Gaza : le sort des otages détenus par le Hamas, enjeu clé dans la suite des affrontements israélo-palestiniens

Des milliers de personnes assistant à une veillée lors d’un rassemblement « New York se tient aux côtés d’Israël », à New York aux États-Unis, le 10 octobre 2023.
SPENCER PLATT / Getty Images via AFP Des milliers de personnes assistant à une veillée lors d’un rassemblement « New York se tient aux côtés d’Israël », à New York aux États-Unis, le 10 octobre 2023.

MOYEN-ORIENT - Au cinquième jour de la reprise sanglante du conflit israélo-palestinien, qui a déjà fait plus de 3 600 morts au total dans les deux camps, le sort d’environ 150 otages, selon l’armée, parmi lesquels figurent des étrangers et des binationaux, demeure en suspens et leur avenir paraît très peu optimiste.

Le Hamas, qui contrôle depuis 2007 la bande de Gaza, menace en effet d’exécuter ces otages enlevés en Israël, parmi lesquels des enfants, des femmes, des personnes âgées, ainsi que des jeunes capturés pendant une rave party au cours de laquelle 250 personnes ont aussi été massacrées. En outre, de nombreux ressortissants étrangers sont toujours portés disparus, parmi lesquels une vingtaine de Français, potentiellement eux aussi devenus otages.

Mercredi 11 octobre, la Première ministre Élisabeth Borne a indiqué que 18 Français restent portés disparus, dont « plusieurs enfants (...) probablement enlevés » par le Hamas. Joe Biden a lui confirmé mardi que des otages avaient la nationalité américaine. Quatorze otages thaïlandais, deux Mexicains ainsi que plusieurs Allemands ayant la double nationalité ont aussi été recensés.

Que vont-ils devenir alors que le conflit risque de gagner en intensité avec un possible assaut terrestre de l’armée israélienne dans la bande de Gaza ?

Il est « trop tôt » pour discuter d’un éventuel échange de prisonniers entre Israël et le Hamas, a affirmé mardi le Qatar, alors que depuis leur capture, déjà quatre des otages ont été tués dans les frappes israéliennes, selon le Hamas.

Le pays du Golfe a déjà servi dans le passé de médiateur entre les deux camps. « À l’heure actuelle, il est très difficile de dire qu’une partie peut se lancer dans une médiation. Je pense que nous avons besoin de voir l’évolution de la situation sur le terrain », a déclaré à des journalistes le porte-parole du ministère qatari des Affaires étrangères, Majed Al-Ansari.

« Une temporalité nouvelle »

Ce mercredi 11 octobre, l’Allemagne a appelé le Qatar, avec d’autres pays du Moyen-Orient, à jouer un rôle actif dans les tentatives de libération des otages. Ces acteurs, « y compris le Qatar, doivent jouer un rôle important car ils disposent de canaux de communication que nous n’avons pas », a souligné la ministre des Affaires étrangères allemande Annalena Baerbock devant le Bundestag.

Lors d’un entretien téléphonique avec le ministre israélien des Affaires étrangères, Eli Cohen, Antony Blinken a lui « réaffirmé (les) efforts (américains) pour obtenir la libération immédiate de tous les otages », alors que des familles de citoyens américains, probablement détenus dans la bande de Gaza, ont demandé à l’administration Biden de les aider à ramener leurs proches sains et saufs.

Sur les réseaux sociaux, les images de ces otages jouent aussi un rôle majeur. Le Hamas n’a pas hésité à partager très rapidement des vidéos extrêmes de ses otages pour semer un peu plus la terreur et l’effroi : assassinats, enlèvements, humiliations… À l’inverse, les portraits de dizaines de personnes ont été partagés en masse par des internautes israéliens accompagnés de numéros de téléphone pour tenter de les retrouver.

« À la différence d’autres attaques terroristes d’ampleur, comme le 11 septembre 2001 aux États-Unis ou le 13 novembre 2015 en France, le fait d’enlever près de cent cinquante citoyens israéliens donne une temporalité nouvelle à l’attaque du 7 octobre », analyse dans la revue Le Grand Continent Étienne Dignat, enseignant à Sciences Po et à l’Université Paris 2 Panthéon, spécialisé dans les otages. « Il étire, potentiellement indéfiniment, le drame vécu par Israël, empêchant le deuil et la reconstruction tant que tous les otages n’auront pas été rapatriés. »

Sur le terrain, le nombre important et encore jamais vu d’otages est un atout colossal pour le Hamas. Il pourrait ainsi se servir de cette monnaie d’échange - comme il le fait déjà de longue date - sur un temps long, lui permettant de garder des atouts maîtres face à Israël. « Ce qui est inédit, c’est qu’on n’a pas affaire à des otages “encerclés”, retenus à un lieu-dit. Ceux-là ont probablement été disséminés un peu partout dans la bande de Gaza », ajoute Michel Goya, ancien colonel de la Marine et aujourd’hui historien de la guerre, pour 20minutes.fr.

Les souterrains de Gaza, cachette la plus probable

Ils pourraient aujourd’hui se trouver dans l’immense réseau de souterrains sous Gaza, la cachette la plus probable, comme l’explique sur Europe 1 Éric Denécé, directeur du centre français de recherche sur le renseignement : « l’une des choses les plus simples est de les dissimuler sous terre, dans les souterrains qui réunissent ces caves les unes ou autres et qui leur permettent de se déplacer malgré les tirs et malgré les frappes, dans une sécurité qui va être de moins en moins simple mais qui pour l’instant fonctionne encore. »

Un Palestinien sortant de l’un des tunnels souterrains utilisés pour faire passer clandestinement des marchandises à travers la frontière à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 22 janvier 2009.
Bloomberg / Bloomberg via Getty Images Un Palestinien sortant de l’un des tunnels souterrains utilisés pour faire passer clandestinement des marchandises à travers la frontière à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 22 janvier 2009.

Quoi qu’il arrive, l’armée israélienne est déjà entrée dans un « dilemme impossible d’un point de vue militaire et technique », selon le géopolitologue et professeur de relations internationales Frédéric Encel, sur France Inter. Il explique ainsi que le Hamas compte se servir de ses otages comme « bouclier humain », obligeant « les Israéliens à choisir » entre réplique et préservation de la vie de ses ressortissants.

Le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission française à l’ONU, est allé plus loin mardi sur RTL, laissant presque aucun espoir de survie aux otages : « le choc est tellement gigantesque en Israël que la population comprend qu’il faut aller à la guerre. Et la guerre comporte des sacrifices et malheureusement celui des otages. »

En 2011, le soldat israélien Gilad Shalit, qui a aussi la nationalité française, avait été le premier en 26 ans à avoir été ramené vivant dans son pays après sa capture par le Hamas, qui avait duré cinq ans.

Ces dernières années, différentes tentatives de libération, en échange de prisonniers palestiniens, ont échoué. Deux civils israéliens entrés respectivement en 2014 et 2015 de leur propre gré dans l’enclave palestinienne sont ainsi toujours aux mains du mouvement islamiste.

À voir également sur Le HuffPost :

Attaques du Hamas contre Israël : Shani Louk est en vie espère sa famille quatre jours après son enlèvement

« Crime de guerre » ou « terrorisme » ? La position de La France insoumise sur le Hamas passée au crible