Fonds Marianne : la commission d’enquête du Sénat rend ses conclusions sur la gestion du fonds contre le séparatisme

La secrétaire d’État à l’Économie sociale et aux Associations Marlène Schiappa lors de son audition par une commission sénatoriale, dans le cadre de l’enquête sur des soupçons de favoritisme dans l’attribution du « Fonds Marianne ».
La secrétaire d’État à l’Économie sociale et aux Associations Marlène Schiappa lors de son audition par une commission sénatoriale, dans le cadre de l’enquête sur des soupçons de favoritisme dans l’attribution du « Fonds Marianne ».

POLITIQUE - Des erreurs ont-elles été commises dans la gestion du Fonds Marianne contre le « séparatisme » ? Après l’inspection générale de l’administration (IGA), c’est au tour de la commission d’enquête du Sénat de rendre ses conclusions ce jeudi 6 juillet sur ce dossier controversé, qui met notamment en difficulté Marlène Schiappa.

La mission d’information « Fonds Marianne », qui a obtenu les prérogatives d’une commission d’enquête, doit rendre public son rapport à 14 heures. Les conclusions très attendues doivent être détaillées lors d’une conférence de presse par le président de la commission des finances du Sénat, Claude Raynal (PS), et le rapporteur de la mission, Jean-François Husson (LR).

Après les commissions d’enquête autour de l’affaire Benalla en 2018 puis du cabinet de conseil McKinsey en 2021 qui ont ébranlé la Macronie, les parlementaires ont passé au gril une autre personnalité du camp présidentiel, Marlène Schiappa, sur fond de soupçons de favoritisme et de gabegie d’argent public.

Figure de la galaxie Macron depuis 2017, Marlène Schiappa a vu son étoile progressivement pâlir. Elle est aujourd’hui fragilisée, avec des appels répétés à la démission venus de l’opposition de gauche.

La secrétaire d’État a peiné à convaincre les sénateurs lors de son audition très médiatisée le 14 juin, consacrée à ce fonds qu’elle a voulu et lancé en 2021 après le choc causé par l’assassinat de Samuel Paty, alors qu’elle était ministre déléguée chargée de la Citoyenneté.

Enquête en cours pour « détournements de fonds publics »

Le Sénat s’était saisi de ce dossier en mai après plusieurs articles et reportages pointant les faibles réalisations de certaines associations ayant bénéficié de centaines de milliers d’euros de subventions publiques. Le fonds, doté au total de 2,5 millions d’euros, était destiné à développer, sur les réseaux sociaux, des « contre-discours » à l’islam radical.

La justice, de son côté, a également ouvert une enquête confiée à un juge d’instruction début mai, pour « détournement de fonds publics, détournement de fonds publics par négligence, abus de confiance et prise illégale d’intérêts ». Des perquisitions ont eu lieu en juin aux domiciles de plusieurs protagonistes clés du dossier.

Deux associations, parmi celles ayant bénéficié des fonds, concentrent les questions.

L’une, l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), a reçu 275 000 euros dont 120 000 euros ont servi à rémunérer deux de ses responsables, dont Mohamed Sifaoui, auteur de livres sur l’islam politique et le terrorisme. L’autre, « Reconstruire le commun », qui a obtenu 330 000 euros, a produit des vidéos dans lesquelles elle dénigrait des personnalités de gauche.

De graves irrégularités

Devant le Sénat, Marlène Schiappa a assuré vouloir assumer sa « responsabilité politique », tout en se défaussant régulièrement sur son administration : elle a notamment souligné qu’elle n’avait pas fait partie du comité ayant sélectionné les associations lauréates, et qu’il ne lui incombait pas de suivre l’avancée des projets financés par l’argent public.

Tout juste a-t-elle concédé des « dysfonctionnements dans l’organisation et dans la gestion » du fonds Marianne, tout en minimisant : « je ne crois pas qu’on puisse imputer à (...) un responsable politique la malversation interne d’une structure à laquelle il fait confiance ».

Entendu à son tour par les sénateurs, le 15 juin, Mohamed Sifaoui a de son côté soutenu avoir été « piégé » et « manipulé par le pouvoir politique ». L’affaire a également fait l’objet d’un rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA).

Dans un premier rapport publié début juin, et qui ne portait que sur l’USEPPM, l’IGA a dénoncé de nombreux « manquements », à la fois dans le processus de candidature, puis dans l’utilisation des fonds par l’association. Les inspecteurs ont ainsi relevé de graves « irrégularités », comme par exemple « des doublements de salaires pour les deux porteurs du projet USEPPM », avec in fine un résultat bien décevant en termes de contenus : 451 communications sur différents comptes, huit articles sur un site internet.

Après ce premier rapport, le préfet Christian Gravel, patron du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), la structure responsable de la gestion de ce fonds au ministère de l’Intérieur, a démissionné.

D’ailleurs l’IGA doit rendre un second rapport sur cette affaire, cette fois sur les autres bénéficiaires des fonds. Ses conclusions pourraient être rendues publiques jeudi en fin de journée.

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