Européennes 2024 : « sans liste sociale-démocrate, je quitte le PS »

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JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

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Stéphane Le Foll, maire du Mans, photographié en 2018 (illustration)

POLITIQUE - On nous traite d’éléphants mais ces animaux ont une grande vertu : ils ont une excellente mémoire. À vouloir gommer le passé, on va finir par le répéter. La guerre en Ukraine, la montée des nationalismes en sont les symptômes les plus inquiétants.

François Mitterrand l’avait pourtant dit avec force, dans une conclusion somptueuse de sa propre histoire. C’était à la fin de son mandat, au parlement européen, en 1995 : « le nationalisme c’est la guerre ».

À la veille des élections européennes de 2024, j’appelle tous les socialistes sincères, jeunes espoirs et cadres confirmés à se souvenir du message légué aux générations futures par François Mitterrand, pour conjurer le pire qui pourrait advenir avec la déconstruction de l’Europe.

Il faut s’engager au contraire à préserver la paix, l’acquis européen pour défendre notre planète et l’humanité, en renouant avec le progrès, la science, la culture et l’internationalisme.

C’est un formidable pari pour la jeunesse de France et celle de l’Europe. Car nous avons encore cette chance : être libres de choisir notre destin. Le Congrès du parti socialiste ne pourra pas faire l’impasse sur une question aussi cruciale pour l’avenir du socialisme français dans la social-démocratie du compromis permanent à chercher entre la liberté et l’égalité, au moment où progresse partout en France, comme ailleurs en Europe, l’extrême droite.

« La NUPES s’est fondée sur une ligne conflictuelle »

La direction du PS actuelle comme les prétendants aux postes doivent y répondre avant qu’une nouvelle tambouille électoraliste finisse par emporter, dans un accord contre nature ne pourra pas faire l’impasse sur une question aussi cruciale pour l’avenir du socialisme français dans la social-démocratie du compromis permanent à chercher entre la liberté et l’égalité, au moment où progresse partout en France, comme ailleurs en Europe, l’extrême droite.

La stratégie politique et médiatique de la NUPES s’est fondée sur une ligne conflictuelle, de rupture et de radicalité. Les affaires Quatennens et Bayou rappellent à cette alliance électorale qu’on doit respecter des valeurs et des principes. Ce sont les grandes leçons tirées de notre histoire : le respect de l’autre en toutes circonstances et l’égalité de droits. Ce qui est frappant aujourd’hui c’est que la division est évidente.

« Contrairement à Jean-Luc Mélenchon qui appelle à une « bifurcation », il y a toujours une continuité dans les solutions nouvelles qui fondent les grandes évolutions et changent le quotidien dans le temps.»

Pourtant, tout cela était prévisible tant cette alliance n’était qu’une alliance électoraliste sans base politique et idéologique solide. En effet, la matrice de ce que nous connaissions à gauche aujourd’hui remonte à la fracture profonde provoquée par la fronde et l’affirmation par Manuel Valls des gauches irréconciliables. Cela a conduit au renoncement d’un président sortant.

Une partie de la gauche s’est alors sentie plus légitime que ceux qui avaient exercé le pouvoir. Au cœur de l’idée de la NUPES il y a cette idée d’incarner « la vraie gauche » et que pour l’incarner il faut être radical. Cette gauche française se veut l’héritière du mythe révolutionnaire et de l’idéal, quand la gauche que je défends cherche l’équilibre entre l’idéal et le réel.

L’idée qu’une avant-garde organisée, puissante, radicale pouvant emporter un peuple et un pays est toujours vivace chez Jean-Luc Mélenchon. Il oublie que cette logique de l’avant-garde fonctionne dans un cadre révolutionnaire pas dans une cadre démocratique car une nation accepte certains changements mais refuse d’être amputée des acquis qui font son histoire et son présent.

Contrairement à Jean-Luc Mélenchon qui appelle à une « bifurcation », il y a toujours une continuité dans les solutions nouvelles qui fondent les grandes évolutions et changent le quotidien dans le temps.

Ainsi, avant de se lancer à corps perdu dans un soi-disant référendum sur les super profits en France, soufflé à l’initiative d’Olivier Faure par la France insoumise, on devrait plutôt soutenir la solution de la présidente de la commission européenne Ursula Van Der Layen et le faire au niveau européen avec le plafonnement des prix de l’énergie.

L’Europe est dans ce domaine, comme dans d’autres, un atout contrairement à ce que pensent l’extrême gauche, les souverainistes de tout poil et les nationalistes.

D’autre part, si on devait appliquer le programme de la NUPES, alors nous engagerions des dépenses publiques considérables de plus de 240 milliards d’euros par an qui, sans une croissance exceptionnelle, conduirait inéluctablement à la catastrophe économique et sociale et à une crise européenne.

« Le souverainisme et l’obsession antieuropéenne sont des choix politiques du passé. C’est d’ailleurs le fond du clivage qui apparaît de plus en plus avec le rapport à Vladimir Poutine qui fascine ou suscite l’indulgence des souverainistes et des nationalistes. »

Ce programme est en totale contradiction avec la sobriété et la décroissance prônées par EELV, de même que la sortie de la production et de la consommation de masse défendue par la France insoumise. Quant au parti socialiste, on ne sait pas ce qu’il pense. L’appel de Jean-Luc Mélenchon à la désobéissance européenne est un contresens historique et politique.

« Le suivisme suicidaire d’Olivier Faure »

Pour moi, la question européenne est donc une question cruciale pour l’avenir de la gauche et de la France. Soit on se souvient des leçons de François Mitterrand, soit on continue le suivisme suicidaire d’Olivier Faure qui souhaite déjà un candidat unique de la NUPES pour 2027.

François Mitterrand avait déjà tiré toutes les conclusions de l’impasse d’un tel programme antieuropéen. Son engagement profond pour la construction européenne marqua l’histoire et je reste attaché à cet héritage.

L’Europe est essentielle, au nom de la paix d’abord car la guerre est à nouveau à la frontière de l’Europe et menace nos valeurs démocratiques et les droits de l’Homme. Elle l’est aussi au nom de la transition énergétique car pour changer nos modèles énergétiques il va falloir investir massivement sur l’ensemble du continent et dans le monde.

Elle l’est enfin au nom d’une nouvelle politique de coopération et de voisinage vis-à-vis de la Méditerranée et de l’Afrique, indispensable au développement de ce continent et à la maîtrise de l’émigration.

Le souverainisme et l’obsession antieuropéenne sont des choix politiques du passé. C’est d’ailleurs le fond du clivage qui apparaît de plus en plus avec le rapport à Vladimir Poutine qui fascine ou suscite l’indulgence des souverainistes et des nationalistes, qui engage la mobilisation générale et évoque l’hypothèse de l’utilisation de l’arme nucléaire, perpétue des atrocités.

Ceci devrait faire réfléchir sur l’impasse du nationalisme belliqueux. Vladimir Poutine à Vladivostok disait que personne ne pourra isoler la Russie ; c’est vrai, c’est la Russie qui s’isole toute seule.

Mais le programme de la NUPES renvoie à beaucoup d’autres incohérences qui risquent de nous diriger vers le mur de l’intolérance. Les dernières divergences politiques entre Fabien Roussel, à la fête de l’Huma, et le reste de la NUPES en sont un symptôme.

« Tout concourt au final à décrire une alliance électorale opportuniste avec des fondements idéologiques contestables, décalés et surtout fragiles. »

Dire qu’on préfère le travail aux « allocs », c’est oublier que le programme de la NUPES promet le revenu universel, les 32 heures sans qu’une seule fois ne soit posée la question de savoir si cela répond à une demande sociale du monde ouvrier et des classes populaires que j’appelle « insécurisées ». La gauche doit repenser complètement son rapport au travail, c’est ça l’enjeu.

Les incohérences se confirment quand Sandrine Rousseau lance un débat sur la consommation de viande et la virilité ou sur les questions régaliennes, dans le rapport à l’ordre, à la police, à l’État qui sont des questions essentielles pour les couches populaires. Le refus des organisations syndicales de participer à la grande marche d’octobre montre bien toutes ces fragilités. Tout concourt au final à décrire une alliance électorale opportuniste avec des fondements idéologiques contestables, décalés et surtout fragiles.

La social-démocratie porte au plus profond de son message, l’équilibre entre la liberté et l’égalité sans lequel il n’y a pas de fraternité. Jean Jaurès avait pu dire que le socialisme démocratique c’est la république jusqu’au bout, il faut réhabiliter cette grande idée.

Car en Europe aujourd’hui à gauche, seule la social-démocratie résiste face à l’alliance entre les droites et l’extrême droite. A un moment où l’extrême gauche s’efface (Podemos, Die Linke…) il faut en 2024 une liste aux élections européennes qui s’inscrive dans cette famille sociale-démocrate incompatible avec un accord entre le PS et la LFI.

C’est ce que j’ai défendu à Arnage lors d’une première initiative politique et que je porte aujourd’hui en soutenant la démarche de Bernard Cazeneuve.

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