« Le genre, l’un des derniers épisodes de l’épopée sexuelle de l’humanité »

Petite Fille, de Sébastien Lifschitz, suit le parcours de Sasha, 7 ans, né petit garçon et voulant devenir fille.  - Credit:Arte France - Agat Films & Cie / Arte France - Agat Films & Cie
Petite Fille, de Sébastien Lifschitz, suit le parcours de Sasha, 7 ans, né petit garçon et voulant devenir fille. - Credit:Arte France - Agat Films & Cie / Arte France - Agat Films & Cie

C'est une notion qui, il y a dix ans en France, il y a trente ans aux États-Unis, paraissait exotique, et qui s'est aujourd'hui imposée comme une évidence. Le genre, comme construction sociale distincte de l'identité sexuelle, comme ensemble des stéréotypes et des attendus sociaux surimposés à la donnée biologique, est devenu un fait, une réalité incontestée. C'est cependant à l'histoire intellectuelle du concept que s'attache le philosophe Éric Marty dans Le Sexe des modernes : pensée du neutre et théorie du genre (Seuil). Une histoire qui permet d'en éclairer les usages, mais aussi les difficultés et les paradoxes. Entretien.

Le Point : Dans Le Sexe des modernes, vous retracez l'aventure philosophique du concept de « genre », défini dans les années 1990 aux États-Unis par Gayle Rubin et Judith Butler. Entendu comme une construction sociale du masculin et du féminin distincte de l'identité biologique, le genre s'est depuis popularisé au point de devenir une réalité reconnue : comment comprenez-vous ce passage ?

Éric Marty : Le genre est en effet devenu un phénomène social, culturel, politique, un phénomène de mode aussi, il a proliféré dans des secteurs de la société qui ne sont pas universitaires ou intellectuels, mais je ne crois pas qu'il ait complètement rompu avec son impulsion théorique. Ce mouvement d'autonomisation lui-même reste nourri par le mouvement intellectuel qui a émergé aux États-Unis dans les années 1990-2000 : sans la puissance de la théo [...] Lire la suite