Guerre en Ukraine : Michel Hazanavicius nous raconte sa rencontre avec le président Volodymyr Zelensky

Michel Hazanavicius est ambassadeur de United24, organisme lancé par le président Zelensky.
andrii yushchak

UKRAINE - Michel Hazanavicius s’est rendu à Kiev, la capitale ukrainienne, et Irpin, les 6 et 7 septembre dernier. Le réalisateur de The Artist est venu voir l’avancée des travaux d’un immeuble détruit par la guerre en Ukraine, qu’il a en partie aidé à reconstruire. Au mois de décembre, 400 personnes y seront relogées.

Peu après l’invasion du pays par la Russie il y a environ 18 mois, Michel Hazanavicius avait souhaité réagir. Il avait ainsi organisé une levée de fonds via une vente aux enchères, afin de venir en aide à la population ukrainienne. Son engagement a convaincu la plateforme United24 lancée par le président Volodymyr Zelensky de faire de lui son ambassadeur.

C’est notamment à ce titre que Michel Hazanavicius s’est rendu en Ukraine plusieurs fois. Des séjours au cours desquels il a rencontré des citoyens, mais aussi le président. Il raconte au HuffPost cette expérience.

Vous avez rencontré plusieurs fois le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Comment se sont déroulés ces échanges ?

J’y vais surtout pour écouter. Il n’y a pas de spectacle, il n’y a pas un truc people de « j’ai rencontré Michael Jackson ». Pour moi c’est un héros historique qui est en train d’écrire le présent du pays au jour le jour. Il a changé le cours de l’Histoire non seulement en disant non à Poutine, mais avec la manière dont il l’a fait. Il y a une modernité dans cette manière de résister. Ce n’est pas la première fois que Poutine agresse un pays et que tout le monde regarde sans rien dire. Et s’il n’avait pas dit non, s’il n’était pas resté, s’il n’avait pas organisé la résistance, l’Ukraine serait russe. Pour moi c’était très impressionnant.

Je ne suis pas allé lui raconter ma vie et il ne m’a pas raconté la sienne. Par contre ce qui est marquant c’est la simplicité et l’accessibilité de l’homme. En France, les hommes politiques sont très accompagnés des signes impressionnants de la république, qui sont censés nous en foutre un peu plein la vue. Ils arrivent et d’emblée, ils font 1m50 de plus que vous. Avec Zelensky, ce n’est pas du tout ça, c’est étrangement beaucoup plus simple. Honnêtement je me sens très honoré de pouvoir rencontrer et discuter avec un personnage comme ça, d’aider un tout petit peu le peuple ukrainien. Même si c’est une miette par rapport à ce que font d’autres.

Vous le dépeignez comme un héros, presque comme le protagoniste d’un film.

Tout le monde en Ukraine aujourd’hui mériterait de faire l’objet d’un film ou d’un livre. Tout le monde a des histoires incroyables. Celle de Zelensky, elle est évidemment extraordinaire à une échelle mondiale qui fait qu’elle a une portée de dingue. Mais tout le monde là-bas est héroïque. Ce sont des gens absolument normaux, dans une situation extraordinaire.

Pour moi paradoxalement, si l’Europe existe aujourd’hui c’est là, sur le front ukrainien. C’est là où l’Europe se construit, en vrai. Et moi en les rencontrant, en les voyant, j’ai l’impression de nous voir, les Français. Ils ont les mêmes centres d’intérêt, le même fonctionnement, mode de vie, valeurs, mais plongés dans une guerre d’un autre temps, ou qui devrait l’être.

Vous venez de rentrer d’un voyage en Ukraine. Ce n’est pas le premier. Vous avez rencontré des soldats, visité un hôpital, quel est votre sentiment ?

Il y a une énergie, une pulsion de vie qui est absolument impressionnante. Cela contraste quand on rentre dans nos « problèmes de riches » ici. C’est à 2h d’avion, s’il y avait des avions. C’est tout près, mais ce qui se joue est très différent. Quand je suis revenu j’ai quand même eu ce sentiment, cette question « comment ça peut se terminer ? ». La vision des cours de récrés de dire « bon allez on s’arrête là », est stupide. On ne peut pas laisser un agresseur choisir l’issue de la guerre, diplomatiquement ça pose un gros problème. Et pratiquement, l’économie s’écroule. Ils se rendent compte que les moyens russes sont illimités sur les hommes, les armes, l’argent, alors que les leurs, non. Les meilleurs d’entre eux sont déjà morts. Là ce sont des acteurs, des profs, des architectes qui se battent, c’est-à-dire ceux qui en principe devraient construire la société civile. Je me suis rendu dans un hôpital, ce sont des images de la première guerre mondiale.

Vous êtes très discret sur les actions que vous menez, cette levée de fonds, la construction de cet immeuble, vos voyages sur place. Pourquoi ?

Je ne veux pas en faire étalage du tout, entrer dans la médiatisation. Pour moi la tâche est pratique : trouver de l’argent et aider. J’essaie de me mettre dans un truc concret, pragmatique.

Et ensuite, je pense que pour les Ukrainiens, c’est important que des gens d’ailleurs viennent et montrent un soutien, leur disent qu’ils ne sont pas perdus tous seuls. Le but de mon action c’est aussi de briser cette impression d’indifférence pour eux. C’est plus symbolique pour les Ukrainiens de voir une « personnalité française » sur place que pour les Français de savoir que le réalisateur d’OSS 117 s’investit pour l’Ukraine.

Michel Hazanavicius sur le chantier d’un immeuble à Irpin en Ukraine.
andrii yushchak

Est-ce que ces rencontres, avec le président ukrainien et des citoyens, vous ont inspiré un projet de film ?

Moi j’ai réagi en tant que citoyen. J’ai utilisé ma carte de réalisateur pour aller chercher de l’argent, mais le reste, c’est en tant que citoyen, pas en tant que réalisateur, ni dans le champ du cinéma que je le fais. En ce moment, je suis un film d’animation, et je suis quelqu’un qui compartimente. Je ne sais pas de quoi j’aurai envie après, mais à ce moment-là, ce sera le réalisateur qui choisira, pas le citoyen.

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