Espagne-Angleterre en finale de Coupe du monde : pour Jorge Vilda et les Espagnoles, un goût déjà amer avant le résultat

Les joueuses espagnoles lors de leur victoire en demi-finale contre la Suède, le 15 août 2023.
Les joueuses espagnoles lors de leur victoire en demi-finale contre la Suède, le 15 août 2023.

FOOTBALL - C’est l’une des surprises du mondial de foot en Australie et en Nouvelle-Zélande. Pour la première fois de son histoire, l’équipe féminine espagnole va disputer la finale de la Coupe du monde, ce dimanche 20 août contre l’Angleterre. C’est pourtant avec une certaine amertume que l’échéance approche : en cause des semaines de compétitions marquées par un ambiance souvent très froide entre l’entraineur et ses joueuses.

Un tweet de la journaliste espagnole Anaïs López Gómez résume la situation. « Vous avez 23 femmes qui feront l’histoire demain, et qui se sont battues pour briser les barrières sociales établies depuis des siècles. Elles et leurs prédécesseures ont changé l’histoire, et maintenant les filles peuvent être joueuses de football », souligne-t-elle ce samedi 19 août.

Or, « qui les deux grands médias mettent-ils en couverture », se lamente Anaïs López Gómez en partageant les « Unes » des journaux sportifs As et Marca ? Réponse : Jorge Vilda, le sélectionneur de l’équipe depuis 2015 et qui est très loin de faire l’unanimité.

Comme vous pouvez le voir dans le tweet ci-dessus, la couverture du premier quotidien met en avant l’entraîneur avec la citation : « Je n’ai jamais douté de notre équipe. » Même stratégie pour le second, où Jorge Vilda remplit la page avec une autre citation : « Ça me fait du mal qu’on remette en cause mon honorabilité. »

La rébellion de « Las 15 »

Cette dernière phrase fait directement référence à la polémique qui entoure l’équipe d’Espagne depuis plusieurs mois et en particulier le sélectionneur qui n’a gagné aucun titre majeur avec ses joueuses. Malgré les échecs de l’Euro 2017 (élimination en quarts), de la Coupe du monde 2019 (élimination en huitièmes), et de l’Euro 2022 (élimination en quarts), il est maintenu à la tête de la sélection.

Une quatrième chance lui a en effet été donnée pour le mondial en Océanie. Mais en septembre 2022, pas moins de 15 joueuses, dont des cadres historiques comme la défenseuse Mapi León, ont renoncé à être sélectionnées après des « évènements survenus dans l’équipe » qui ont affecté « considérablement (leur) état émotionnel et donc (leur) santé ».

Dans ces courriers envoyés à la Fédération de foot espagnole (RFEF), Jorge Vilda n’est pas nommé et pourtant, c’est bien de lui et de son comportement jugé problématique dont il s’agit. Parmi les plaintes : le manque de repos, le manque de nutritionniste, le manque d’analyse des matchs, le non-respect de la vie privée ou encore la mauvaise qualité des entraînements.

La Fédération espagnole soutient Jorge Vilda

Cette crise, inédite à ce niveau, a menacé l’émergence de l’Espagne comme puissance du foot féminin, portée notamment par les investissements récents du FC Barcelone, vainqueur de la dernière Ligue des champions, ou du Real Madrid. Mais plutôt que de remercier son sélectionneur, comme l’a fait la France en déposant Corinne Diacre, l’Espagne a apporté tout son soutien à Jorge Vilda.

Finalement à l’approche du Mondial, plusieurs des frondeuses surnommées « Las 15 » ont fait machine arrière et ont demandé à réintégrer l’équipe après des concessions accordées par la RFEF. Aitana Bonmatí, Mariona Caldentey et Ona Batlle ont ainsi été sélectionnées tandis que d’autres sont restées au vestiaire ou ont simplement décidé de continuer leur boycott, à l’image de Mapi León.

Jorge Vilda a pour sa part défendu sa légitimité à travers des résultats exceptionnels pour une équipe qui n’en est qu’à sa troisième participation à une Coupe du monde. L’Espagne a ainsi éliminé la Suisse (5-1) en huitièmes, puis les Pays-Bas finalistes en 2019 (2-1 a.p.), et enfin la Suède (2-1) en demi-finale.

Les Espagnoles veulent « soulever la coupe »

Interrogé ce samedi, à la veille de la finale, sur l’ambiance délétère au sein de la Roja, Jorge Vilda a évacué : « Question suivante s’il-vous-plait. » Et d’assurer : « Depuis le début, les joueuses sont unies, elles travaillent. On est ensemble et on va le démontrer demain. »

La réalité est toutefois différente. Le sélectionneur de 42 ans semble plutôt être mis à l’écart par le groupe, en témoignent les images prises après la victoire contre les Pays-Bas que vous pouvez voir ci-dessous. Pendant que toutes se congratulent et sautent dans les bras du staff, Jorge Vilda est complètement ignoré.

Malgré ce contexte particulier, l’Espagne veut se concentrer sur la victoire. Avant la demi-finale, la milieu de terrain Irene Guerrero a reconnu que la « fronde des 15 » avait été un moment « très dur », mais qu’elle appartenait « au passé ». Désormais, a-t-elle assuré, « nous sommes très concentrées sur ce qui nous unit, sur ce qui nous attend, sur l’esprit de cette équipe (...). Je me vois avec toutes mes coéquipières en train de soulever la coupe. » Jorge Vilda sera-t-il associé à cette potentielle victoire ?

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