Grève de Noël à la SNCF : le collectif CNA, un objet non identifié derrière une mobilisation inédite

(FILES) In this file photo taken on December 02, 2022 Commuters wait in line to buy tickets at the TGV Inoui shop at Gare de Lyon in Paris, on December 2, 2022 during a strike organised by SNCF (French state rail company) controllers. - Two out of three trains will run in France this Christmas weekend because of a strike of the controllers, the SNCF announced on December 21, 2022, predicting that one in four passengers will see their train cancelled. (Photo by STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

TRANSPORTS - Des trains annulés, des gares surchargées et des voyageurs excédés. En raison d’une grève des contrôleurs SNCF, un train sur trois est annulé en moyenne ce vendredi 24 décembre, et deux trains sur cinq le sont samedi et dimanche. Face à cette pagaille en plein week-end de Noël, le gouvernement a condamné une mobilisation « incompréhensible et injustifiable ».

Mais l’exécutif, de même que la direction de la SNCF, apparaissent aussi quelque peu dépassés par une grève inédite à plusieurs égards. Elle est menée par un collectif informel, organisé au départ sur Whatsapp dans un groupe entre chefs de bord de Marseille, qui réclament une meilleure prise en compte de leur métier, notamment salariale.

« Au départ c’était pour échanger entre collègues (...). Puis, au fil des jours, le groupe de discussion s’est développé de manière exponentielle, s’élargissant à Montpellier, à Lyon, etc. Ce groupe de discussion est devenu un point de ralliement de tous les mécontentements et colères », a expliqué l’un des membres du collectif à Ouest-France.

Le mouvement a grossi, est arrivé sur Facebook et a pris le nom de CNA, pour Collectif national ASCT (agents du service commercial trains, nom officiel des contrôleurs). Il compte à présent 3 500 membres, sur les quelque 10 000 contrôleurs en France. « Que les agents nous suivent, je ne suis pas surpris. On n’a rien à vendre, on n’a pas de couleur politique. On veut juste une reconnaissance significative », expliquait à l’Agence France Presse il y a quelques semaines Nicolas Limon, un des fondateurs du collectif, qui se décrit à l’écart des « habituelles guerres syndicales ».

« Les syndicats n’ont pas pris la mesure de la colère »

L’autre particularité du CNA est en effet de rejetter toute appartenance syndicale, ce qui rend les négociations plus compliquées avec la direction de la SNCF. « Je ne comprends pas cette grève », a même avoué le patron de la SNCF Jean-Pierre Farandou, qui regrette de ne pas avoir d’interlocuteur direct.

Ainsi, après une réunion avec collectif et syndicats le 8 décembre, la direction de la SNCF a proposé des augmentations de salaires et de primes. Mais le CNA a été incapable de dégager une position claire et a même annulé sa consultation en ligne à cause de « nombreuses fraudes et tentatives de manipulation du vote ».

Son organisation est aussi quelque peu nébuleuse. C’est ainsi grâce aux préavis de grève déposés par la CGT et SUD-Rail que la mobilisation du week-end de Noël est possible, alors même que ces deux syndicats n’appellent pas officiellement à l’arrêt du travail.

« La façon de se coordonner, en dehors du cadre syndical, est nouvelle », confirme au Huffpost une source à la CGT. Selon elle, la création du collectif est la conséquence d’un manque de prise en compte des revendications des contrôleurs, tant du côté de la direction que des organisations syndicales traditionnelles.

« Les syndicats n’ont pas pris la mesure de la colère », insiste cette source. Et ce, même si plusieurs membres du collectif sont syndiqués. « Ils estiment que les syndicats n’ont pas trouvé de solution à leurs problèmes, alors ils ont rejoint le collectif », ajoute-t-elle.

Une « grève qui échappe au dialogue social »

Ce nouveau type d’organisation, qui n’est pas sans rappeler l’épisode des gilets jaunes, inquiète aussi l’exécutif. Le ministre des Transports Clément Beaune a même jugé « inquiétant » ce mouvement qui émerge hors des cadres traditionnels et qui pourraient instaurer « une prime à la surenchère ».

Au point où le sujet a été discuté au conseil des ministres de ce jeudi 22 décembre, lors duquel Emmanuel Macron « a évoqué la nécessité pour l’avenir de tenir compte de ce nouveau type de mouvement de grève qui échappe au dialogue social et qui impacte durement la permanence d’accès à un service public », a rapporté le porte-parole du gouvernement Olivier Véran.

« Nous faisons face à quelque chose qui n’existait pas dans notre pays, une grève multi-individuelle couverte par un préavis déposé par des centrales qui elles-mêmes n’appellent pas à la grève, a-t-il ajouté pendant son compte rendu. Face à une situation qui est nouvelle, il nous faut des modalités de réflexion qui sont nouvelles. » Lesquelles ? C’est ce sur quoi le gouvernement doit plancher.

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