Droit du sol, binationaux : inédites depuis Vichy, les propositions de Jordan Bardella inquiètent
S’il accède à Matignon, Jordan Bardella veut exclure les "binationaux" des postes sensibles de l’État, liés par exemple aux secteurs de la sécurité ou de la défense. Une proposition coup de poing qui a fait réagir.
S’il est désigné premier ministre à l'issue des législatives, Jordan Bardella assure que les « postes stratégiques », notamment à la Défense, seront refusés aux binationaux. Ce midi, alors qu’il présentait les mesures du Rassemblement National, le chef de file de l’extrême droite a choqué.
"Je confirme que les postes les plus stratégiques de l’État seront réservés aux citoyens français et aux nationaux français. Pour une raison très simple, c’est qu’il y a des postes stratégiques liés aux secteurs de la sécurité ou de la défense qui sont des secteurs par définition stratégiques et les réserver aux citoyens français"
Jordan Bardella confirme que "les postes les plus stratégiques de l'État seront réservés aux citoyens français" pic.twitter.com/JDiG4wNKJG
— BFMTV (@BFMTV) June 24, 2024
"De l'antirépublicanisme à l'état pur", une "ségrégation imposée" aux yeux de la gauche
"Je ne sais du tout le monde se rend bien compte de ce que cela signifie", a immédiatement réagi la députée sortante Sandrine Rousseau, comme d’autres figures de la gauche, dont l’ex-président du PS à l’Assemblée nationale Boris Vallaud, le sénateur communiste Pierre Ouzoulias ou Marine Tondelier, secrétaire d'EELV.
À l’extrême-droite, Sébastien Chenu a quant à lui appuyé la proposition de Jordan Bardella sur TF1, peu avant la prise de parole de son chef de parti :
"Nous, ce que nous jugeons, c'est la nationalité : vous êtes français ou vous n'êtes pas français. Lorsque vous êtes français, vous avez les mêmes droits que n'importe quel Français, y compris lorsque vous avez été français par naturalisation dans le passé (…). Il sera probablement moins facile d'être français"
Les postes stratégiques interdits aux binationaux. Je ne sais du tout le monde se rend bien compte de ce que cela signifie. https://t.co/A2ty6yYfRL
— Sandrine Rousseau (@sandrousseau) June 24, 2024
En République, c'est l'excellence d'un parcours qui permet de devenir ministre ou haut-fonctionnaire, pas la "pureté" d'un arbre généalogique.
Le Rassemblement national n'a pas changé.
Que ceux qui mettent plus d'énergie à combattre la gauche que l'extrême-droite se réveillent. https://t.co/xPaRSRe8uR— Boris VALLAUD (@BorisVallaud) June 24, 2024
De l'antirépublicanisme à l'état pur.
Le RN épouse une vision ethnique de la Nation et distingue les bons des mauvais Français selon leurs origines.
Il ne semble plus si loin le temps où Barrès écrivait : "Que Dreyfus est capable de trahir, je le conclus de sa race." https://t.co/nm5EoB4V9M— Pierre Ouzoulias (@OuzouliasP) June 24, 2024
Ségrégation [Définition]
Séparation imposée, de droit ou de fait, d'un groupe social d'avec les autres.
Exemple : Ségrégation raciale (apartheid). https://t.co/JFqvXgzqZo— Marine Tondelier (@marinetondelier) June 24, 2024
Une première depuis le régime de Vichy
Avec le retrait du droit du sol, que le président du RN évoquait quelques minutes plus tôt, il s’agirait d’une des mesures que la France n’a pas connu depuis le régime de Vichy. "Une telle disposition, contraire au caractère républicain du gouvernement et à l’ensemble de nos engagements internationaux, changerait la nature même de notre Constitution", a averti Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes auprès du Monde ce 22 juin.
"C’est simple, ce type de mesure n’a été instauré que sous [le régime collaborationniste de] Vichy [1940-1944], quand la fonction publique était réservée aux personnes d’ascendance française, dont le père était français"
... tout comme le retrait du droit du sol
Ce matin, Jordan Bardella évoquait également, s’il accédait à Matignon, la suppression du droit du sol : un principe fondamental, apparu en 1515 en France et consacré par le Code civil en 1804, qui permet à un enfant né en France de parents étrangers d’acquérir la nationalité française sous conditions. Une autre première depuis Vichy.
"Ce droit du sol républicain, progressif et conditionnel, est tellement au fondement de notre identité nationale que même le régime de Vichy l’a maintenu dans le projet de réforme de la nationalité qu’il avait préparé", a souligné l’historien Patrick Weil dans un article du Monde du 22 juin.
Législatives: Bardella confirme sa volonté de supprimer le droit du sol, qui "ne se justifie plus"https://t.co/p08QIAX0Rj pic.twitter.com/CDvztgcUOE
— BFMTV (@BFMTV) June 24, 2024
Des secteurs de métier déjà fermés aux étrangers, mais pas au binationaux
Aujourd'hui en France, près de 5 millions d'emplois des secteurs public et privé demeurent fermés aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne (mais pas au binationaux), selon un rapport du Défenseur des droits (professions judiciaires, médecins, chirurgiens-dentistes mais aussi la Défense et la police…). D’autres emplois, eux, nécessitent uniquement d’avoir un diplôme français, sans forcément avoir la nationalité française.
Toujours aucun danger majeur, vraiment.
Le monsieur est juste en train de dire qu'un Français binational est moins français que les autres et qu'ils vont les virer des emplois publics.
Voyons, qui a déjà fait ça... https://t.co/1j7Gbkh8Wb— Padre_Pio (@Padre_Pio) June 24, 2024