Fonds Marianne de Marlène Schiappa : la commission d’enquête dénonce le « fiasco » d’un « coup politique »

POLITIQUE - Les mots sont rudes. Les sénateurs Claude Raynal (PS) et Jean−François Husson (LR) ont présenté ce jeudi 6 juillet le rapport de la commission d’enquête sur l’utilisation du fonds Marianne, une enveloppe de 2,5 millions d’euros débloquée par Marlène Schiappa en avril 2021, après la mort de Samuel Paty pour lutter contre les discours radicaux.

Résultat : « un fiasco », selon les mots employés par les parlementaires en conférence de presse et dans leur rapport d’une grosse centaine de pages. « Le manque de rigueur, l’opacité et la désinvolture à toutes les étapes de ce projet ont conduit au fiasco », a notamment cinglé le rapporteur Jean−François Husson en présentant son « constat sans appel sur la dérive de ce que nous appelons “un coup politique” ».

« Nous avons le sentiment que le fonds Marianne a été conçu comme une grande opération de communication » par la ministre, a encore résumé le sénateur, sans épargner le rôle de Marlène Schiappa, alors ministre déléguée à la Citoyenneté, ses « confusions » et son manque de rigueur.

« Trop présente au départ, pas assez à l’arrivée »

Selon lui, la « promesse » inhérente à ce dispositif, « n’a pas été tenue, ce qui relève pleinement » de sa « responsabilité. » Son collègue Claude Raynal, le président de la Commission a, lui, résumé l’action de Marlène Schiappa dans le dispositif du « fonds Marianne » avec une formule : « Trop présente au départ », pour faire valoir sur son « coup de communication », « pas assez à l’arrivée », dans le suivi de l’utilisation du fonds.

En clair, dans la première phase, celle des sélections des associations bénéficiaires, « il apparaît que le cabinet et la ministre ont outrepassé leur rôle en appuyant la candidature de USEPPM (l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire) en amont de la sélection », estiment les sénateurs. Puis, toujours selon le rapport, « en revenant sur l’octroi d’une subvention à SOS racisme alors que le comité de sélection avait donné un avis favorable. »

Les parlementaires relèvent également que certaines des associations ayant bénéficié du fonds « ont effectué un vrai travail. » Mais ce n’est pas le cas des deux principales d’entre elles, dont l’USEPPM. Cette dernière, au cœur du dossier, a reçu 275.000 euros, dont 120.000 euros qui ont servi à rémunérer deux de ses responsables, dont Mohamed Sifaoui, auteur de livres sur l’islam politique et le terrorisme.

Marlène Schiappa « s’est largement défaussée »

Très critique sur l’attitude de Marlène Schiappa tout au long du dossier, les parlementaires n’ont pas mâché leurs mots non plus quant à son audition, le 14 juin dernier. « Nous avons auditionné la ministre pendant 3 heures. Elle a beaucoup contourné, elle s’est largement défaussée, elle a eu beaucoup de pertes de mémoire », a notamment rappelé Jean−François Husson, en évoquant une défense qui « se moque du monde. »

« La manière dont la ministre a passé son temps à éviter de répondre aux questions, je trouve que cela n’honore pas la personne qui a été auditionnée, cela n’honore pas la promesse qui a été faite », a-t-il encore soufflé.

Dans un premier rapport publié début juin, et qui ne portait que sur l’USEPPM, l’IGA a dénoncé de nombreux « manquements », à la fois dans le processus de candidature, puis dans l’utilisation des fonds par l’association. Les inspecteurs ont ainsi relevé de graves « irrégularités », comme « des doublements de salaires pour les deux porteurs du projet USEPPM » - avec in fine un résultat bien décevant en termes de contenus : 451 communications sur différents comptes, huit articles sur un site internet.

Après ce premier rapport, le préfet Christian Gravel, patron du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), la structure responsable de la gestion de ce fonds au ministère de l’Intérieur, a démissionné. Marlène Schiappa, elle, s’était « effacée » du processus, selon l’IGA. « Effacée ? Ce n’est pas passe muraille non plus dans cette affaire », a rétorqué Jean-François Husson, pointant notamment le rôle de la ministre, a posteriori, dans le choix de ne pas subventionner SOS racisme à travers ce fonds.

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