Entre la Chine et Taïwan, pourquoi les tensions sont permanentes

Une voiture avec un drapeau chinois avec vue sur le détroit de Taẅain, où se sont déroulés des exercices militaires du 8 au 10 avril 2023.
Une voiture avec un drapeau chinois avec vue sur le détroit de Taẅain, où se sont déroulés des exercices militaires du 8 au 10 avril 2023.

INTERNATIONAL - Navires de guerre, simulations de bombardements, tirs à balles réelles et menaces... Les relations déjà difficiles entre la Chine et Taïwan se sont un peu tendues lors d’exercices militaires menés par Pékin du 8 au 10 avril autour de l’île qu’elle revendique comme son propre territoire.

La visite de la présidente taïwanaise Tsai Ing-Wen à Washington début avril a provoqué cette énième colère de la Chine, qui a d’ailleurs attendu la fin de la visite d’Emmanuel Macron à Pékin pour lancer ses manœuvres.

D’où vient cette inimitié de longue date entre les deux territoires ? Que viennent faire les États-Unis dans cette histoire ? Une guerre est-elle à craindre ? Le HuffPost fait le point.

• Pourquoi des tensions récurrentes entre la Chine et Taïwan ?

Les frictions entre Pékin et Taïwan remontent à beaucoup plus loin que la crise actuelle. Il faut en effet revenir à 1949. Cette année-là, le communiste Mao Zedong arrive au pouvoir en renversant le gouvernement dirigé par le Kuomintang, le parti nationaliste. La République populaire de Chine (RPC) est alors proclamée sur le continent, pendant que le Kuomintang de Tchang Kai-Tchek se réfugie sur l’île de Taïwan et crée la République de Chine. Depuis, chaque territoire revendique être la « vraie » Chine.

La Chine et Taïwan sont séparées par le détroit de Taïwan, où les tensions sont permanentes.
La Chine et Taïwan sont séparées par le détroit de Taïwan, où les tensions sont permanentes.

Cette situation a des conséquences au niveau international. Pour Pékin, qui considère l’île comme sa 23e province, impossible pour un pays tiers d’avoir des relations diplomatiques à la fois avec la Chine et avec Taïwan. C’est pourquoi aujourd’hui, seuls 13 pays reconnaissent Taïwan officiellement, notamment le Paraguay ou Haïti.

Ces dernières années, de plus en plus de capitales choisissent de se tourner vers la Chine au vu de son importance grandissante sur la scène mondiale. Le dernier en date est le Honduras, qui a annoncé en mars dernier son intention de se rapprocher de Pékin alors qu’il entretenait jusque-là des relations avec Taïwan. À l’ONU, cette dernière a également perdu son siège au profit de la Chine en 1971, date à laquelle les pays membres de l’organisation ont finalement reconnu la RPC.

• Pourquoi les États-Unis s’en mêlent ?

La proximité entre Washington et Taïwan n’est pas un secret. En 1949, les États-Unis soutiennent le Kuomintang face à la Chine devenue communiste. L’année suivante, Taïwan devient l’allié des États-Unis, qui mène une guerre contre la Chine en Corée. Washington déploie notamment une flotte dans le détroit de Taïwan pour protéger son nouvel allié d’une possible attaque.

Mais en pleine Guerre froide et alors qu’il paraît clair que le Kuomintang ne reprendra jamais le pouvoir sur le continent, les États-Unis changent de stratégie et décident de se rapprocher de la RPC. Les relations diplomatiques sont alors officiellement coupées avec Taïwan, et Washington reconnaît la Chine communiste en 1979.

Officieusement en revanche, les Américains soutiennent toujours l’île via le Taïwan Relations Act. Cette loi, signée la même année, autorise notamment aux États-Unis d’armer son allié sans garantir une intervention militaire en cas d’invasion par la Chine. C’est la politique d’« ambiguïté stratégique ».

Cette dernière serait-elle remise en cause ? À plusieurs reprises ces derniers mois, le président Joe Biden a affirmé que les États-Unis défendraient militairement Taïwan si Pékin envahissait l’île. De quoi déclencher quelques sueurs froides au sein de l’administration américaine, qui s’est empressée d’assurer que la politique américaine « n’a(vait) pas changé du tout ».

Malgré tout aujourd’hui, « on est quasiment sûr que les États-Unis interviendraient dans le cas d’une invasion de Taïwan par la Chine », a estimé dans une interview accordée à Marianne le général Michel Goya, spécialiste militaire.

• Peut-on craindre une guerre ?

Depuis plus de 70 ans, les périodes de tension faisant craindre un conflit armé sont nombreuses voire permanentes. Parmi elles, la première crise du détroit de Taïwan de 1954, la deuxième de 1958 et la troisième de 1995 sont entrées dans l’histoire. En 2022, c’est la visite à Taïwan de la présidente de la Chambre des Représentants américaine Nancy Pelosi, 3e personnage de l’État, qui a fait trembler la planète.

En réponse à sa venue maintenue malgré les multiples menaces, Pékin a déclenché des manœuvres militaires d’ampleur. « C’est un épisode sans précédent. La Chine est encore plus proche de Taïwan que les tirs de missile lors de la crise de 1996 », avait alors expliqué au HuffPost Marc Julienne, responsable des activités Chine à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Au bout de quelques semaines, la tension est finalement retombée.

Maintenant, les experts s’interrogent. Malgré la supériorité numérique non négligeable de la Pékin, « c’est encore peu probable (qu’il y ait une guerre). La Chine n’est absolument pas prête et les États-Unis sont engagés derrière la défense de Taïwan », estimait Stéphane Corcuff, chercheur au Centre d’études français sur la Chine contemporaine, dans Le Monde lors de la crise provoquée par l’arrivée de Nancy Pelosi sur le sol taïwanais.

« Je pense qu’il ne faut pas nier les vertus pacificatrices de l’interdépendance économique », soulignait aussi de son côté l’historien Philippe Grosser dans La Croix après les manœuvres militaires de ce mois d’avril 2023. « Aucun des deux pays n’a envie de faire la guerre à l’autre », affirmait-il. Avant d’ajouter : « Mais parfois, malgré tout, ça arrive. La crise à Taïwan cet été et l’épisode du ballon [supposé espion et qui a survolé le territoire américain, NDLR] montrent que les tensions sont vives, et pourraient dégénérer ». L’incertitude est de mise.

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