Yahoo Actualités La France est-elle la seule démocratie à pouvoir se passer d'un vote de confiance pour son gouvernement?
Un choix qui ne passe pas dans les rangs des oppositions. Gabriel Attal a décidé de ne pas solliciter la confiance des députés à l'issue de son discours de politique générale ce mardi après-midi à l'Assemblée nationale. La gauche y voit une exception mondiale.
"S’il n’y a pas de vote de confiance, nous déposerons une motion de censure, c’est le Parlement qui doit valider le nom du Premier ministre et c’est le cas dans toutes les démocraties", a tancé la députée européenne insoumise Manon Aubry, tête de file du mouvement pour les européennes sur Sud radio mi-janvier.
Dans des régimes purement parlementaires, une évidence
Même son de cloche pour le coordinateur de La France insoumise Manuel Bompard. "Dans toutes les démocraties parlementaires du monde, le Parlement vote", s'est agacé le député des Bouches-du-Rhône la semaine dernière sur BFMTV.
Si Gabriel Attal n'est pas le premier à ne pas solliciter le vote des députés en l'absence de majorité absolue - Michel Rocard, Édith Cresson, Pierre Bérégovoy et Élisabeth Borne avaient par exemple fait de même - la France est-elle vraiment une rareté ?
Dans le cas de régimes purement parlementaires, où le gouvernement émane directement du vote des députés, la confiance est toujours sollicitée. Et pour cause.
"Le vote des députés est l'acte par lequel les parlementaires élisent le chef du gouvernement et l’assurent par la même occasion de leur confiance. Le chef du gouvernement tient alors directement sa légitimité du Parlement", comme le rappelle Les Surligneurs, un blog qui suit l'actualité constitutionnelle.
La France, un régime semi-présidentiel
C'est par exemple le cas en Espagne, en Allemagne, au Royaume-Uni ou encore en Italie. À chaque fois, cette procédure est codifiée par la Constitution, à l'exception de la démocratie britannique qui repose, elle, sur des usages.
En France, la donne est différente. C'est le président qui nomme directement le Premier ministre et non l'Assemblée nationale.
"C'est Emmanuel Macron qui décide qui est son Premier ministre et qui ne l'est pas. On est dans un régime semi-présidentiel et ça a un certain sens de ne pas rendre obligatoire le vote de confiance en France. Les députés ne sont pas directement liés à la nomination du Premier ministre", remarque le constitutionnaliste Benjamin Morel.
"Une singularité française"
Il existe d'autres démocraties parlementaires où les députés sont sollicités sans que l'absence de majorité absolue pour voter la confiance n'oblige le Premier ministre à démissionner.
C'est par exemple le cas de la Suède. En 2021, le Premier ministre Stefan Lofven a pu se maintenir à son poste sans obtenir une majorité absolue pour lui accorder la confiance. La situation n'a cependant été possible que parce que le nombre de voix contre son maintien n'a pas récolté de majorité absolue.
"Dans la quasi totalité des régimes parlementaires, le gouvernement est l'émanation du Parlement. Et par conséquent, on imagine pas un gouvernement qui puisse entrer en fonction sans avoir cette confiance. C'est une singularité française", remarque encore le professeur de droit constitutionnel Bertrand-Léo Combrade auprès de France info.
L'outil de la motion de censure
Parmi les causes pour expliquer cette exception, on trouve notamment les conditions de la rédaction de la Constitution de la Ve République. Elle a notamment été écrite en réaction à l'instabilité parlementaire de la IVe République qui a compté pas moins de 24 gouvernements entre 1947 et 1958.
Les députés contrôlaient alors étroitement le gouvernement en intervenant dans sa composition et en le renversant régulièrement, dans le contexte d'une Assemblée nationale sans majorité absolue.
Avec les outils de la Ve République, les députés peuvent cependant bien déposer une motion de censure à l'issue du discours de politique générale, comme va le faire la gauche jeudi. En cas d'adoption, Gabriel Attal serait contraint de démissionner.
