Disparition d'Émile : que change l'ouverture d'une information judiciaire?

Au vu de "la complexité de l'affaire", une information judiciaire a été ouverte pour rechercher les causes de la disparition d'Émile. Deux juges d'instruction ont été co-saisis.

Un changement qui n'est pas anodin. L'enquête n'ayant pas permis de déterminer les causes de la disparition d'Émile, l'enfant de deux ans et demi qui reste introuvable depuis 10 jours dans le hameau du Vernet, une information judiciaire a été ouverte ce mardi, a annoncé le procureur de Dignes-les-Bains.

Une nouvelle évolution alors que l'enquête de flagrance ouverte le 8 juillet a basculé, ce lundi en enquête préliminaire. Un processus classique et automatique. Si, dans un premier temps, le procureur avait déclaré que l'ouverture d'une information judiciaire n'était pas d'actualité, il a finalement changé d'avis, ce mardi.

La "complexité de l'affaire"

Ce qui a motivé la décision du procureur de Digne-les-Bains, c'est bien "la complexité de l'affaire", a-t-il expliqué dans son communiqué. L'information judiciaire est "une enquête menée par un ou plusieurs juges d'instruction afin de prouver l'existence d'une infraction et d’en déterminer les auteurs".

Dans le cas du petit Émile, elle a été ouverte en "recherche de causes d'une disparition inquiétante". Un processus classique, selon Jacques Fombonne, général de gendarmerie, ancien commandant de la section de recherches d'Orléans.

"C'est normal qu'à partir du moment où une affaire est complexe, elle soit confiée à un juge d'instruction", selon Jacques Fombonne.

Mais pour la mener, ce n'est pas un, mais deux juges d'instruction du pôle d'Aix-en-Provence, dans les Bouches-du-Rhône, ont ainsi été co-saisies, a précisé Rémy Avon dans son communiqué. "Le fait qu'ils soient deux, ça veut dire que ça va être une priorité pour eux", a expliqué Jacques Fombonne, général de gendarmerie, ancien commandant de la section de recherches d'Orléans, à BFMTV.

Des pouvoirs d'enquête étendus

Si dans une enquête préliminaire, le procureur est soumis à des autorisations pour réaliser certains actes, dans le cadre d'une information judiciaire, le ou les juges d'instruction ont des pouvoirs d'enquête étendus.

L'information judiciaire permet, par exemple, de réaliser des perquisitions sans l'assentiment des personnes, de procéder à des saisies, des opérations de surveillance ou des écoutes - qui peuvent d'ailleurs être plus longue ou se faire sans autorisation d'un juge des libertés et de la détention. Le ou les juges d'instruction peuvent également demander des expertises (ADN) ou utiliser des dispositifs de géolocalisation. Il leur est également possible se rendre sur les lieux ou organiser une reconstitution des faits.

À ce stade, des limites existent cependant. Ainsi, l'information judiciaire concernant Émile a été ouverte pour "recherche des causes de la disparition". Or, depuis 2011, il n'est plus possible de placer une personne en garde à vue pour cette qualification pénale. Si jamais les juges voulaient placer un suspect en garde à vue, il leur faudrait aviser le parquet, qui changerait alors la qualification, par exemple en enlèvement, séquestration ou meurtre. Cette procédure, très rapide, puisqu'elle prend une heure au maximum, n'est pas envisagée pour le moment.

En effet, le procureur a indiqué ce mardi que toutes les pistes restent envisagées pour expliquer la disparition de l'enfant.

L'information judiciaire élargit également les droits des victimes, des personnes mises en examen et des personnes placées sous le statut de témoin assisté. Les victimes peuvent par exemple se constituer partie civile tout au long de la procédure, ce qui leur ouvre un certain nombre de droits, notamment sur les demandes d'actes (audition, confrontation, transport sur les lieux, production de pièces) ou de copie de la procédure. Elles peuvent également - tout comme les personnes mises en examen et les personnes placées sous statut assisté - avoir accès au dossier.

"Ça va permettre une extension des pouvoirs des officiers de police judiciaire (...) ils vont pouvoir procéder à tous les actes d'enquête sur l'ensemble du territoire, grâce à une délégation qu'on appelle une commission rogatoire", a précisé Jacques Fombonne.

"L'enquête qui peut durer plusieurs années"

Les enquêteurs continuent d'analyser la masse d'éléments qu'ils ont recueillis lors des premiers jours d'investigation. Cela comprend, notamment, près de 1600 lignes téléphoniques qui ont borné dans le secteur au moment de la disparition du petit garçon et les 1400 signalements téléphoniques reçus à la suite de l'appel à témoins. Aujourd'hui encore, toutes les pistes restent envisagées pour expliquer la disparition d'Émile.

Car pour Jacques Fombonne, si une information judiciaire a été ouverte, c'est aussi parce que "l'enquête qui peut durer plusieurs années".

"Personne au parquet ne peut conduire une enquête criminelle pendant plusieurs semaines, plusieurs mois, voire plusieurs années comme c'est malheureusement souvent le cas dans le cadre de disparitions d'enfants pour lesquelles on n'a pas d'éléments probants", a détaillé le général de gendarmerie.

Article original publié sur BFMTV.com

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