Fonds Marianne : Mohamed Sifaoui livre sa version et charge Marlène Schiappa

POLITIQUE - « Je me sens trahi aujourd’hui par les mensonges, les approximations et la politique de l’amnésie menée dans ce dossier. » Auditionné par les sénateurs de la commission d’enquête sur le Fonds Marianne ce jeudi 15 juin, Mohamed Sifaoui a livré sa version des faits tout en chargeant sur la forme Marlène Schiappa et son cabinet.

L’essayiste, engagé dans la lutte contre l’islamisme et connu pour ses positions clivantes sur ce sujet, a été l’un des deux porteurs du projet de l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM). Cette association est la principale bénéficiaire du fonds Marianne, lancé en avril 2021 sous la tutelle du ministère déléguée à la Citoyenneté à l’époque dirigé par Marlène Schiappa.

Selon des informations de presse, 355 000 euros ont été attribués à l’USEPPM avec, à la clé, des résultats jugés bien maigres : un site Internet et des publications peu suivies sur les réseaux sociaux. Une information judiciaire portant sur des soupçons de détournement de fonds publics a été ouverte en mai par le PNF.

« Ma première erreur, c’est d’avoir fait confiance à Madame Schiappa »

Face aux sénateurs, Mohamed Sifaoui a reconnu « ne pas être content » des résultats produits par son association. Mais tout en disant « assumer, à son modeste niveau, l’ensemble de ses responsabilités », il a surtout pointé du doigt un manque d’engagement du ministère après une communication « hallucinante » de Marlène Schiappa. « La première erreur que j’ai faite, c’est d’avoir fait confiance à Madame Schiappa et à ses équipes et d’avoir foncé. »

La veille, Marlène Schiappa s’est défaussée de toute responsabilité personnelle dans la gestion des subventions, assurant qu’après avoir lancé un projet, « il n’est pas dans le rôle du ministre d’ouvrir le capot ». Suivant une ligne de défense jugée peu convaincante par les sénateurs et la famille de Samuel Paty, elle a maintenu ne pas avoir été décisionnaire ni tenu au courant de tous les échanges entre son cabinet, l’administration – le CIPDR, l’organisme gestionnaire du fonds au sein du ministère de l’Intérieur, sous l’autorité de la ministre – et l’USEPPM portant sur l’attribution et l’utilisation du fonds Marianne.

« Elle est innocente mais a une attitude de coupable »

Une version confortée par Mohamed Sifaoui ce jeudi, bien qu’il ait réfuté toute comparaison « sur le fond ou sur la forme » avec les déclarations de la secrétaire d’État, dans un échange tendu avec le rapporteur LR Jean-François Husson. Dans le détail, l’essayiste a confirmé que la première estimation de budget pour le projet de l’USEPPM, chiffrée à 650 000 euros, avait été revue à la baisse, d’abord à 300 000 euros puis à 350 000. Devant les mêmes sénateurs, Marlène Schiappa avait souligné avoir envoyé un e-mail à ses équipes pour réagir à l’enveloppe de 650 000 euros, jugée trop importante.

Mohamed Sifaoui n’a pas mentionné l’intervention de la ministre. Il a assuré, comme l’intéressée avant lui, qu’ils n’avaient « jamais été amis » et qu’« elle le sera encore moins demain ». « Je dis ça parce que je n’aime pas les gens qui n’ont pas de courage. Madame Schiappa est innocente mais son attitude est curieuse. Elle a une attitude de quelqu’un qui est coupable. Mais elle n’est coupable de rien (...) ni de détournement d’argent, ni d’un quelconque copinage », a jugé Sifaoui.

« Manipulé »

Il assure – là encore, comme Marlène Schiappa – n’avoir jamais échangé longuement et directement avec elle et réfute tout fléchage des subventions au bénéfice de sa structure avant le lancement de l’appel à projets. En revanche, il estime que son projet a été « validé politiquement par le cabinet » à l’issue d’échanges avec le cabinet de la ministre et le CIPDR. Mais entre « la validation politique » sur ses propositions initiales et les moyens véritablement alloués, Sifaoui dénonce un fossé. « On est passé d’une volonté politique qui allait mobiliser des moyens à une absence de volonté politique », fustige Sifaoui.

Les deux heures et demie d’audition se sont globalement déroulées dans un climat tendu, ponctué par les recadrages des sénateurs face à un Mohamed Sifaoui remonté, notamment contre la presse. Mais la première cible de l’essayiste a été le « pouvoir politique » qui l’a « manipulé ». « Jamais plus je ne suivrai les demandes d’un responsable politique. (...) Plus jamais je n’échangerai sur mes thématiques avec aucun responsable politique. J’ai perdu confiance totalement dans l’action publique, où je vois d’ailleurs des lâchetés se manifester par la suite. Il aurait fallu que chacun assume sa petite part de responsabilités », a-t-il conclu.

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