"On se fait voler notre moment": les déplacements perturbés d'Emmanuel Macron embarrassent la majorité

Un mouvement de contestation qui s'exporte, au grand dam du chef de l'État. Emmanuel Macron achève ce mercredi sa visite d'État aux Pays-Bas, un déplacement au cours duquel il a été rattrapé par la crise sociale et politique qui touche la France depuis le début de l'année.

Pendant la traditionnelle conférence de presse tenue conjointement avec le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, il n'a pas pu échapper au sujet. Emmanuel Macron a ainsi confirmé qu'il souhaite un "échange" avec les partenaires sociaux après la décision du Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites.

"Son interview n'a pas suffi"

Le président de la République a été interpellé pas moins de trois fois en l'espace de 24 heures. Comité d'accueil mardi aux abords de l'institut Nexus où le président tenait un discours sur l'Europe, interruption de celui-ci par quelques manifestants qui ont déployé une banderole et enfin interpellation de deux personnes ce mercredi pour avoir scandé le chant populaire "On est là"... Des actions qui inquiètent au sein de la majorité.

"On paie le prix d'un manque de contact avec les Français. Ça se voit quand la sécurité est plus légère, comme c'est le cas aux Pays-Bas", remarque un député auprès de BFMTV.com.

"On voit que les gens ont envie d'entendre le président, d'avoir sa philosophie sur la réforme des retraites. On sent bien que son interview n'a pas suffi. On n'a pas purgé le sujet", note également un conseiller ministériel.

Le chef de l'État, qui multiplie les déplacements internationaux ces derniers mois, n'a eu que deux déplacements ces dernières semaines lui permettant d'aller au contact sur les retraites et de se confronter directement aux Français: au Salon de l'agriculture et au marché de Rungis. Mais le président n'échappe pas pour autant aux oppositions lors de ses autres déplacements dans l'Hexagone, en témoigne celui de la semaine dernière dans les Hautes-Alpes sur le plan eau. Des représentants de la CGT, qui lui avait prévu un "comité d'accueil", avaient été maintenus loin du président.

"On se fait voler notre moment"

Si Emmanuel Macron n'avait pas fait face à des manifestants lors de son précédent déplacement à l'étranger en Chine, les incidents de cette semaine sont regrettés par plusieurs membres de la macronie.

"C'est vraiment dommage. On a eu le temps du débat au Parlement. Il faut respecter le moment où on va parler de souveraineté européenne. On prépare l'avenir des Français avec ça. On se fait voler notre moment", juge un cadre de la majorité.

"Les équipes du président auraient pu aller à la rencontre des jeunes qui l'ont interpellé pour mettre en place un dialogue. Quand le président est contesté, il y a matière à convaincre, à dialogue. Emmanuel Macron n'est jamais aussi efficace que face à la contestation", estime un autre cadre de la majorité.

"Ces anecdotes sur la forme prennent le pas sur le fond. Ça ne fait ni avancer le sujet de la réforme des retraites ni les sujets internationaux que porte le président", regrette un ancien conseiller de l'Élysée.

"On voit trois gugus et on en fait une affaire d'État"

Les oppositions ont également sauté sur ces incidents qui sont, pour elles, du fait du "passage en force" de la réforme des retraites par l'exécutif et le chef de l'État alors qu'une douzième journée de mobilisation doit se tenir ce jeudi 13 avril. "Il passe pour un président qui n'aime pas son peuple et ça finit par se voir partout sur la planète", a estimé le député du RN Sébastien Chenu mardi soir sur BFMTV. Pour le sénateur socialiste Patrick Kanner, Emmanuel Macron "apparaît comme un président déconnecté de sa population et autoritaire en voulant imposer cette réforme coûte que coûte, c'est une mauvaise image de marque".

D'autres membres de la majorité relativisent néanmoins sur ces interpellations du président de la République, qui ne sont en rien une nouveauté. "C'est un grand classique dans les déplacements du président d'avoir une interpellation d'étudiants quand on se rend dans une université", banalise Loïc Signor, porte-parole de Renaissance pour BFMTV.com. "C'est déjà arrivé en Allemagne, en Inde, aux États-Unis..."

"Ce n'est pas la première fois", souligne également le sénateur François Patriat au micro BFMTV, "je n'en fais pas un événement majeur [...] s'il est interpellé c'est aussi parce qu'il s'exprime avec des paroles fortes et des idées fortes".

Même son de cloche du côté de l'Élysée, qui ajoute que tous les rendez-vous prévus dans l'agenda du président ont été honorés.

"Franchement, on voit trois gugus sortir une banderole et on en fait une affaire d'État. C'est l'écume des vagues d'avoir des gens pas contents qu'ils le disent quand ils en ont l'occasion", veut enfin croire un sénateur macroniste.

Article original publié sur BFMTV.com