"On nous dit qu'on ne vaut rien": les greffiers en colère sont en grève

Cinq dossiers en lien avec les émeutes de ces derniers jours doivent être jugés lors d'une audience spécifique ce lundi au tribunal judiciaire de Créteil. À Paris, ce sont 26 dossiers au programme des comparutions immédiates, prévues devant trois chambres différentes, sans que l'on sache s'ils ont tous un lien avec les violences. À Bobigny, quelques-uns sont aussi audiencés. Mais la plupart de ces dossiers devraient être examinés mardi.

"Malgré nous, on va prouver qu'une audience ne peut pas se tenir sans nous", estime Magali Hermier, greffière à Bordeaux.

Alors que le ministre de la Justice a promis une réponse pénale "rapide et systématique", la tenue des audiences en comparution immédiate de personnes interpellées dans le cadre des violences qui touchent la France depuis la mort de Nahel, 17 ans, à Nanterre, est menacée par la grève des greffiers de ce lundi. Procéduralement, aucune audience ne peut se tenir sans greffier.

Des conditions salariales dénoncées

Depuis un mois, la grogne monte parmi cette profession, aussi essentielle qu'elle est inconnue du grand public. Une première mobilisation, en dehors de tout syndicat, s'est tenue la semaine dernière avec des rassemblements partout en France. 250 greffiers et leurs soutiens se sont mobilisés à Lyon, entre 150 et 200 devant le tribunal judiciaire de Paris ou une centaine à Marseille. Sur leurs pancartes, on pouvait notamment lire "Les calculs sont pas bons", ou "Face au mépris la colère".

À l'origine de cette contestation, une grille salariale que les greffiers considèrent à leur désavantage. Un greffier débutant gagne en moyenne 1.700 euros brut. À la fin de sa carrière, il termine avec 2.500 euros brut. Le projet de grille de revalorisation de leur salaire permettrait de "gagner des points", donc d'être augmenté, mais leur ferait perdre des années d'ancienneté.

"Dans la justice, plus l'enveloppe augmente, moins le service judiciaire en bénéficie", s'agace Magali Hermier, faisant référence à l'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi ce lundi qui prévoit 11 milliards d'euros pour le budget de la justice en 2027.

Le rôle primordial des greffiers

Pendant les procès, ce sont les greffiers, dans une position de neutralité, qui notent tout ce qui est dit, par les magistrats, avocats ou prévenus, et tout ce qui est décidé. En leur absence, une audience ne peut se tenir. Ils vérifient la conformité des peines prononcées. Avant l'audience, ce sont eux qui sont en charge des convocations et de ce qu'on appelle la mise en état d'un dossier, c'est-à-dire faire en sorte que le dossier puisse être jugé.

Après l'audience, ils enregistrent les condamnations, réalisent les pièces d'exécution, comme les mandats de dépôt par exemple. "Si on ne le fait pas, ce qui est dit n'est pas exécuté", insiste Magali Hermier.

"Nous sommes des techniciens de la procédure, notre métier est important, c'est le code de procédure pénale qui le dit, on a des responsabilités, on travaille sans se plaindre, malgré nos conditions de travail dégradées, et on nous dit qu'on ne vaut rien", poursuit la greffière bordelaise.

Ce lundi matin, le procès du président de la Métropole européenne de Lille, Damien Castelain, notamment pour recel d'abus de confiance en marge de la construction du Grand Stade, a été renvoyé en raison de l'absence de greffier, en grève. Ce pourrait être le cas pour d'autres audiences. Le tribunal de Bobigny tente de contourner ce mouvement alors que "beaucoup" d'affaires en lien avec les émeutes seront jugées mardi.

Après cette journée de mobilisation, le mouvement pourrait toutefois se poursuivre.

Article original publié sur BFMTV.com