Dissolution, implosion de LR et Reconquête, union de la gauche... Ce qu'il faut retenir de cette folle semaine politique
De quoi inspirer quelques scénaristes de séries politiques. Entre tentatives d'accord, accusations de "trahison" et scissions brutales, la classe politique a connu une semaine riche en rebondissements. À l'annonce dimanche soir par Emmanuel Macron de la dissolution de l'Assemblée nationale succèdent de premières discussions à gauche comme à droite et à l'extrême droite en vue des législatives. Alors que les partis de gauche parviennent à un accord, Les Républicains (LR) affichent leurs fractures au grand jour, tandis que Reconquête explose.
• Dimanche: la dissolution inattendue de l'Assemblée
Une heure seulement après la publication des résultats des élections européennes, Emmanuel Macron choisit dimanche soir à 21 heures de s'adresser aux Français, signe de la gravité de la situation. Dans une courte allocution, le chef de l'État annonce la dissolution de l'Assemblée nationale, une première depuis 1997.
Cette décision se veut être une réponse immédiate à la lourde défaite subie par son camp, la liste de la majorité présidentielle ne remportant que 14,60% des voix, soit moins de la moitié en comparaison à la liste du Rassemblement national, qui triomphe avec 31,36% des suffrages.
Quelques minutes plus tôt, Emmanuel Macron annonce à l'Élysée sa décision à sa garde rapprochée. Selon nos informations, Gabriel Attal tente de décourager le chef de l'État et propose de démissionner, mais le président refuse de changer d'avis.
Le choix fait par le chef de l'État entraîne de facto la tenue d'élections législatives anticipées, c'est un véritable séisme pour l'ensemble de la classe politique qui doit organiser de nouvelles élections en seulement trois semaines.
Emmanuel Macron se veut résolument combatif, "on y va pour gagner" assure-t-il. Mais plusieurs députés Renaissance évoquent à BFMTV.com un "pari risqué" et redoutent que le Rassemblement national ne remporte la majorité dans l'hémicycle.
• Lundi: les partis repartent en campagne, les tractations lancées
Le décompte final des votes aux européennes à peine terminé, chaque parti doit se projeter déjà sur un nouveau scrutin et repartir en campagne. Dans le camp macroniste, la présidente de l'Assemblée fraîchement débarquée Yaël Braun-Pivet n'hésite pas à faire entendre ses doutes concernant la dissolution. "Il y avait un autre chemin, celui de la coalition", juge-t-elle sur France 2.
À l'extrême droite, le RN, grand vainqueur des européennes, et Reconquête, qui a franchi la barre symbolique des 5% lui permettant d'avoir des représentants au Parlement, entament des discussions à l'initiative de Marion Maréchal. L'ex-tête de liste du parti d'Éric Zemmour, exprime son "souhait ardent" d'un "rassemblement des droites" en vue des législatives.
À gauche aussi, des tractations s'engagent, à l'appel de l'insoumis François Ruffin, suivi par le socialiste Olivier Faure et le communiste Fabien Roussel. Tous appellent leurs partis à s'unir en constituant un "front populaire" pour les législatives.
Après réunion entre les différentes figures de gauche, La France insoumise, Europe Écologie Les Verts, le Parti communiste Français, le Parti socialiste, Place publique et Génération.s tombent d'accord en fin de journée et s'entendent sur le principe de "soutenir des candidatures uniques dès le premier tour" aux législatives.
• Mardi: Ciotti favorable à une alliance avec le RN
Coup de tonnerre à droite deux jours après les européennes. Le président LR Éric Ciotti, partisan d'une ligne dure dans son parti, se déclare favorable à une "alliance" avec le RN pour les scrutins du 30 juin et du 7 juillet prochains. Jamais encore dans l'histoire de la Ve République, le parti de la droite républicaine a conduit un tel accord avec l'extrême droite.
Cette prise de position inattendue et individuelle, bien qu'au nom du parti, crée un tollé au sein des Républicains. Ulcéré, le chef des sénateurs LR Bruno Retailleau accuse le député des Alpes-Maritimes d'avoir "menti" et "trahi" son parti par "déloyauté", tandis que le patron des députés LR Olivier Marleix demande sa démission. Le président LR de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand exige pour sa part "un vote de l'ensemble des militants" LR sur cet accord.
En fin de journée, Jordan Bardella confirme qu'un accord a bien été conclu entre son parti et LR et affirme que des "dizaines" d'élus républicains seront "investis" ou "soutenus" par son camp.
L'alliance entre RN et Reconquête prend en revanche du plomb dans l'aile. Le parti présidé par Jordan Bardella refuse "le principe même d'un accord" en raison de trop grandes divergences avec Éric Zemmour, d'après Marion Maréchal. Cette dernière parle d'une "grande déception pour la France".
De son côté, Raphaël Glucksmann, en position de force après avoir recueilli 13,83% des voix aux européennes, redit sa volonté de ne pas renoncer à certains "principes" en s'alliant avec d'autres partis de gauche, dont LFI. L'eurodéputé défend notamment "le soutien à la construction européenne" et "l'aide militaire à la résistance ukrainienne", des sujets qui font régulièrement l'objet de dissensions à gauche.
Gabriel Attal, en sursis à la tête du gouvernement, brise publiquement le silence sur les bouleversements politiques actuels. "J’irai au bout de mon devoir de citoyen attaché à son pays qui donnera tout pour éviter le pire", assure-t-il, devant les députés.
• Mercredi: Macron en conférence de presse, Ciotti exclu des Républicains
Trois jours après l'annonce de la dissolution, Emmanuel Macron donne sa première grande conférence de presse, lors de laquelle il défend sa décision. Le chef de l'État invoque le "blocage (à l'Assemblée) qui empêchait inéluctablement le gouvernement d'agir" faute de majorité absolue et le score du RN aux européennes, "un fait politique majeur qu'on ne saurait ignorer".
Sur les tractations politiques en cours, le chef de l'État fustige LR, accusant la droite de "tourner le dos en quelques heures à l'héritage du général de Gaulle, de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy", en nouant un accord avec le RN. Il pointe également du doigt l'alliance des gauches, le Nouveau Front populaire. "Léon Blum doit se retourner dans sa tombe", tance-t-il.
À droite, LR s'enfonce dans la crise. Après les déclarations d'Éric Ciotti, appelant à une alliance avec le RN et parlant d'"autour de 80" élus de son camp soutenus par le RN aux législatives, Les Républicains convoquent un bureau politique en urgence pour statuer sur son avenir.
Mais le député des Alpes-Maritimes refuse de son côté d'abandonner son poste. Il fait fermer le siège des LR dans la journée en invoquant des "menaces de désordre" et rejette la tenue d'un bureau politique qui "n'a aucune valeur juridique", selon lui.
Le bureau politique a finalement bien lieu, hors du siège de LR et sans Éric Ciotti. Son exclusion du parti est prononcée "à l'unanimité".
Mais le député des Alpes-Maritimes refuse la décision. "Je suis et je reste président", clame-t-il, tout en menaçant son camp de sanctions pénales.
Illustration des fractures internes chez LR et de la cacophonie ambiante, les réseaux sociaux du parti ne défendent pas la même ligne. Quand le compte X (anciennement Twitter) annonce officiellement l'exclusion de son président, le compte Facebook assure à l'inverse qu'il est toujours en poste. Suspendu quelques heures, le compte X est rapidement rétabli.
À l'extrême droite, le divorce est définitivement consommé entre les deux partis. Marion Maréchal, actant la volte-face de Jordan Bardella à l'égard de Reconquête, choisit de soutenir son ancien camp et appelle ses électeurs à voter pour le RN.
"Marion Maréchal s'exclut d'elle-même de ce parti qu'elle a toujours méprisé", l'accuse Éric Zemmour sur BFMTV, se disant "écoeuré".
• Jeudi: l'union de gauche officiellement "scellée"
Après être parvenus à un accord, les partis du Nouveau Front populaire officialisent définitivement leur alliance pour les législatives en publiant une déclaration commune. L'union est "scellée", annoncent-ils. "Une page de l'Histoire de France s'écrit avec ce Front populaire", se félicite Olivier Faure.
L'union est saluée par l'ancien président François Hollande. "Ce qui est essentiel, c'est que l'union ait pu se faire", malgré les "divergences", estime-t-il. Gabriel Attal, ex-socialiste, dénonce de son côté un "accord de la honte" entre son ancien parti et LFI.
À droite, Éric Ciotti n'en démord pas. Déterminé à ne pas lâcher sa fonction, il s'affiche dans le bureau de la présidence du parti dans une vidéo publiée sur ses réseaux sociaux. "Je suis président du parti, je vais à mon bureau, c'est tout", soutient-il.
Depuis l'Italie où il participe au G7, Emmanuel Macron revient une nouvelle fois sur les résultats des européennes. "Je l'ai pris pour moi, pour cette majorité! Ça ne m'a pas fait plaisir, évidemment que ça m'a touché", jure-t-il.
Dans le même temps, conscients de l'impopularité du président et de son Premier ministre en sursis, certains candidats macronistes choisissent de ne pas faire apparaître l'image d'Emmanuel Macron et de Gabriel Attal sur leur propagande électorale.
• Vendredi: le Nouveau Front populaire publie son programme, Ciotti finalement maintenu
Bien décidé à tourner la page Éric Ciotti, LR organise vendredi matin un nouveau bureau politique lors duquel il confirme l'exclusion du président du parti. Cette nouvelle réunion vise à "légitimer" l'exclusion d'Éric Ciotti grâce au soutien des conseillers nationaux de LR, alors qu'elle est contestée par le principal intéressé qui invoque les "statuts du parti".
En fin de journée, le tribunal judiciaire de Paris invalide finalement la décision du bureau politique de LR, Éric Ciotti reste président de son parti, une petite victoire pour le député. Son exclusion définitive n'est cependant que suspendue. Le tribunal indique que la juridiction de fond doit être saisie "dans les huit jours". Le feuilleton n'est pas fini.
"C’était une évidence. Je n’avais pas de doutes, tellement ce qui a été fait était grossier", salue Éric Ciotti. "Maintenant, place à la campagne".
Au RN, l'alliance avec LR est toujours à l'ordre du jour. Jordan Bardella assure sur BFMTV que "dans 70 circonscriptions de France, il y aura un candidat commun RN-LR", dont des députés sortants, pour les législatives.
Déterminé à passer à la vitesse supérieure, le Nouveau Front populaire se réunit à la Maison de la Chimie à Paris où il montre un visage uni, destiné à faire contraste avec les fractures qui frappent la droite.
Les chefs des principaux partis, sans Raphaël Glucksmann, présentent leur programme pour les législatives. Au menu, entre autres, le retour de la retraite à 60 ans, la hausse du Smic à 1.600 euros net, mais aussi un "soutien indéfectible à la résistance ukrainienne" avec le refus de toute "intervention militaire de troupes françaises au sol", la condamnation des "massacres terroristes" commis en Israël par le Hamas le 7 octobre et la "reconnaissance de l'État de Palestine".
Mais en fin de journée, l'image d'union se fracture déjà, lorsqu'en fin de soirée, LFI annonce investir aux législatives Adrien Quatennens, condamné pour violences conjugales, mais écarter plusieurs figures historiques du parti, Alexis Corbière, Raquel Garrido et Danielle Simonnet.
Les principaux concernés ne cachent pas leur colère. "Honte sur toi Jean-Luc Mélenchon. C'est du sabotage", dénonce Raquel Garrido, quand Alexis Corbière y voit "une punition pour avoir fait entendre des critiques en interne".
Outre ces désaccords, reste aussi la question de la personnalité de gauche qui pourrait succéder à Gabriel Attal à Matignon en cas de victoire du Nouveau Front populaire, qui n'est pas tranchée. Plusieurs figures se déclarent intéressées, de Jean-Luc Mélenchon à François Roussel en passant par François Ruffin.
Raphaël Glucksmann, qui avait évoqué le nom de l'ancien leader de la CFDT Laurent Berger en début de semaine, calme les ambitions individuelles. "Ça va nécessairement être la figure la plus consensuelle", estime-t-il. À condition encore que le Nouveau Front populaire tienne jusqu'au 30 juin.