Fermée en Israël, Al-Jazeera va saisir la justice et aller "jusqu'au bout"

Salah Negm, directeur de l'information d'Al-Jazeera English, lors d'un entretien avec l'AFP à Doha, le 6 mai 2024 (KARIM JAAFAR)
Salah Negm, directeur de l'information d'Al-Jazeera English, lors d'un entretien avec l'AFP à Doha, le 6 mai 2024 (KARIM JAAFAR)

Le directeur de l'information d'Al-Jazeera English a déclaré à l'AFP que la chaîne de télévision qatarie allait explorer toutes les voies de recours possibles pour contester en justice la fermeture de son bureau en Israël et irait "jusqu'au bout".

Dimanche, le gouvernement israélien a décidé de fermer le bureau d'Al-Jazeera en Israël, conduisant rapidement à l'interruption de la diffusion télévisée. La décision s'applique pour une période renouvelable de 45 jours, selon les documents officiels.

"Les correspondants d'Al-Jazeera ont porté atteinte à la sécurité d'Israël et incité à la violence contre les soldats" israéliens, a expliqué le Premier ministre, Benjamin Netanyahu.

Les Nations unies ont dénoncé une "décision faisant reculer la liberté de la presse", et plusieurs pays, notamment les Etats-Unis, grand allié d'Israël, se sont opposés à cette décision.

"S'il existe une possibilité de contester cette décision, nous irons jusqu'au bout", a affirmé lundi Salah Negm.

Peu après la décision du gouvernement israélien, une partie du matériel de la chaîne a été saisie, notamment ses équipements de diffusion. Elle a également été retirée des opérateurs satellites et du câble, et ses sites internet ont été bloqués.

"Les équipements qui ont été confisqués, la perte que nous avons subie du fait de l'arrêt de notre diffusion, tout cela fait l'objet d'une action en justice", a souligné le directeur de l'information d'Al-Jazeera English, critiquant une décision "digne des années 1960 plutôt que du XXIe siècle".

Aujourd'hui, sur les écrans des chaînes arabe et anglaise d'Al-Jazeera s'affiche un message en hébreu indiquant "suspendu en Israël".

- "Décision arbitraire" -

La chaîne qatarie a immédiatement condamné la décision du gouvernement israélien, la qualifiant de "criminelle" et déclarant sur le réseau social X qu'elle "violait le droit d'accès à l'information".

Salah Negm a également qualifié la fermeture du bureau d'Al-Jazeera de "décision arbitraire".

Mais il a toutefois minimisé l'impact de sa fermeture car la chaîne peut s'appuyer sur d'autres sources d'information en l'absence de "personnes sur le terrain", a-t-il dit.

"Je sais que les gens qui ont un VPN (réseau privé virtuel) peuvent nous voir en ligne à tout moment", a déclaré le directeur.

Al-Jazeera continue par ailleurs d'opérer en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, et dans la bande de Gaza, d'où elle continue d'émettre en direct sur la guerre entre Israël et le Hamas, déclenchée le 7 octobre après une attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien sur le sol israélien.

La décision israélienne intervient après que le Parlement israélien, la Knesset, a voté début avril une loi permettant d'interdire la diffusion en Israël de médias étrangers portant atteinte à la sécurité de l'Etat, un texte visant la chaîne qatarie, laquelle permet au Premier ministre d'interdire la diffusion du média visé et de fermer ses bureaux.

Fait majeur du passif entre la chaîne et Israël: la mort de sa journaliste américano-palestinienne Shireen Abu Akleh durant un raid israélien en Cisjordanie occupée, en mai 2022. Al-Jazeera accuse Israël de l'avoir tuée délibérément.

- Souffrance et méfiance -

Depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza, le bureau d'Al-Jazeera dans le territoire palestinien a été bombardé et deux de ses correspondants ont été tués.

Le chef du bureau, Waël al-Dahdouh, a été blessé par une frappe imputée à Israël en décembre, qui a tué le caméraman de la chaîne.

"Al-Jazeera a perdu quelques personnes, leurs familles ont souffert, ce qui est vraiment différent des autres conflits dans ce sens", a déploré M. Negm.

Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), une association établie à New York, au moins 97 journalistes ont été tués depuis le début de la guerre le 7 octobre entre Israël et le Hamas, parmi lesquels 92 Palestiniens.

La mort de journalistes "n'est pas quelque chose que nous pouvons simplement raconter avec politesse", a estimé M. Negm.

"Nous devons nous méfier, être prudents et alerter les gens sur la nature de la guerre qui se déroule et sur son caractère mortel pour la population et pour nous en tant que profession", a-t-il poursuivi.

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