Emmanuel Macron rejoue sa « Révolution »… jusqu’au 14 juillet

POLITIQUE - « Je veux une France efficace, juste, entreprenante où chacun choisit sa vie et vit de son travail. Une France réconciliée qui considère les plus faibles ». Voilà ce qu’écrivait le candidat Emmanuel Macron, dans son livre Révolution, paru en 2016 aux éditions XO.

Six ans plus tard, acculé par une réforme des retraites impopulaire et contestée qui lui colle aux basques depuis trois mois, il reconnaît : « Cette réforme est-elle acceptée ? À l’évidence, non » et constate : « Le travail pour beaucoup de Français ne permet plus de bien vivre ».

Cette fois-ci, ce serait donc la bonne ? Ce lundi 17 avril, Emmanuel Macron a pris la parole pendant treize minutes, depuis l’Élysée, pour tirer les leçons de la séquence des retraites qui vient de franchir une étape décisive le 14 avril avec la validation de l’essentiel du texte par le Conseil constitutionnel.

C’est bien par là qu’Emmanuel Macron a commencé, assis devant une fenêtre donnant sur les jardins, deux cadres à photos mordorés posés devant lui. « Je l’ai donc logiquement promulguée », a-t-il asséné, dès la seconde phrase de son intervention, battant en brèche toutes les critiques sur son choix précipité et nocturne. Et dans un euphémisme, afin de clore la séquence, « les évolutions prévues par cette loi entreront en vigueur progressivement à partir de l’automne », pour évoquer l’allongement progressif de la durée de travail de deux ans qui concentre les critiques.

Sentiment de déjà-vu

Pour répondre à cette « colère », qu’il dit avoir « entendue », le président Emmanuel Macron ressort les vieilles recettes. Celles qu’il a déjà proposées lors de son intervention du 13h de TF1 et France 2 le 22 mars, lors de ses vœux le 31 décembre 2022 ou dès les premiers mois de son élection. Il se donne cent jours, jusqu’au 14 juillet, pour mener à bien - sans changement de Première ministre annoncé - trois « grands chantiers ». D’abord un « nouveau pacte de la vie au travail », avec les réformes du RSA et des lycées professionnels - déjà annoncées - mais aussi afin d’« améliorer les revenus, faire progresser les carrières, mieux partager la richesse, améliorer les conditions de travail ». Autant de mesures qui pourraient satisfaire les syndicats, mais ces derniers préparent une mobilisation « massive » le 1er mai et n’entendent pas franchir la porte de l’Élysée avant cette date, au moins pour la CFDT, « meurtrie » par la séquence, selon Laurent Berger, sur BFMTV, lundi soir.

Le second chantier, très peu détaillé lui aussi, sera de « rénover l’ordre républicain et démocratique », prenant pour exemple la convention citoyenne, déjà effectuée, sur la fin de vie. Le troisième, pompeusement appelé « pour le mieux vivre » concerne la santé et l’éducation, deux priorités de la rentrée 2022 qui sont donc toujours sur le haut de la pile.

En 2016, Emmanuel Macron intitulait le chapitre 8 de son livre « Éduquer tous nos enfants ». « Les enseignants se battent dans l’indifférence d’un système bureaucratique qui ne sait plus reconnaître ni leurs efforts ni leur mérite », se lamentait le candidat Macron. À l’aube de son second mandat, il proclame : « Les enseignants seront mieux rémunérés, les élèves mieux accompagnés dès la rentrée prochaine ».

En 2016, il promettait, au fil des pages, une « nouvelle écologie », dont il a aussi fait la valeur cardinale de l’entre-deux-tours 2022. Ce lundi, s’il assure se préparer aux « sécheresses estivales », il oublie qu’elles sont désormais printanières et n’a pas eu un mot pour l’incendie déclenché dans les Pyrénées-Orientales la veille qui a détruit 950 hectares.

Affirmatif, le président espère lundi « que les inégalités de départ soient mieux corrigées, que les vies soient moins empêchées ». Un refrain déjà joué en 2017 quand il faisait de « l’assignation à résidence » la pierre angulaire de son programme politique. « C’est le grand projet que je porte devant vous : retrouver l’élan de notre nation », a-t-il promis ce lundi soir. Un mantra qui n’est pas sans rappeler le célèbre « C’est notre projet » du meeting de la Porte de Versailles à Paris en janvier 2017. « Portez-le, ce projet », usait-il sa voix, avant de conclure… Et de remporter la campagne.

Un refrain déjà joué… En 2016

« Au moment où nous devons relever le défi du changement climatique, des désordres géopolitiques, de la révolution technologique… », a énuméré le président pour emmener les Français ce 17 avril. Comme un écho. Car déjà, en 2016 : « Nous sommes entrés dans une ère nouvelle. La mondialisation, le numérique, les inégalités croissantes, le péril climatique, les conflits géopolitiques et le terrorisme, l’effritement de l’Europe, la crise des sociétés démocratiques, le doute qui s’installe au cœur de notre société ». Six ans plus tard, percuté par des manifestations jusqu’à ce soir d’allocution où les casseroles ont résonné devant les mairies du pays, il maintient, comme il y a dix jours dans l’avion qui le ramenait de Chine, qu’il n’y aurait « pas de crise démocratique ».

À propos des villes moyennes et de la ruralité, le Macron candidat claironnait : « Ce sentiment d’abandon est-il une fatalité ? Je ne le crois pas ». Six ans plus tard, il fredonne encore : « Face à cette colère, à ce sentiment d’abandon ou de déclassement, nous devons agir ensemble ». « Si nous voulons avancer, il nous faut agir », écrivait-il dans le même paragraphe en 2016.

Le président a certes mis en avant son bilan, « 1,7 million d’emplois pour notre pays en six ans », la réindustrialisation en cours, la France comme l’un pays les plus attractifs d’Europe ou les fameux restes à charge zéro pour les soins dentaires ou auditifs qui datent déjà de son premier mandat.

Si le président Macron veut sortir de l’impasse, peut-être lui faut-il écouter le candidat qu’il était en 2016 : « Nous ne pouvons pas non plus demander aux Français de faire des efforts sans fin en leur promettant la sortie d’une crise qui n’en est pas une. De cette attitude indéfiniment reprise depuis trente ans par nos dirigeants viennent la lassitude, l’incrédulité et même le dégoût ». Il aura lui-même prévenu.

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