Fernando Botero, un artiste habité par l’“obligation de témoigner contre l’horreur” de la torture

Quand les journalistes Dan Rather et Seymour Hersh ont révélé les tortures commises par des militaires américains sur des prisonniers irakiens à Abou Ghraib, l’artiste colombien Fernando Botero se trouvait déjà au sommet de son art, et n’avait aucune raison de se lancer dans une nouvelle controverse, assure le journaliste Daniel Coronell dans un hommage rendu au peintre, mort le vendredi 15 septembre, publié par la revue Cambio.

“Ses sculptures avaient déjà été exposées sur les Champs-Élysées à Paris, sur Park Avenue à New York et sur le Grand Canal à Venise. Il était invité aux tables royales et ses peintures faisaient déjà partie des collections des plus grands musées du monde.”

Il venait même de vendre le tableau Les Musiciens pour plus de 2 millions de dollars, un record pour un artiste latino-américain vivant.

Et pourtant, il décida, à 75 ans, de passer quatorze mois à peindre 78 tableaux sur les abus commis par les militaires américains dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

“J’ai été bouleversé par […] l’hypocrisie d’un pays qui s’est présenté au monde comme le […] plus grand défenseur des droits humains et qui a fini par torturer des gens. […] Ce choc que j’ai ressenti, en tant qu’être humain et en tant qu’artiste, m’a imposé l’obligation de laisser un témoignage contre l’horreur”, a-t-il assuré à Daniel Coronell en 2007.

Pour un art non conformiste

Alors que toutes les portes lui semblaient fermées aux États-Unis, c’est le professeur Harley Shaiken qui a réussi à faire exposer les tableaux dans la bibliothèque Doe de la prestigieuse université de Californie à Berkeley, contre l’avis du conseil de l’établissement.

Applaudi par les élèves et les professeurs, Botero a considéré cette invitation comme “une réponse au parti qu’a pris l’art de complètement se désintéresser des problèmes de la société”, car “l’art ne sert pas seulement comme décoration”.

S’il reconnaît l’importance de certaines luttes artistiques, du muralisme mexicain aux peintures marxistes italiennes ou russes, voir au Guernica de Picasso, Botero considère qu’il s’agit d’exceptions, tant “l’art a été d’une certaine manière indifférent aux problèmes de la société”.

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