Festival de Cannes : 5 choses à savoir sur l’emblématique hôtel Martinez

L’hôtel Martinez voit défiler son lot de vedettes internationales, notamment lors du festival de Cannes. Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’établissement n’a pas toujours été le repaire préféré des stars du 7e art.

Festival de Cannes : 5 choses à savoir sur l’emblématique hôtel Martinez (Crédit : REUTERS/Johanna Geron)

L’hôtel Martinez, emblématique palace cinq étoiles de la Croisette, fête cette année ses 95 ans. Indissociable du festival de Cannes, cet écrin de luxe idéalement situé à 25 kilomètres de l'aéroport de Nice et à quelques centaines de mètres des mythiques marches rouges, offre tout le confort d’un palace de prestige. Justement, l’histoire dramatique de son fondateur mériterait bien qu’un réalisateur se penche sur son cas.

Le 17 février 1929, Emmanuel Martinez, homme d’affaires fortuné et directeur-général des plus grands palaces de Nice, concrétise son rêve d’ouvrir son propre palace sur la Croisette. "Ce jour-là, le champagne coule à flots. Les célébrités s’y bousculent, le prince de Galles, le roi d’Egypte… Mistinguett et 'ses belles gambettes' y pousse la chansonnette un soir de 1931 pour un mémorable dîner de gala", décrit Paris Match. La grande crise de 1929 aux États-Unis aura privé l’établissement de sa riche clientèle étrangère pendant quelques temps avant le retour des soirées extravagantes dans les années 1930.

La Seconde Guerre mondiale marque toutefois un tournant fatal. L'hôtel est tour à tour réquisitionné par l’armée française, italienne puis la Wehrmacht. "Dans des circonstances qui restent obscures, Emmanuel Martinez vend tout ou partie de ses actions à Mendel Szkolnikoff, un collabo aux petits soins avec la Wehrmacht, devenu richissime grâce au commerce avec les Allemands", relate le JDD.

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Condamné à la fin de la guerre pour collaboration par la justice française, l’Italien Emmanuel Martinez est totalement blanchi en 1949. Sauf que l’État réquisitionne l’établissement pendant 35 ans, de 1944 à 1979. Martinez décède le 15 octobre 1973 à Gênes, en Italie, à l'âge de 91 ans, ruiné, après des années de procédures judiciaires et sans avoir récupéré son hôtel.

Si le mythique hôtel Art déco cannois vit en dehors du festival de Cannes, l’évènement ciné le plus attendu de l’année reste sans conteste le point d’orgue de sa saison depuis la première édition en 1946. Le cinq-étoiles n’a pas toujours été la base arrière des stars qu’il est aujourd’hui. Dans les années 80, le Martinez ne fait pas le poids face à l’immense Majestic et au Carlton. Son adresse, située en bout de Croisette, n’attire pas encore le gratin du show-business. "Quand Nulle part ailleurs est allé au Martinez, c'était le palace des crevards. Pourquoi Canal y est allé ? Parce que c'était le moins cher et le seul de libre", rigole Philippe Vandel, ancien chroniqueur pour Nulle part ailleurs dans une interview à Teleobs des années plus tard.

Alan Chabat devant le Martinez en 2007 (Crédit : REUTERS/Yves Herman)
Alan Chabat devant le Martinez en 2007 (Crédit : REUTERS/Yves Herman)

Après un premier galop d’essai en 1988, Canal+ devient partenaire officiel du festival en 1993 et participe largement au rayonnement du palace en installant son plateau de "Nulle part ailleurs" et ensuite du "Grand Journal" sur la plage du Martinez pendant toute la durée du festival.

L’établissement a notamment servi de décor aux pitreries du duo De Caunes-Garcia avec de nombreuses scènes cultes. Les stars françaises et les vedettes américaines se pressent sur le plateau et contribuent à ringardiser les autres hôtels de luxe de la Croisette. Au bout de quelques années, tout le monde voulait être dans l’hôtel de Canal. Le palace, annexé par la chaîne cryptée, présentait l’avantage d’être le seul hôtel où les badauds pouvaient voir des stars de près. En 1995, c’est l’apothéose : Jeanne Moreau annule sa réservation au Carlton pour séjourner au Martinez.

Un an plus tard, le journal Libération traduit cette toute-puissance de Canal avec cette formule : "La scène de Nulle part ailleurs attire plus les foules que le grand escalier du Bunker". L’arrivée de Vincent Bolloré à la tête de Canal+ en 2015 sonnera la fin de la récréation et de cet "esprit Canal" inimitable.

Il faudrait probablement ratiboiser la moitié de l’Amazonie pour poser sur papier l’ensemble des anecdotes qui entourent la présence de Canal+ à Cannes. D’ailleurs, l’une d’entre elles est particulièrement savoureuse. Un soir de mai 1995, une forte détonation retentit sur la Croisette. Pour un sketch, Antoine de Caunes joue les faux snipers et met sans le vouloir le feu à la banderole publicitaire d’Europe 1 installée sur le toit du Martinez. "À l ‘étage du dessous, Jeanne Moreau, chancelante, sort sur son balcon. Le regard vers le ciel, une main sur le cœur, elle croit sa dernière heure arrivée", relate avec précision Le Monde. Cet incident heureusement sans gravité provoque la colère du directeur du Martinez de l’époque, Patrick Scicard : "Utilisation d’explosifs pendant une manifestation publique, je vais en prendre pour dix ans ! Faut arrêter les conneries !"

Cédé par l’État, qui en revendiquait la propriété au groupe Taittinger en 1981, l’hôtel a été cédé au Qatar en 2012. Boulimique d’investissements aux quatre coins de la planète, notamment en France, le petit émirat du Golfe s’est offert le palace le plus emblématique de la Croisette. À cette occasion, l'hôtel Martinez, propriété de Constellation hôtels holding Ltd, devient le Grand Hyatt Cannes Hôtel Martinez avant de revenir à son nom d’origine quatre ans plus tard. L’établissement, qui domine de ses sept étages la Méditerranée, compte 410 chambres, une plage privée et le seul restaurant 2 étoiles Michelin de Cannes, La Palme d’Or, dirigé par le chef Jean Imbert.