Guerre Israël-Hamas : qu’est-ce que la solution à deux États véritable totem du conflit israélo-palestinien

La ville de Jérusalem, photographiée ici le 6 octobre, est centrale dans la solution à deux États réclamée par beaucoup pour mettre un terme au conflit israélo-palestinien.
MENAHEM KAHANA / AFP La ville de Jérusalem, photographiée ici le 6 octobre, est centrale dans la solution à deux États réclamée par beaucoup pour mettre un terme au conflit israélo-palestinien.

PROCHE ORIENT - De Moscou à la Ligue arabe, en passant par le Parti socialiste ou le Rassemblement national en France, la « solution des deux États » est brandie par beaucoup depuis les violentes attaques du Hamas en Israël ce week-end. Mais deux États pour qui ? Avec quelles frontières ? Pour quelle efficacité ?

La solution communément admise prévoit la coexistence pacifique et la reconnaissance mutuelle, sur des territoires négociés, d’un État juif, Israël, et d’un État palestinien. Elle est souvent opposée à l’idée d’un seul État mixte, où coexisteraient juifs et arabes, avec des droits égaux.

En matière de frontières, le consensus international est de revenir à la ligne verte, soit aux délimitations d’avant la guerre des Six jours de 1967 qui a opposé Israël à l’Égypte, la Jordanie et la Syrie. L’État palestinien se composerait de la Cisjordanie, de la bande de Gaza, et aurait Jérusalem-est comme capitale, ainsi que vous pouvez le voir dans la carte ci-dessous.

Carte des frontières d’Israël avant la Guerre des six jours
Carte des frontières d’Israël avant la Guerre des six jours

Des années de tractations pour arriver à ce consensus

Si l’expression est brandie par tous, l’hypothèse des « deux États » a mis près de 20 ans à arriver sur la table après la guerre des Six jours. Il a fallu attendre 1988 pour que l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et son dirigeant Yasser Arafat, reconnaissent le droit d’Israël à l’existence et ouvrent de fait un long cycle de négociations. Entre 1991 et 1995, les pourparlers avancent dans ce qui est appelé les accords d’Oslo I et Oslo II. Israël et l’OLP se reconnaissent mutuellement et signent une « Déclaration de principes ».

L’agenda prévoit la reconnaissance d’une Autorité palestinienne temporaire pendant cinq ans, d’abord compétente sur la bande de Gaza et Jéricho en Cisjordanie. Ce territoire est alors divisé en trois parties : une zone A (18 % de la superficie) sous administration civile et militaire palestinienne représentant de la Cisjordanie, une zone B (22 %) sous régime civil palestinien et militaire israélien, et enfin une zone C (60 %) sous administration israélienne.

Mais jamais l’Autorité palestinienne n’accède à la pleine autonomie en Cisjordanie. L’assassinat de Yitzhak Rabin en 1995 (par un extrémiste religieux juif) et la deuxième intifada de 2000 enrayent la dynamique de paix.

Des changements à la marge sauf à Gaza

La Cisjordanie reste un territoire morcelé sur lequel l’autorité de l’OLP d’Arafat ne s’exerce que partiellement, contrairement à la bande de Gaza, où en 2005, le Premier Ministre israélien Ariel Sharon acte la fin de l’occupation israélienne. Ce petit territoire demeure néanmoins l’objet d’un blocus israélien depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007.

Camp David, plan de John Kerry… Il y a bien eu régulièrement des sommets et des tentatives de faire bouger les lignes dans ce dossier, sans pour autant que la perspective des deux États se rapproche. Et donc sans perspective politique concrète pour les habitants des territoires en sursis. Surtout, entre les accords de paix d’Oslo (1993) et 2021, le nombre de colons israéliens a quadruplé en Cisjordanie, passant de 116 300 à 465 400. Des colonies qui ont grignoté le territoire palestinien et éloigné de fait la solution des deux États.

Ce principe est d’ailleurs exclu complètement par les éléments les plus radicaux du gouvernement de Netanyahou.

À cela s’ajoute, le statut de Jérusalem-est, central tant pour les Israéliens que pour les Palestiniens, mais aussi la demande de retrait de l’armée israélienne de Cisjordanie.

Pour Israël, il y a la crainte de voir se répéter « le cas de la bande de Gaza, qu’elle a évacuée de son plein gré en 2005, mais qui est depuis 2007 contrôlée par le Hamas et qui est une source d’insécurité permanente », relevait en 2021 un rapport de la Commission des affaires étrangères du Sénat.

La fin de la « ligne verte »

De l’avis de très nombreux observateurs depuis ce week-end, les attaques du Hamas sont une forme de rappel à l’ordre à tous les acteurs de la région sur la question indépassable du sort des Palestiniens. À l’Arabie saoudite qui était sur le point de normaliser ses relations avec Israël, mais aussi aux États-Unis qui œuvrent depuis 15 ans à apaiser les relations entre l’État hébreu et ses voisins régionaux. Les pays arabes qui ont des liens avec Israël vont désormais devoir composer avec une opinion publique qui apporte globalement son soutien aux attaques du Hamas.

Si le déchaînement de violence, a rendu « impensable » de l’avis du spécialiste Dominique Moïsi la possibilité de remettre tout le monde à la table des négociations, en réalité l’hypothèse de deux États comme vecteur de paix semble n’est plus qu’un mirage depuis un moment.

En 2021, la fondation américaine Carnegie avait publié un long rapport dans lequel elle estime que la perspective des deux États est une « construction [qui] maintient l’occupation et qui est structurellement incapable d’apporter la paix et la sécurité aux populations ». Selon une étude du Pew Research Center, dévoilée il y a deux semaines à peine, seuls 35 % des Israéliens pensent qu’« il est possible de trouver un moyen pour qu’Israël et un État palestinien indépendant coexistent pacifiquement ». Un chiffre au plus bas depuis 2013.

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