Disparition de Qin Gang : ce que l’on sait après le limogeage du ministre chinois des Affaires étrangères

Remplacé mardi 25 juillet, le ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, n’a plus été vu depuis plus d’un mois.
Remplacé mardi 25 juillet, le ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, n’a plus été vu depuis plus d’un mois.

CHINE - Circulez, il n’y a rien à voir. La formule résume bien la stratégie de communication de Pékin, alors que l’ex-ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, remplacé mardi 25 juillet par son prédécesseur Wang Yi et effacé dans la foulée du site de son ministère, n’a plus donné signe de vie depuis plus d’un mois.

Une étonnante disparition, qui n’est pas sans rappeler celle du patron de la plateforme d’e-commerce Alibaba, Jack Ma, ou de la joueuse de tennis chinoise Peng Shuai, tous deux disparus plusieurs mois l’année dernière sur fond de polémiques… Avant de réapparaître plus en phase que jamais avec les directives du Parti communiste chinois (PCC) et sa gestion du pays.

L’ancien chef de la diplomatie chinoise a-t-il été emprisonné ? Son état de santé est-il en cause dans sa soudaine disparition ? Les quelques informations distillées de manière parcellaires par Pékin ne permettent, à l’heure actuelle, d’affirmer quoi que ce soit, même si le peu d’égards accordés par le gouvernement à son sort laisse imaginer qu’il est tombé en disgrâce. Le HuffPost fait le point.

• Quand a-t-on vu Qin Gang pour la dernière fois ?

Cela fait exactement un mois et un jour que l’ancien ministre chinois des Affaires étrangères n’a plus été vu en public. Ce dimanche 25 juin, Qin Gang avait rencontré à Pékin le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Andreï Rudenko. Les diplomates avaient discuté des relations bilatérales entre la Chine et la Russie, mais aussi du conflit en Ukraine, selon plusieurs médias chinois.

Comme a pu le constater Le HuffPost, il ne reste plus aucune trace de cette rencontre sur le site du ministère chinois des Affaires étrangères, sur lequel apparaît un message indiquant que la page « n’existe pas ou a été supprimée. » Ce compte rendu officiel n’est pas le seul à avoir été effacé, puisque toutes les pages encore référencées sur Internet et faisant mention de Qin Gang sur le site du ministère chinois des Affaires étrangères renvoient vers le même message d’erreur.

Sur le site du ministère chinois des Affaires étrangères, toutes les pages faisant mention de l’ex ministre Qin Gang renvoient vers ce message d’erreur.
Sur le site du ministère chinois des Affaires étrangères, toutes les pages faisant mention de l’ex ministre Qin Gang renvoient vers ce message d’erreur.

Une procédure habituelle selon la porte-parole du ministère Mao Ning, d’après qui « les informations présentes sur le site du ministère des Affaires étrangères (ont été) mises à jour conformément aux règles en vigueur ». Une simple recherche sur Internet permet pourtant mettre cet argument en déroute, puisque toutes les rencontres officielles entre 2013 et 2022 de son prédécesseur (et successeur), Wang Yi, sont encore répertoriées sur le site du ministère…

• Que dit Pékin de la disparition de l’ancien ministre ?

Le ministère des Affaires étrangères avait justifié il y a quelques semaines l’absence du ministre et ex-ambassadeur aux États-Unis (2021-2022) par des « raisons de santé » avant de refuser de donner davantage d’informations sur sa situation, tandis que les médias officiels n’ont eux non plus donné aucune justification à sa destitution.

De nouveau interrogée ce mercredi après-midi sur le sort de Qin Gang, la porte-parole Mao Ning a refusé d’apporter davantage de précisions : « L’agence de presse Chine nouvelle a déjà publié des informations, vous pouvez vous y référer », a-t-elle sobrement répondu. « Les activités diplomatiques de la Chine continuent toutes d’avancer », a-t-elle cependant ajouté.

Également questionnée sur son remplacement par Wang Yi et son passage éclair (moins d’un an) à la tête de la diplomatie chinoise, Mao Ning s’est contentée de répondre qu’elle n’était « probablement pas la personne adéquate pour répondre à cette question ».

• Quelles sont les pistes évoquées ?

Si nul ne se risque à porter des accusations directes contre le gouvernement chinois, les rumeurs se sont démultipliées sur les réseaux sociaux ces dernières semaines. Pour beaucoup, ce serait une liaison adultère avec une présentatrice de télévision qui aurait coûté sa place à Qin Gang.

Une éventualité peu probable, pour James Palmer, le rédacteur en chef adjoint de la revue Foreign Policy. Comme le rapporte Le Monde, ce dernier a écrit dans l’une de ses lettres hebdomadaires qu’un supposé adultère « serait un symptôme de la chute de Qin, pas sa cause. »

Un temps accusé de viol par la joueuse de tennis chinoise Peng Shuai, le haut dignitaire Zhang Gaoli n’avait nullement été empêché de s’asseoir à la tribune d’honneur du 20e Congrès du PCC, en octobre 2022, rappelle-t-il.

Quoi qu’il en soit, la soudaine disparition de ce ministre réputé proche du président Xi Jinping, ainsi que son effacement du site de son ministère, laissent présager qu’il est tombé en disgrâce. « S’il s’agissait d’un camarade respecté qui était juste tombé malade, je ne pense pas qu’ils feraient ça », a écrit le sinologue Bill Bishop dans sa lettre d’information Sinocism.

• Qu’est-ce que ça dit de la politique intérieure chinoise ?

Pour plusieurs analystes de la politique chinoise, la disparition de Qin Gang est un aveu de faiblesse de Pékin. « Les gens à l’extérieur du système n’ont aucune idée de ce qui se passe et cet épisode démontre que la politique chinoise devient de plus en plus imprévisible et instable, même si elle est calme en apparence », a déclaré à l’Agence France presse (AFP) Ho-fung Hung, spécialiste de la Chine à l’université Johns-Hopkins (États-Unis).

Enfin, la destitution d’un homme politique réputé si proche du président chinois semble montrer qu’aucun diplomate n’est prémuni contre les vicissitudes de la politique chinoise. « Je pense que les principales conséquences (de cette affaire) seront pour les hauts fonctionnaires chinois, avec cette idée que personne n’est à l’abri, quel que soit son rang ou le soutien dont il bénéficie de la part de Xi Jinping », a estimé, toujours auprès de l’AFP, Neysun Mahboubi, spécialiste du droit chinois.

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