Droit du sol, binationaux : inédites depuis Vichy, les propositions de Jordan Bardella inquiètent

S’il accède à Matignon, Jordan Bardella veut exclure les "binationaux" des postes sensibles de l’État, liés par exemple aux secteurs de la sécurité ou de la défense. Une proposition coup de poing qui a fait réagir.

Retrait du droit du sol, interdiction des
Retrait du droit du sol, interdiction des "postes sensibles" aux binationaux... Ce lundi matin, Jordan Bardella annonçait plusieurs mesures du RN en cas de victoire aux législatives (Photo JULIEN DE ROSA / AFP)

S’il est désigné premier ministre à l'issue des législatives, Jordan Bardella assure que les « postes stratégiques », notamment à la Défense, seront refusés aux binationaux. Ce midi, alors qu’il présentait les mesures du Rassemblement National, le chef de file de l’extrême droite a choqué.

"Je confirme que les postes les plus stratégiques de l’État seront réservés aux citoyens français et aux nationaux français. Pour une raison très simple, c’est qu’il y a des postes stratégiques liés aux secteurs de la sécurité ou de la défense qui sont des secteurs par définition stratégiques et les réserver aux citoyens français"

"De l'antirépublicanisme à l'état pur", une "ségrégation imposée" aux yeux de la gauche

"Je ne sais du tout le monde se rend bien compte de ce que cela signifie", a immédiatement réagi la députée sortante Sandrine Rousseau, comme d’autres figures de la gauche, dont l’ex-président du PS à l’Assemblée nationale Boris Vallaud, le sénateur communiste Pierre Ouzoulias ou Marine Tondelier, secrétaire d'EELV.

À l’extrême-droite, Sébastien Chenu a quant à lui appuyé la proposition de Jordan Bardella sur TF1, peu avant la prise de parole de son chef de parti :

"Nous, ce que nous jugeons, c'est la nationalité : vous êtes français ou vous n'êtes pas français. Lorsque vous êtes français, vous avez les mêmes droits que n'importe quel Français, y compris lorsque vous avez été français par naturalisation dans le passé (…). Il sera probablement moins facile d'être français"

Avec le retrait du droit du sol, que le président du RN évoquait quelques minutes plus tôt, il s’agirait d’une des mesures que la France n’a pas connu depuis le régime de Vichy. "Une telle disposition, contraire au caractère républicain du gouvernement et à l’ensemble de nos engagements internationaux, changerait la nature même de notre Constitution", a averti Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes auprès du Monde ce 22 juin.

"C’est simple, ce type de mesure n’a été instauré que sous [le régime collaborationniste de] Vichy [1940-1944], quand la fonction publique était réservée aux personnes d’ascendance française, dont le père était français"

Ce matin, Jordan Bardella évoquait également, s’il accédait à Matignon, la suppression du droit du sol : un principe fondamental, apparu en 1515 en France et consacré par le Code civil en 1804, qui permet à un enfant né en France de parents étrangers d’acquérir la nationalité française sous conditions. Une autre première depuis Vichy.

"Ce droit du sol républicain, progressif et conditionnel, est tellement au fondement de notre identité nationale que même le régime de Vichy l’a maintenu dans le projet de réforme de la nationalité qu’il avait préparé", a souligné l’historien Patrick Weil dans un article du Monde du 22 juin.

Aujourd'hui en France, près de 5 millions d'emplois des secteurs public et privé demeurent fermés aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne (mais pas au binationaux), selon un rapport du Défenseur des droits (professions judiciaires, médecins, chirurgiens-dentistes mais aussi la Défense et la police…). D’autres emplois, eux, nécessitent uniquement d’avoir un diplôme français, sans forcément avoir la nationalité française.