Les femmes souffrant d’endométriose ciblées par les groupes sectaires

La Miviludes a reçu 4.020 saisines en 2021, soit une hausse de 33,6% par rapport à l’année précédente et de près de 50% par rapport à 2015.
Grace Cary / Getty Images La Miviludes a reçu 4.020 saisines en 2021, soit une hausse de 33,6% par rapport à l’année précédente et de près de 50% par rapport à 2015.

SECTES - « La Miviludes note que les femmes victimes d’endométriose, maladie méconnue et très douloureuse, sont aujourd’hui doublement ciblées par les groupes sectaires » a tweeté la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) ce vendredi 18 novembre. Selon son rapport d’activité annuel publié au début du mois, les médecines non traditionnelles doivent en effet faire l’objet d’une vigilance particulière.

Les femmes souffrant d’endométriose, qui touche près de deux millions de femmes et qui est la première cause d’infertilité en France, seraient donc particulièrement victimes de dérives sectaires. « Médicalement, d’abord, par des charlatans qui exploitent leur détresse avec des remèdes ’miraculeux’, et surtout très onéreux. Spirituellement, ensuite, par le ’féminin sacré’ et son dévoiement du féminisme à des fins mercantiles », développe la Miviludes.

Le rapport souligne une évolution générale du phénomène sectaire, mettant en exergue la multiplication de petites structures dans les domaines de la santé, du bien-être et de l’alimentation. Les thérapies non conventionnelles se sont développées dans le cadre de la crise sanitaire et « portent un risque important en matière de santé publique ».

Le rapport constate aussi la multiplication des « gourous 2.0 ». « Il s’agit de manipulateurs isolés et autonomes qui propagent leur doctrine sur les réseaux sociaux. Ces nouvelles doctrines touchent fortement les plus jeunes -notamment les mineurs, très vulnérables- qui sont d’importants utilisateurs des réseaux sociaux », souligne-t-il.

Thérapies alternatives

Près de 70 % des saisines en 2021 concernant la santé se rapportaient à des « pratiques de soins non conventionnelles telles que la naturopathie, le reiki, la nouvelle médecine germanique, etc. ». Selon une analyse préliminaire de l’étude ComPaRe sur l’endométriose lancée en 2019 par Marina Kvaskoff, épidémiologiste à l’Inserm à l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif, 80 % des femmes atteintes d’endométriose ayant répondu à l’enquête ont eu recours au moins une fois à une pratique alternative comme l’ostéopathie, le yoga, la méditation ou la sophrologie.

Certaines de ces pratiques non médicamenteuses sont autorisées par la Haute autorité de santé (HAS) depuis 2017. Elles sont d’ailleurs intégrées dans le projet thérapeutique des patientes souffrant d’endométriose dans certains hôpitaux aux côtés de soins de médecine dite traditionnelle. La Haute autorité insiste cependant : ces thérapies ne doivent pas se substituer aux traitements médicaux et les patientes qui les choisissent doivent en informer leur médecin.

Une enquête réalisée par France Inter explique que c’est la difficulté à faire diagnostiquer et à soulager la maladie, très douloureuse, qui pousse ces femmes à consulter tous types de « thérapeutes », qui « prétendent soigner l’endométriose via des stages de jeûne, des rituels, ou des séances d’hypnose, parfois en visioconférence et à des prix très élevés. »

« Une partie d’entre eux expliquent aux femmes qu’elles peuvent être responsables de leur maladie, qu’elles ont un problème avec leur féminité, ou qu’elles payent pour une faute commise par une membre de leur famille, voire une de leurs ancêtres », est-il développé dans l’enquête de nos confrères.

« Prendre soin du féminin »

La cellule investigation de Radio France a également enquêté sur le sujet et repéré des personnes qui se présentent comme des spécialistes de l’endométriose et qui proposent des services intitulés : « Prendre soin du féminin », « coach bien-être endo » ou encore « transforme ta vie grâce à l’endométriose ». Des services qui ont un prix. Sur deux sites, on trouve par exemple une consultation à 110 euros et « Six rdv de 45 minutes et échanges illimités », pour 450 euros.

Ces thérapies alternatives surfent sur le concept de « féminin sacré », un concept de développement personnel selon lequel des femmes doivent se reconnecter à leur nature divine, qui connaît un essor important depuis plusieurs années en France et dans le monde. Ce que le rapport de la Miviludes confirme.

« Une vigilance s’impose. En effet, il est recommandé que le dépôt de la parole liée à un événement traumatique se fasse auprès d’un professionnel qui saura assurer l’écoute et l’accompagnement de la personne, indique le rapport. Or, durant ces stages, il est affirmé que si une femme a des règles douloureuses, c’est qu’elle n’est pas ‘en accord avec sa nature profonde de femme’. En d’autres termes, elle serait responsable de cette souffrance. »

Les prix de ces séances sont également jugés « très souvent exorbitants » par la Miviludes. En conclusion, elle précise : « Cette quête perpétuelle de l’harmonie entre son corps et son esprit, en d’autres termes du bonheur ultime, doit être prise avec beaucoup de vigilance au motif que certaines femmes se sont retrouvées isolées, en rupture soudaine avec leur environnement familial. »

La Miviludes a reçu 4 020 saisines en 2021, soit une hausse de 33,6 % par rapport à l’année précédente et de près de 50 % par rapport à 2015.

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