer les plans de réforme sociale, des projets de loi entendent augmenter les impôts des plus riches, améliorer leur collecte et taxer les boissons sucrées.

Mais « le niveau d’endettement et de déficit fiscal que nous avons trouvé est critique », a déclaré Daniel Rojas, l’un des coordinateurs de la commission de transition avec le gouvernement de son prédécesseur Ivan Duque.

Petro entend malgré tout remplir sa promesse de réduire le fossé entre les plus riches et les plus pauvres en développant l’accès au crédit, en multipliant les aides et en mettant l’accent sur l’éducation. « Je me battrai pour la justice sociale dans l’une des sociétés les plus aberrantes d’inégalité sur Terre », a-t-il dit samedi.

Si l’économie colombienne a récupéré de la pandémie et retrouvé la croissance, les 10,2 % d’inflation en glissement annuel en juillet, le chômage (11,7 %) et les 39 % de pauvreté rendent les défis du président Petro encore plus grands.

« Les gens s’attendent à ce que certains des changements promis pendant la campagne soient mis en œuvre rapidement, ce qui, ajouté à la situation économique (...) génère une atmosphère de tension », prévient Patricia Muñoz, politologue à l’Université Javeriana.

Paix armée

Sur le plan international, Petro va réactiver les relations diplomatiques et commerciales rompues depuis 2019 avec le Venezuela voisin de Nicolas Maduro, et chercher du soutien pour reprendre les pourparlers de paix avec l’Armée de libération nationale (ELN), la dernière guérilla reconnue dans le pays.

Bien que l’accord de paix avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, marxistes) en 2016 ait permis de réduire la violence, la Colombie n’a pas encore éteint le dernier conflit armé interne du continent.

Outre l’ELN, de puissants gangs de trafiquants de drogue tels que le Clan del Golfo, dirigé par le baron « Otoniel » extradé cette année aux États-Unis, imposent leur loi dans plusieurs régions du pays. Et les dissidents des FARC défient également l’État grâce aux ressources provenant de l’exploitation minière illégale et, surtout, du trafic de drogue, car la Colombie reste le plus grand producteur de cocaïne au monde.

Sur ce point, Petro propose de repenser l’échec de la politique d’éradication des cultures, en collaboration avec les États-Unis, principal consommateur de ce dérivé de la feuille de coca. Petro proposera la paix à ces groupes armés en échange de programmes de réduction de peine, sur le modèle de l’accord avec les FARC. Il entend aussi réformer la police anti-émeutes, accusée de multiples violations des droits humains lors des violentes répressions des manifestations qui ont secoué le mandat de son prédécesseur.

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