Comment la femme d'un dirigeant russe mène la grande vie en France, malgré les sanctions

Svetlana Maniovich prend volontiers la pose devant les photographes. De Courchevel à Saint-Tropez en passant par les boutiques de luxe de Paris ou de Londres, l’épouse, récemment divorcée, du vice-ministre russe de la Défense Timur Ivanov affiche sans vergogne le style de vie de la Russie la plus fortunée.

Mais elle se serait certainement passée de la publicité que lui offre l’enquête de la journaliste russe d’investigation et militante Maria Pevchikh, publiée ce jeudi sur les réseaux sociaux, après un long documentaire mis en ligne sur Youtube.

Maria Pevchikh livre un récit détaillé, documenté. On y découvre les images d’un récent séjour à Courchevel, le prix des bijoux dont Svetlana Maniovich raffole (150.000 euros pour une paire de boucles d’oreille). On la voit au volant de sa Rolls Corniche décapotable sur la côte d’Azur. On y apprend qu’elle a pu tranquillement se rendre à Londres (Royaume-Uni) le mois dernier, alors même que Kiev subissait une nouvelle attaque aérienne.

Un appel à manifester

Un train de vie sur lequel les sanctions occidentales visant les oligarques et les proches du pouvoir, dont Timur Ivanov, n’ont manifestement eu aucun impact. Pendant ce temps, le vice-ministre de la Défense accroît sa fortune en pilotant notamment la reconstruction de Marioupol.

"Chaque euro dépensé à Paris est un euro trempé dans le sang", écrit la journaliste.

Maria Pevchikh conclut son réquisitoire en appelant à une manifestation devant le domicile parisien de Svetlana Maniovich, dans le 7e arrondissement de Paris, ce dimanche à 14h – le mois dernier, elle avait appelé à une action similaire à Londres devant la résidence de Polina Kovaleva, la belle-fille du ministre russe des Affaires Etrangère, Serguei Lavrov.

Des combines pour échapper aux sanctions

Comment expliquer que Svetlana Mariovich échappe ainsi aux sanctions qui frappent son mari Timur Ivanov ? Simple, selon la journaliste Maria Pevchikh. Svetlana Maniovich a obtenu un passeport israélien, levant ainsi tous les obstacles aux déplacements de ressortissants russes.

Elle a divorcé de Timur Ivanov en août 2022, moins de six mois après le début du conflit en Ukraine, se mettant ainsi à l’écart des sanctions qui continuent de s’appliquer à son ex-mari. Aucun doute pour la journaliste: le passeport a été obtenu de manière illégale, et le divorce est purement factice, précisément dans le but d’échapper aux sanctions.

"On ne commente pas les situations individuelles", indique le quai d'Orsay, à BFMTV. Le ministère des Affaires étrangères rappelle que la France et ses partenaires de l'UE ont adopté des sanctions ciblant 1499 personnalités russes et leurs soutiens, qui se traduisent notamment par "le gel des avoirs et l'interdiction d'entrer dans le territoire de l'UE".

"Nous poursuivons nos discussions pour maintenir les sanctions et entraver la Russie dans son effort de guerre", poursuit le quai.

Svetlana Mariovich n’a rien d'un un cas isolé. Des plages de Bali aux pistes de Courchevel en passant par Dubai, les proches et les familles de l’élite russe visée par les sanctions ne semblent avoir eu aucune difficulté à les contourner depuis le début de la guerre en Ukraine.

Les oligarques avaient souvent pris les devants. La détention d’un passeport d’une autre nationalité est devenue un must, le passeport israélien étant particulièrement prisé, de même que la nationalité chypriote.

Les "golden visas" accordés par les pays européens aux hommes d’affaires s’engageant à investir plusieurs millions d’euros ont rencontré un franc succès, mais sont désormais sous le coup de sanctions européennes.

Des milliardaires au double passeport

Selon une enquête du magazine Forbes publiée en 2022, 40% des 111 milliardaires nés en Russie détiennent un second passeport, et près de la moitié des milliardaires visés par les sanctions occidentales jouissent d’une double nationalité.

Ce n’est probablement pas le cas de Tatyana Naryshkina. Mais cela n’a pas empêché l’épouse de Serguei Narychkine, chef des services russes de renseignement, de passer quelques jours début avril sur la Côte d’Azur puis à Paris, comme l’a révélé Le Parisien.

"Le système européen de sanctions peut paraître solide, mais la présence de l’épouse d’un dirigeant de si haut niveau montre qu’il y a plein de trous dans le dispositif" constate dans le journal Cécile Vaissié, professeur à l’université de Rennes-II et autrice du livre Les Réseaux du Kremlin en France.

La fille de Tatyana Naryshkina, Veronika, a quant à elle pu continuer à donner libre cours à sa passion pour les destinations ensoleillées.

Article original publié sur BFMTV.com