Disparition d'Émile: le maire du Vernet alerte contre la perspective d'un "tourisme malveillant"

Disparition d'Émile: le maire du Vernet alerte contre la perspective d'un "tourisme malveillant"

Le maire du Vernet a annoncé ce vendredi avoir pris un arrêté "qui interdit l'accès à toute personne au Haut-Vernet" la partie de ce village des Alpes de Haut-Provence où le petit Émile, deux ans et demi, a disparu il y a six jours. Seuls les habitants des lieux pourront désormais y accéder.

"Cet arrêté a été pris jusqu'à lundi soir pour qu'on laisse les habitants du Haut Vernet et la famille vivre tranquillement", a expliqué François Balique, arguant que cette dernière était "effondrée".

"J’appelle la population à ne pas venir au Vernet"

Le maire a également justifié sa décision par le fait qu'"il pourrait y avoir du tourisme malveillant", a également expliqué le maire.

"J’appelle la population à ne pas venir au Vernet, ça ne sert à rien", a dit le maire après que des personnes venues de toute la France ont aidé aux recherches du petit garçon, et que des personnes se revendiquant médiums ont parfois parasité le travail des enquêteurs.

Après le départ des enquêteurs, de nombreux lieux associés à des événements dramatiques, souvent associés à la mort, ont du faire face à l'arrivée de curieux voulant voir les voir de leurs propres yeux.

Développement du "tourisme macabre"

Le mouvement dit du "dark tourism" ou "tourisme macabre" est en effet en plein développement. Ce terme a été invité par les chercheurs John Lennon et Malcolm Foley dans leur ouvrage Dark Tourism, the attraction of death and disaster, publié en 2000. Ils y expliquent que ces visites sont "motivées par le désir de rencontres réelles ou symboliques avec la mort".

Des sites liés à des meurtriers célèbres ou ayant été les théâtres de morts parfois nombreuses sont aujourd'hui prisés par les amateurs de "tourisme macabre". Souvent, ces lieux ont bénéficié d'une exposition médiatique exceptionnelle ou fait l'objet de livres, films ou encore séries.

Dans certains cas, des visites guidées sont même organisées, comme dans la maison (bientôt détruite) de l'assassin et pédocriminel Marc Dutroux, dans la célèbre "forêt des suicidés" au Japon ou encore dans l'ancienne prison militaire Karosta, en Lettonie, où ont sévi soldats nazis puis soviétiques.

Si ces pratiques sont en développement à l'heure du tourisme mondialisée et d'une ère de l'information dans laquelle les éléments sur des épisodes macabres s'échangent de façon instantanée, elles ne sont pas nouvelles pour autant.

Le professeur John Lennon estime même qu'elle a probablement toujours existé. Il cite en exemple les pèlerinages en référence au chemin de croix suivi par Jésus-Christ, ou encore les combats de gladiateurs dans le Colisée romain, où les personnes présentent se confrontaient directement à des mises en scène de morts.

"Il ne s'agit pas forcément de curiosité malsaine"

Selon Stéphane Clerget, psychiatre à Partis et invité de BFMTV ce vendredi, les motivations qui meuvent les amateurs de tourisme macabre ne relèvent toutefois "pas forcément de curiosité malsaine ou malveillante", y compris dans l'hypothèse de leur arrivée sur les lieux de la disparition d'Émile.

"Ça montre simplement l'impact de cette affaire peut-être sur la population: elle est très 'concernante' et ça correspond à des angoisses très vives chez les parents de jeunes enfants", développe le psychiatre.

"Il est normal que beaucoup de gens se sentent touchés directement ou indirectement par cette affaire. Finalement, venir sur le lieu, ça peut être soit un moyen pour les personnes de se rendre utile, soit un moyen de se rendre au plus près du drame pour maîtriser au mieux leurs angoisses".

L'arrêté d'interdiction au Haut-Vernet doit durer jusqu'à lundi. Lorsqu'il sera levé, les habitants pourront constater si leur village est devenu un nouveau haut-lieu du tourisme "macabre", bien que l'on ne sache à ce stade rien de la situation d'Émile, mise à part sa disparition.

Article original publié sur BFMTV.com