Guerre en Ukraine : ces craintes que la rencontre Poutine - Kim Jong Un suscite

L’une des rares visites de Kim Jung Un à l’extérieur de son pays était pour rencontrer le président russe Vladimir Poutine en avril 2019.
STR / AFP

INTERNATIONAL - Parti dimanche de Pyongyang pour se rendre en Russie, le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un est attendu pour une rencontre -scrutée de près- avec le chef du Kremlin Vladimir Poutine.

Une rare sortie du territoire nord-coréen de la part du Kim Jong Un qui atteste de l’importance de cette visite d’État. D’autant plus que la rencontre entre les deux chefs d’États isolés laisse planer la crainte d’un accord sur des ventes d’armes à la Russie pour soutenir l’invasion de l’Ukraine, que Pyongyang soutient déjà publiquement.

Mais si Pyongyang, soumis à des sanctions internationales pour son programme d’armement nucléaire, a régulièrement démenti fournir des armes à la Russie, elle pourrait prochainement modifier cette position à en croire Washington et plusieurs experts.

L’idée d’un accord pour des livraisons d’armes et d’ailleurs renforcé par la composition de la délégation accompagnant le leader suprême nord-corréen en Russie, dans laquelle on retrouve les principaux responsables militaires, dont ceux chargés de la production d’armement et de la technologie spatiale.

• Un accord pour prendre l’ascendant ?

Si Washington assure que la Corée du Nord a déjà fourni des roquettes d’infanterie et des missiles à la Russie en 2022, notamment pour le groupe Wagner, plusieurs voix estiment que Moscou cherche désormais à se fournir en obus d’artillerie auprès de son allié.

C’est justement l’idée avancée par Joseph Dempsey, chercheur à l’Institut international d’études stratégiques. « La Corée du Nord détient vraisemblablement les plus gros stocks d’obus d’artillerie de l’époque soviétique », avance-t-il auprès de l’AFP.

Chez nos confrères du Monde, le chercheur Antoine Bondaz tempère : « La Corée du Nord dispose d’un stock important de vieux missiles peu précis dérivés des Scuds soviétiques, qui ne serviraient à rien à la Russie, si ce n’est à procéder à des « frappes de terreur » ».

Le président Volodymyr Zelensky a récemment reconnu que la Russie -forte de sa supériorité aérienne- était en train de stopper la contre-offensive ukrainienne, se plaignant également du ralentissement de l’aide militaire occidentale et des sanctions visant Moscou.

Ainsi, ces stocks nord-coréens inexploités pourraient ainsi « être utilisés pour reconstituer les stocks russes appauvris par la guerre en Ukraine » et fournir un nouvel avantage majeur au Kremlin.

• Échange de bons procédés ?

En contrepartie, la Russie dipose de tout ce dont la Corée du Nord a besoin. Cho Han-bum, chercheur à l’Institut coréen pour l’unification nationale liste justement les avantages de la Russie, « pays exportateur alimentaire, exportateur d’engrais, exportateur d’énergie ».

Pyongyang pourrait également rechercher le transfert de « technologies clés, de savoir-faire et de capacité manufacturière pour faire progresser l’industrie d’armement nord-coréenne ».

Cheong Seong-chang, chercheur à l’Institut Sejong, ajoute que si Pyongyang intensifie sa coopération militaire avec Moscou, « il y aurait une probabilité accrue de conflit prolongé en Ukraine ». Et en récompense de son aide à Moscou, « le développement des sous-marins nucléaires et des satellites de reconnaissance de la Corée du Nord pourrait progresser à un rythme plus rapide ».

L’État dirigé par Kim Jong Un pourrait aussi tirer des bénéfices diplomatiques d’un tel accord, qui enverrait d’ailleurs un message à la Chine. « Depuis la Guerre froide, la Corée du Nord a toujours pratiqué la ’diplomatie du pendule’ entre la Chine et l’Union soviétique », observe à ce titre Park Won-gon, professeur de l’université Ewha.

Pour la Russie les coûts seraient loin d’être sans conséquence, pointe encore Antoine Bondaz : « La Russie violerait les résolutions des Nations unies (...) en important des armes du pays, et deviendrait ouvertement un « pays proliférateur ». Ce serait un risque diplomatique majeur, qui ternirait encore plus son image et serait difficile à expliquer à ses partenaires. Par ailleurs, pour un pays qui prétend être la deuxième puissance militaire mondiale, ce serait un aveu de faiblesse ».

• Une structure type guerre froide

Quelle que soit l’issue de ce sommet, « la nouvelle structure de guerre froide entre la Corée du Sud, les États-Unis et le Japon contre la Corée du Nord, la Chine et la Russie se renforcera », note pour l’AFP Yang Moo-jin, président de l’université des études nord-coréennes à Séoul.

Avant la venue de Kim Jong Un en Russie, la Maison Blanche avait d’ailleurs mis en garde la Corée du Nord contre toute vente d’armes à Moscou en soutien de sa guerre en Ukraine.

Un accord sur des livraisons d’armes aurait d’ailleurs des conséquences « au sein de la communauté internationale » pour la Corée du Nord, comme l’avait indiqué le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan.

D’autant plus que si Moscou et Pyongyang s’engagent effectivement dans des envois d’armement, leur localisation relèvera de « la responsabilité de la communauté internationale ».

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