« Le garçon et le héron » de Miyazaki s’inspire d’un livre, essentiel pour mieux comprendre le film

Mahito, héros du « Garçon et le héron », aux côtés du fameux « héron ».
Studios Ghibli Mahito, héros du « Garçon et le héron », aux côtés du fameux « héron ».

CINÉMA - Hayao Miyazaki est (très) loin d’avoir dit son dernier mot. Dix ans après la sortie au cinéma de son petit dernier (Le vent se lève), le maître de l’animation japonaise sort de sa retraite avec l’arrivée sur nos écrans, ce mercredi 1er novembre, d’un nouveau film éblouissant : Le garçon et le héron.

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De la poésie, de la magie, des images dignes de véritables aquarelles… Douzième long-métrage du fondateur des studios Ghibli, Le garçon et le héron a tout du film testamentaire.

Son histoire mi-autobiographique mi-fantastique, c’est celle du jeune Mahito. À 11 ans, le garçon doit quitter Tokyo après la disparition de sa mère dans un incendie. Son père, qui vient d’ouvrir une nouvelle usine à la campagne, le prend sous son aile et l’invite à le rejoindre dans un manoir à la campagne, le même où son ex-femme a grandi, puis vécu.

Découvrez ci-dessous la bande-annonce :

Sur place, l’adolescent encore endeuillé fait la rencontre de sa belle-mère enceinte, d’une flopée de vieilles dames très mignonnes, mais surtout d’un bien mystérieux héron cendré. L’animal un brin inquiétant au début s’avère être moins menaçant que prévu. Il va entraîner notre héros dans une folle aventure et le guider au fil des découvertes.

« Cette histoire est la quintessence » de l’univers d’Hayao Miyazaki, explique à Télérama Takeshi Honda, second du cinéaste de 82 ans. C’est « une combinaison de toutes ses œuvres », précise-t-il. Il y est question de deuil et d’apprentissage de la vie face au monde qui nous entoure, le tout alimenté par un discours pacifiste.

L’inspiration derrière Le garçon et le héron

Pour mieux déchiffrer Le garçon et le héron, un livre dont le réalisateur dit s’être inspiré pour écrire le film peut nous aider : Et vous, comment vivrez-vous ? de Genzaburô Yoshino. Un roman qui, dans le film, atterrit entre les mains du héros, accompagné d’un mot de sa mère adressé à son père « Pour élever Mahito ».

Ces mots n’ont rien d’anodin. Le livre a été publié en 1937, en pleine militarisation du Japon et montée du nazisme en Europe. Il suit les réflexions de « Coper », surnom donné à un jeune collégien tokyoïte rempli de questions sur sa vie familiale, son rapport à la nature ou au travail, ainsi qu’à ses camarades de classe issus de milieux sociaux différents. Dans l’ouvrage, il est accompagné par son oncle, là où Mahito est aidé du héron.

Destiné à un jeune public, le roman humaniste et philosophique est devenu un objet majeur de la littérature populaire japonaise pour ses leçons de vie. « Même des décisions ou des actes que l’on regrette ne sont pas entièrement négatifs, explique, par exemple, la mère de Coper à son fils, incapable de trouver le sommeil depuis qu’il a commis du tort à ses amis. Ils sont irréparables, certes, mais les regrets qu’ils nous donnent nous font voir des aspects importants de la condition humaine et nous ouvrent le cœur. »

Et vous, comment vivrez-vous ? a été censuré

Classée parmi les dix meilleures ventes de livres à sa sortie, cette sorte de « petit manuel à l’usage des êtres humains » s’est écoulée à plusieurs millions d’exemplaires depuis sa parution. Et pourtant, il a bien failli ne pas connaître un tel succès. Pour sa défense de la liberté de pensée, du désir de justice et d’entraide, son auteur a été taxé d’antipatriotisme par les autorités, entraînant ainsi une interdiction du livre en 1942.

Et vous, comment vivrez-vous ? a été réédité à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, mais « nettoyé ». Les mentions de l’impérialisme ou des problèmes de classe sont supprimées. Les critiques du capitalisme ou de la répression des comportements antipatriotiques, aussi. Il faudra attendre plusieurs décennies avant de le retrouver dans sa version intégrale.

Depuis, il a été adapté en manga par le dessinateur japonais Shōichi Haga en 2018. En 2021, il a été traduit pour la première fois en anglais aux éditions Rider, puis en français par la maison Picquier. Le film de Miyazaki ne fait pas seulement écho à cet effort de transmission du roman de Genzaburô Yoshino. Par son parallèle entre le héros du livre et celui de son film, dont les épreuves vont construire à tous les deux leur façon de vivre et de penser, le cinéaste nous invite à réfléchir au sens qu’on veut donner à notre propre vie.

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