Guerre Israël-Hamas : l’offensive de Tsahal à Gaza entre incursions, préparation et questions

Dans l’attente d’un feu vert, les soldats de l’armée israélienne se massent et patientent à proximité de la frontière entre Israël et la bande de Gaza.
ARIS MESSINIS / AFP Dans l’attente d’un feu vert, les soldats de l’armée israélienne se massent et patientent à proximité de la frontière entre Israël et la bande de Gaza.

INTERNATIONAL - En une vingtaine de jours, Israël est passé de la promesse d’une offensive terrestre pour éradiquer le Hamas à une attente indéterminée sur le lancement de ladite offensive sur la bande de Gaza.

Guerre Israël-Hamas : à Gaza, des premières incursions de Tsahal à l’aide de chars pour préparer l’offensive terrestre

Mais dans la nuit du mercredi 25 au jeudi 26 octobre, l’armée israélienne a annoncé le lancement d’« opérations ciblées » à l’aide de chars au nord de la bande de Gaza. De quoi acter l’imminence d’une opération terrestre à plus grande échelle ? Mercredi soir le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu en confirmant la préparation d’une « entrée au sol », tout en restant très évasif sur la date exacte de son lancement.

Pour Le HuffPost, Thibaut Fouillet, expert en stratégie militaire et directeur scientifique à l’Institut d’études de stratégie et de défense de l’Université Lyon III en profite pour revenir sur l’évolution de la stratégie d’Israël concernant son offensive terrestre à Gaza, partagée entre son envie d’éradiquer le Hamas et sa volonté de sauver les otages.

Le HuffPost : La promesse d’une offensive terrestre a-t-elle été faite sous le coup de l’émotion ?

Thibaut Fouillet : Il y avait une nécessité politique de trouver un mécanisme de réponse, donc en réalité, oui et non. C’est un schéma très classique qui avait été mis en place après le 11-Septembre par les États-Unis. On prend le temps de réfléchir, de se mettre en sécurité, d’analyser. Et ensuite, on rassure en définissant tout de suite une réponse forte.

Donc bien sûr qu’il y avait cette nécessité politique d’une réponse très forte et rapide, mais le déploiement capacitaire militaire qui a été mis en œuvre ensuite était cohérent et proportionnel à l’objectif et donc relativement dénué d’émotion.

Tout de suite, Israël s’est retrouvé avec une épine dans le pied : la question des otages. Quelle place occupe désormais cette problématique dans la volonté de lancer ou non l’offensive ?

Ça a forcément une influence, mais elle reste dure à définir. Quand vous êtes à la place d’un commandant opérationnel israélien, il s’agit d’un billard à trois bandes, qui se répondent et se limitent entre elles. La première bande, c’est la nécessité de préparer l’une des actions tactiques les plus compliquées -à savoir une opération offensive en force dans une zone urbaine face à un ennemi retranché- qui demande donc une préparation au long cours et des bombardements massifs.

La deuxième, c’est la problématique des otages. Car on sait qu’une action en force peut amener au chantage, à l’utilisation de bouclier humain et aux exécutions sommaires.

Et la troisième bande, c’est la population et son évacuation, parce que vous ne pouvez pas frapper de manière aussi indiscriminée et massive. D’autant plus que vous savez très bien que la population civile sera un frein à votre liberté de manœuvre. Il faut donc pouvoir équilibrer tout ça, avec des objectifs et des méthodes qui sont largement différentes en fonction de votre but initial.

Israël est donc toujours dans une phase de préparation de son offensive en bombardant Gaza, ce qui permet de faciliter son plan militaire ?

Exactement, c’est ce que fait l’armée israélienne en nivelant les capacités défensives. Ce qui passe par la destruction de certains obstacles, de certaines zones retranchées ou même de caches d’armes.

Sans oublier le blocus, qui permet de cloisonner (notamment dans la zone nord de Gaza) la menace pour éviter sa dilution dans la population et son évasion dans d’autres pays. Le but est vraiment de circonscrire la partie adverse avant d’attaquer.

On parle plutôt de « cible molle » pour parler du Hamas, ce qui ne semble pas correspondre à une offensive militaire terrestre… La promesse de cette offensive est-elle vraiment réaliste et la méthode la mieux adaptée ?

En effet, le Hamas est une « cible molle » parce qu’elle utilise des irrégularités. Toutefois, quand vous avez une concentration définie de ce type d’adversaire en zone urbaine, que ce soit optimal ou pas, l’action de force est une nécessité.

On l’a déjà vu dans le passé, que ce soit la coalition des forces américaines par deux fois à Falloujah en Irak, ou les Irakiens contre Daesh à Mossoul. Ça a beau être un adversaire irrégulier, s’il tient une zone urbaine où il est ancré, et que vous voulez réduire cette menace, même si c’est une « cible molle » et que ce n’est pas optimal, à un moment, vous êtes obligés d’agir.

C’est d’ailleurs pour ça que j’évoquais plus tôt la décision politique. Si le choix est d’éradiquer la menace à Gaza, vous êtes obligés d’occuper et de ratisser la ville pour déloger la menace à cause de la dilution des combattants du Hamas dans la zone.

Du coup, une offensive terrestre d’Israël pourra-t-elle vraiment avoir lieu de manière « imminente », comme le martèle Tel-Aviv depuis l’attaque du Hamas ?

Les capacités sont massées. Elles sont là. Maintenant, cela va dépendre de la décision politique et de l’estimation de l’état de préparation faite par l’État-major. Mais aussi par les décideurs politiques.

D’ailleurs, on voit que ce n’est pas tant la montée en puissance capacitaire -qui s’est faite assez vite- mais c’est plutôt la problématique des populations civiles, du risque de dommages collatéraux, du cloisonnement et du nivellement par l’intensification des frappes aériennes qui freine pour l’instant Israël. Donc les capacités sont là, elles attendent le feu vert, qui va être l’estimation du moment où la résistance adverse aura été suffisamment limitée et affaiblie.

Interview réalisée jeudi 25 octobre, avant le raid ciblé de l’armée israélienne au nord de Gaza.

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