Fin de vie: Emmanuel Macron entretient le flou sur ses convictions

Arrondir les angles. Emmanuel Macron qui a reçu ce lundi matin à l'Élysée les membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie n'a pas affirmé de position tranchée et a renvoyé toute décision vers le Parlement "d'ici la fin de l'été 2023".

"J'ai une opinion personnelle qui peut évoluer, évolue, évoluera peut-être", a ainsi jugé le chef de l'État devant les 184 citoyens tirés au sort.

"Le doute salvateur" d'Emmanuel Macron

Les membres de cet organe qui ont planché ces quatre derniers mois sur le sujet se sont très majoritairement prononcés en faveur d'une ouverture de l'euthanasie et du suicide assisté en France, à l'image des Français. D'après un sondage Ifop, 78% des personnes interrogées souhaitent une évolution de la législation en matière de fin de vie.

Mais pas question pour le président d'aller trop vite sur un sujet qu'il voit comme une source de tensions dans le contexte très inflammable de la réforme des retraites. Plus largement, Emmanuel Macron a pris soin ces dernières années de ne jamais faire connaître sa position sur la fin de vie.

Début mars, le président a ainsi évoque son "doute salvateur" et sa nécessité de "maturation" sur ce sujet "complexe" qu'il veut laisser "maturer" devant des dignitaires religieux.

La mort, "pas un acte technique"

Avec une obsession: ne pas "humilier" les catholiques comme il l'avait expliqué avec en tête le contre-modèle de François Hollande pendant le mariage pour tous en 2013. Mais le président semble également hésiter à titre plus personnel.

"Sur le sujet de la fin de vie, j’en ai parlé d’initiative au pape, en lui disant que je n’aimais pas le mot d’'euthanasie'. La mort, c’est un moment de vie, ce n’est pas un acte technique", expliquait ainsi Emmanuel Macron à quelques journalistes en octobre dernier, après un entretien au Vatican.

"François sait que je ne ferai pas n’importe quoi", assurait encore le locataire de l'Élysée. En 2018, lors d'un dîner pour aborder la future loi de bioéthique, Emmanuel Macron jugeait même la question de la fin de vie "hors sujet".

La loi Claeys-Leonetti qui permet l’arrêt des traitements au titre du "refus de l'obstination déraisonnable" et qui ouvre la possibilité d’une sédation profonde pour mourir sans souffrance, est considérée au début de son premier quinquennat comme suffisante.

"On le fera"

Mais fidèle à son 'en même temps', Emmanuel Macron vise toujours à brouiller les pistes. À l'automne dernier, lors de la remise des insignes de grand-croix de la Légion d'honneur à Line Renaud, une intime du couple présidentiel et fervente soutien de l'Association pour le droit à mourir dans la dignité qui veut autoriser l'euthanasie, le quadragénaire aurait glissé à l'ancienne meneuse de revue "on le fera".

Pendant la campagne présidentielle de 2022, Emmanuel Macron sort même du bois publiquement. Lors d’un déplacement en Charente-Maritime, le président candidat se dit alors "favorable" à titre personnel, à ce que la France "évolue" vers "le modèle belge", autrement dit, vers une légalisation de l’euthanasie pour des personnes atteintes de maladies jugées incurables.

Avant un rétropédalage en règle. L'Élysée assure auprès du journal catholique La Croix qu'il s'est exprimé à titre privé et refuse sur les sujets de bioéthique d’appliquer ses convictions à "tout un pays".

Ferrand promettait le "droit de mourir dans la dignité"

De son côté, Richard Ferrand, alors président de l'Assemblée nationale et très proche de la présidence, affirmait quelques jours avant le premier tour de la présidentielle en 2022 que "le droit de mourir dans la dignité" sera l'une des grandes réformes sociétales en cas de réélection d'Emmanuel Macron.

Mais en renvoyant le sujet de la fin de la vie au gouvernement et au Parlement, le chef de l'État se garde une porte de sortie. Quelle que soit l'issue des débats, le président pourra ainsi renvoyer la question vers les députés et les sénateurs et éviter de prendre une position très claire.

Le président a d'ailleurs assuré vouloir désormais étendre le recours aux Conventions citoyennes à d'autres sujets de société, une façon de ne pas monter en première ligne sur des thèmes jugés trop clivants.

Article original publié sur BFMTV.com