Eddy de Pretto parle d’amour comme jamais dans son nouvel album, et pour lui c’est tout sauf futile

Eddy de Pretto, ici au mois de septembre 2022, à Deauville.
Sylvain Lefevre / WireImage Eddy de Pretto, ici au mois de septembre 2022, à Deauville.

MUSIQUE - Eddy de Pretto n’est plus à présenter, mais a, lui, toujours des choses à nous raconter. Ce vendredi 17 novembre, le chanteur français de 30 ans découvert en 2018 avec ses titres Kid et Fête de trop, est de retour avec la sortie de son troisième et dernier disque en date, CRASH COEUR. Loin de ses deux précédents albums (Cure et À tous les bâtards) qu’il a passés à bâtir son identité, celle d’un jeune homme gay, roux, originaire de banlieue, cherchant à se défaire des codes de la masculinité et à renverser les stigmates qui l’ont longtemps victimisé, Eddy de Pretto parle désormais d’amour.

Ce Kama-sutra préfacé par Eddy de Pretto est un peu différent des autres

Exit les sujets sociétaux. Bonjour les sonorités R’n’B, les chansons aux titres évocateurs (LOVE’n’TENDRESSE, MENDIANT DE LOVE, personne pour l’hiver) et les refrains sensuels, sexy ou tout simplement tendres.

Comme certains (et rares) nouveaux artistes francophones ouvertement homosexuels l’ont fait avant lui (à l’image de Bilal Hassani, Sébastien Delage, Thibaut Pez, Nicolas Maury ou Lucky Love), Eddy de Pretto nous chante, ici, ses histoires de cœur avec les hommes (dont un fictif « suggar daddy »). Et ce, en bien comme en mal.

Le HuffPost : Le béguin, le manque, la solitude… C’est la première fois de votre carrière qu’on vous entend chanter autant sur l’amour et ses sentiments, non ?

Eddy de Pretto : C’est bien le cas. C’est la première fois que je m’octroie cette recherche de bonheur et d’amour ultime. Et ça passe par des épreuves, comme en témoignent les ruptures - même musicales - sur cet album.

J’avais envie d’exprimer que l’amour, ce n’est pas toujours tout rose. On se prend des murs. Mais quand bien même, on tente de tenir au jour le jour. C’est aussi le reflet de cet équilibriste à l’intérieur de moi, cette quête fatale pour échapper au crash de la vie ou de l’amour. Je me suis autorisé à parler de moi, chose qui pouvait me paraître futile ou naïve avant.

Vous trouvez ça plus léger d’écrire sur l’amour que sur la masculinité ou la laideur du monde ?

Je viens d’une famille où l’on ne parlait ni d’amour ni de tendresse. J’ai encore du mal, aujourd’hui, à accepter l’amour de mes proches. C’est un travail du quotidien et des thérapies hebdomadaires.

Ce n’est pas parce que je parle, ici, d’amour que ça va être que « cui-cui les petits oiseaux ». J’ai voulu raconter mon amour à moi, mes sentiments, mes questionnements. C’est un amour parfois sensuel et sexuel, parfois un peu toxique, sale ou dégoulinant. Ça n’en fait ni un album mièvre ou futile.

Vous évoquez, ici, vos histoires d’amour avec des hommes. Ce qui est plutôt rare dans la chanson française, dont les textes parlent le plus souvent d’un homme avec une femme.

On est dans une société majoritairement hétérosexuelle. On a donc plus de représentations hétérosexuelles qu’homosexuelles, c’est sûr. J’ai moi-même baigné toute ma vie dans des chansons d’amour hétérosexuelles. J’y ai cru et ça m’a fait rêver, mais je ne suis pas devenu pour autant hétéro.

Le sujet des amours homosexuels n’est pas plus fermé. Il est ouvert à la perspective de qui peut se projeter dans les paroles. Mon but, en tant qu’artiste populaire, c’est de tendre la main à des gens, de leur faire du bien, de les laisser entendre et se poser des questions.

À l’étranger, des artistes comme Lil Nas X, Troye Sivan, Sam Smith et Omar Apollo chantent, eux aussi, leur amour des hommes ouvertement. C’est encourageant ?

Il y a de plus en plus de représentations. Elles sont de plus en plus plurielles. Et ça, c’est cool parce que ça amène un sous-texte, celui que ce n’est pas une voix par communauté. Ce n’est pas parce qu’ils sont tous gays qu’ils pensent et chantent la même chose.

En revanche, les représentations ne sont ni en masse ni explosives. L’industrie musicale est encore beaucoup plus représentée par l’hétérosexualité que par les petits génies qui explosent.

Dans l’industrie du cinéma français, Muriel Robin a parlé de la stigmatisation à l’égard des lesbiennes, mais aussi des homosexuels. Quid de l’industrie de la musique : vous a-t-on un jour demandé de ne pas parler de votre homosexualité ?

Comme je suis le moteur de ma carrière et le top départ d’un mot, d’une énergie ou d’un album, je n’ai jamais ressenti ça. J’ai écrit mes textes dans ma chambre. Ils viennent de moi. Personne ne m’a interdit de dire quoi que ce soit, là où un acteur ou une actrice doit souvent exprimer le regard d’un réalisateur.

Et encore, dans la musique, ça dépend aussi des artistes. On n’est pas les mêmes en sortant d’un télécrochet, notamment après avoir signé un contrat qui veut nous faire suivre une stratégie marketing et nous donner une image précise.

Après la sortie de votre 2e album, vous avez montré votre propre label indépendant : Otterped Records. Otterped, comme « auteur ped » (diminutif de « pédé ») ?

C’est « de Pretto » à l’envers. C’est pas fou ? Ce n’est pas moi qui le dis, c’est mon nom qui le revendique. Je rasais les murs du lycée, mais aujourd’hui, je suis fier d’être qui je suis. Le thème de mon second album portait justement sur le fait de retourner les stigmates pour en faire une force. Et de pouvoir assumer nos bizarreries pour en faire une force, là où il nous avait victimisé toutes ces années.

Ce label est pensé d’une manière autonome, en fonction de nos envies, loin d’une approche budgétaire raccourcie ou d’autres réalités sombres, comme par le passé. Aussi, je ne vais signer que des auteurs homosexuels, hommes et femmes. L’émotion n’a pas de genre.

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