Guerre en Ukraine : la France met au jour « Portal Kombat », un réseau de sites de propagande russe

Baptisé « Portal Kombat », ce réseau de 193 sites a été mis au jour à l’issue de quatre mois de travail de Viginum, l’organisme français de lutte contre les ingérences numériques étrangères.
BigNazik via Getty Images Baptisé « Portal Kombat », ce réseau de 193 sites a été mis au jour à l’issue de quatre mois de travail de Viginum, l’organisme français de lutte contre les ingérences numériques étrangères.

INTERNATIONAL - Grosse découverte pour Viginum, l’organisme français de lutte contre les ingérences numériques étrangères. Après quatre mois de travail et d’enquête, la France a annoncé ce lundi 12 février avoir mis au jour un important réseau de 193 sites diffusant de la propagande russe en Europe et aux États-Unis. Tous ont un point commun : légitimer l’invasion russe de l’Ukraine.

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Fruit du travail de l’organisme Viginum, cette découverte permet de mettre en lumière ce réseau « structuré et coordonné » d’ingérence numérique venu de Russie, à l’approche du deuxième anniversaire de la guerre en Ukraine, le 24 février.

Entre septembre et décembre 2023, Viginum a donc analysé l’activité de ce réseau de « portails d’informations » numériques « aux caractéristiques similaires, qui diffuse des contenus pro-russes à destination d’audience internationale ». Il a été baptisé « Portal Kombat ».

Sur ce réseau, plusieurs sites appartenant à « l’écosystème ’pravda’ » (vérité en russe, du nom de l’ancien organe du Parti communiste soviétique) ciblent directement les « pays occidentaux qui soutiennent l’Ukraine », selon le rapport de Viginum dévoilé ce lundi.

Et si les répercussions dans le débat public numérique francophone restent modérées à ce stade, malgré un dispositif jugé « élaboré », une source diplomatique citée par l’AFP ajoute que Viginum estime « que les critères d’une ingérence numérique étrangère sont réunis, certains contenus pouvant porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ».

Désinformation de masse

Et toute l’Europe, en plus des États-Unis, semble concernée par ce réseau. Ainsi, le site destiné à l’Espagne a pour nom pravda-es.com, celui voué à être lu aux États-Unis ou au Royaume-Uni est pravda-en.com. Allemagne, Autriche et Suisse ont pravda-de.com, la Pologne pravda-pl.com et la version française s’appelle donc logiquement pravda-fr.com.

Entre le 23 juin et le 19 septembre dernier, Viginum indique que ces cinq portails ont publié plus de 150 000 articles, principalement issus de posts de personnalités russes ou pro-russes, de contenus d’agences de presse russes, ou de sites d’institutions ou d’acteurs locaux.

Plus de 180 autres sites, aux chartes graphiques similaires et qui diffusent du contenu pro-russe, mais pour des audiences russophones ou ukrainiennes, sont numériquement reliés aux portails pravda, toujours selon l’organisme français.

Le 22 janvier, pravda-fr.com a ainsi publié une liste de 13 « mercenaires » français qui, selon ce site, « étaient à Kharkiv », dans le nord-est de l’Ukraine, lors d’une frappe russe quelques jours plus tôt, frappe ayant « éliminé » une soixantaine de combattants « dont la plupart étaient des citoyens français » et blessé 20 autres, selon la version de Moscou. L’AFP avait toutefois échangé avec trois de ces « mercenaires » présumés, en fait trois engagés volontaires au sein de l’armée ukrainienne, tous bien vivants. L’un d’entre eux, rencontré par l’AFP au pied des Alpes françaises, affirmait avoir quitté l’Ukraine en septembre 2023.

Autre exemple ce lundi avec la version française de Pravda qui titre : « Ça suffit ! : la France appelle à des mesures radicales contre Zelensky ». Pourtant, ces propos ne sont pas ceux d’un représentant du gouvernement mais ceux de Florian Philippot, président des Patriotes, petit parti d’extrême droite français.

Paris et Berlin marchent ensemble

Estimant que les sites de Portal Kombat, dont Viginum fournit les noms, peuvent agir comme des cellules « dormantes », capables d’être activées à tout moment, Paris et Berlin ont communiqué d’une même voix ce lundi à l’issue d’une réunion au format « Weimar » près de Paris, à laquelle était également convié le ministre polonais des Affaires Etrangères.

« Nous lançons aujourd’hui un mécanisme d’alerte en format Weimar, un système de riposte » à des « ingérences inacceptables », a ainsi déclaré le ministre français, Stéphane Séjourné quand son homologue allemande Annalena Baerbock ajoutait que « les analyses menées par la France montrent l’importance d’avancer ensemble et de développer un plan pour gérer la désinformation ».

Une réaction qui ne se fait pas attendre, d’autant plus qu’« on s’attend à une accélération des différentes actions russes, voire à une massification », selon une source militaire citée par l’AFP. Il faut dire que de nombreuses élections sont attendues dans le monde en 2024. Plus de 70, dont les États-Unis.

Depuis septembre, une autre campagne surnommée « Matriochka », ou « poupées russes », est surveillée de près par la France. Elle consiste à interpeller directement des médias pour les inciter à vérifier des infox. Selon des experts, il s’agit d’une « entreprise de diversion » russe pour épuiser les fact-checkers occidentaux.

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