Dominique Boutonnat reconduit à la tête du CNC malgré sa mise en examen

Le président du CNC Dominique Boutonnat lors du dîner des producteurs en amont de la cérémonie des César, le 24 février 2020
Le président du CNC Dominique Boutonnat lors du dîner des producteurs en amont de la cérémonie des César, le 24 février 2020

Le président du CNC Dominique Boutonnat lors du dîner des producteurs en amont de la cérémonie des César, le 24 février 2020

CINÉMA - Dominique Boutonnat a été reconduit à la tête du Centre national du cinéma (CNC) à l’issue du Conseil des ministres ce mercredi 20 juillet, malgré un bilan critiqué par certains cinéastes et une mise en examen après des accusations d’agression sexuelle qu’il conteste.

Le 25 avril, le parquet de Nanterre avait requis le renvoi devant le tribunal correctionnel de Dominique Boutonnat, 52 ans, pour agression sexuelle sur son filleul, avec qui il n’a pas de lien familial. Une plainte avait été déposée par ce jeune homme de 22 ans un an et demi plus tôt, pour des faits datant d’août 2020 lors de vacances en Grèce. La mise en examen est intervenue en février 2021.

Interrogée sur ce point début juin, la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, avait estimé que “la présomption d’innocence prévaut” alors et salué le bilan de Dominique Boutonnat à la tête du CNC, notamment pendant la pandémie. Dans un entretien au Parisien peu après, elle l’avait décrit comme “le patron d’un CNC qui a fait face à la crise et qui, par ailleurs, a été pionnier sur la lutte contre les violences sexuelles et sexistes” en conditionnant les aides à une formation spécifique à ces thématiques là.

Rima Abdul Malak interpellée

“C’est quand même un peu baroque d’avoir un patron du CNC mis en examen pour agression sexuelle qui demande à la profession entière de suivre une telle formation”, ironise dans les colonnes du Mondeun exploitant peu avant l’annonce la reconduction de Dominique Boutonnat.

Dans une lettre directement adressée à Rima Abdul Malak et transmise au HuffPost, le collectif 50/50 qui promeut l’égalité, la parité et la diversité dans l’industrie cinématographique et audiovisuelle demandait à ce que la ministre propose un autre candidat pour prendre la tête du CNC. “En attendant que justice soit faite, nous savons que vous aurez bien sûr à cœur de préserver les institutions, de protéger les symboles républicains, et de soutenir les victimes qui, dans le monde entier, font entendre leur voix avec beaucoup de courage”, espérait le collectif.

Aucune jurisprudence n’oblige la mise en retrait ou la démission d’un fonctionnaire mis en examen. Mais ces accusations pèsent sur ce producteur de cinéma connu, dans un contexte déjà tendu après la non-reconduction, dans le remaniement post-législatives, du ministre des Solidarités Damien Abad, visé par une enquête à la suite d’une plainte pour tentative de viol.

Un bilan contesté

Si la mise en examen de Dominique Boutonnat au milieu de son premier mandat l’a “contraint à minimiser ses apparitions publiques”, elle ne “l’a pas empêché de défendre les intérêts du cinéma français pendant la pandémie” souligne Le Monde. En pleine crise de Covid, il avait réussi à décrocher une aide de 310 millions d’euros (en plus des aides gouvernementales accordées à toutes les entreprises), dont 211 millions pour les exploitants de salles de cinéma, 38 millions pour les producteurs, et 54 millions à destination des distributeurs. “Aucun secteur de la culture en France ou dans un autre pays n’a reçu autant d’aides.”

Néanmoins, son bilan ne fait pas l’unanimité. Plusieurs réalisateurs, dont Jacques Audiard et Pierre Salvadori, réunis au sein de la SRF (Société des réalisateurs de films), ont récemment critiqué la politique “ouvertement libérale et trop souvent court-termiste” du président du CNC.

Dans un communiqué daté du mercredi 13 juillet, ils écrivaient: “Il serait incompréhensible que le mandat de Dominique Boutonnat soit renouvelé”. Et de dénoncer le “brouillage grandissant des frontières entre cinéma et audiovisuel, à la redistribution des aides en faveur de films déjà soutenus par le marché, à la multiplication, au sein des commissions, des critères de performance et de rentabilité” instauré par ce technocrate venu du monde des assurances.

La nomination, il y a trois ans, de ce donateur de la campagne électorale d’Emmanuel Macron était déjà mal passée dans un milieu inquiet de voir s’imposer une logique fondée sur la rentabilité, mettant en danger le cinéma d’auteur. Alors que le voici reconduit pour trois nouvelles années, les professionnels préparent déjà, selon Libération, “la tenue d’états généraux à l’automne pour faire le point”.

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