Fentanyl : l’overdose mondiale

C’est la drogue la moins chère, la plus addictive, la plus puissante, la plus mortelle, la plus incontrôlable. La plus insaisissable, aussi. Voilà des semaines que le sujet montait, occupant même le devant de la scène lors de la rencontre entre Xi Jinping et Joe Biden, au sommet de l’Apec, en novembre dernier. Et puis la grande enquête d’El País Semanal est arrivée fin janvier, au moment où Portland, aux États-Unis, déclarait l’état d’urgence. Le cœur de la plus grande ville de l’Oregon, où des expériences pionnières de décriminalisation des drogues dures sont menées, est ravagé par le fentanyl : les autorités du comté y ont enregistré “un nombre de surdoses liées au fentanyl multiplié par plus de cinq entre 2018 et 2022”, rapporte le site de l’hebdomadaire local The Oregonian.

Bien plus puissant que l’héroïne

C’était donc le moment de mettre ce sujet à la une. Car le fentanyl est un “tueur de masse”, comme le titre El País Semanal. Son nom résonne avec la troisième vague de ce que l’on nomme désormais l’“épidémie des opioïdes” aux États-Unis. Une épidémie si terrible, si mortelle, qu’elle a même fait reculer l’espérance de vie dans le pays. Et un nom qui rappelle que ces molécules, qui mimétisent et amplifient des dizaines de fois les effets de la morphine ou de l’héroïne, sont à la base des antidouleurs, largement produits et prescrits par le système de santé américain.

De fait, avant de devenir la drogue préférée des cartels mexicains (et notamment du cartel de Sinaloa, l’un des principaux producteurs et exportateurs vers les États-Unis), les opioïdes ont fait les beaux jours de l’industrie pharmaceutique sous différents noms – notamment l’OxyContin, qui a fait la fortune de la famille Sackler et de sa firme, Purdue Pharma. Cette frontière (pas si claire) entre pharmacopée et substance illicite demeure encore floue en Chine, où sont produits les “briques de base” du fentanyl – une production restée parfaitement légale pendant des années.

Mais aujourd’hui, ce puissant analgésique développé par le chimiste belge Paul Janssen en 1959, utilisé avec parcimonie à l’hôpital, est descendu dans la rue. Il arrive directement du Mexique, où les narcotrafiquants l’élaborent à partir de produits chimiques venus de Chine, et fait des ravages aux États-Unis. C’est l’histoire que raconte El País Semanal dans une grande enquête dont nous avons retenu trois volets : le témoignage, ô combien édifiant, de Miguel, l’un des chimistes du clan Sinaloa, au Mexique ; un reportage dans les rues de San Francisco, où errent les toxicomanes accros au fentanyl ; une enquête en Chine, où s’enrichissent les industriels qui produisent les précurseurs chimiques.

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