Devant l’AG de TotalEnergies, heurts et lacrymos entre police et militants écologistes

Non loin de la salle Pleyel à Paris, la police a utilisé du gaz lacrymogène pour déloger à l’aube des dizaines de manifestants.

Après BP et Shell, c’est le tour de TotalEnergies. Le géant français des hydrocarbures se prépare à vivre une assemblée générale électrique ce vendredi 26 mai dans la matinée, ciblée dès avant son ouverture par des échauffourées entre manifestants pour le climat et la police, tandis que des actionnaires sont également en désaccord avec sa politique climatique.

Dès l’aube, des dizaines de manifestants pour le climat ont tenté de pénétrer dans le tronçon de rue passant devant la salle Pleyel, dans les beaux quartiers parisiens.

Une dizaine d’entre eux, qui s’étaient assis devant l’entrée, ont été délogés par les forces de l’ordre, comme on peut le voir sur les images plus bas. Après trois sommations en moins d’une minute par haut-parleur, les forces de l’ordre ont projeté du gaz lacrymogène.

Une coalition d’ONG a appelé à bloquer la réunion et des dizaines de militants sont désormais assis aux entrées de la rue du Faubourg Saint-Honoré, chantant notamment « ce qu’on veut c’est renverser Total » et « un, deux et trois degrés, c’est Total qu’il faut remercier ».

Le journaliste de LCI Paul Larrouturou a aussi raconté sur Twitter que sa consœur Harmony Pondy Nyaga avait été « jetée au sol avec sa caméra par un vigile puis un gendarme alors qu’elle s’[était] clairement signalée comme journaliste », comme on peut le voir ici sur ces images.

La réunion arrive à la fin d’une saison d’AG houleuses, où des militants ont multiplié les actions contre les grands groupes, comme chez les concurrents Shell et BP ou la banque Barclays, accusée de financer l’expansion de projets d’hydrocarbures.

Téléphones portables interdits pendant l’AG

Le tout sur fond de profits faramineux : ensemble, les majors BP, Shell, ExxonMobil, Chevron et TotalEnergies affichent plus de 40 milliards de dollars de bénéfices ce trimestre, après une année 2022 grandiose.

Signe des tensions attendues, TotalEnergies interdira aux actionnaires et aux journalistes d’utiliser leurs téléphones portables, et les obligera à laisser certains effets personnels à l’entrée.

Le groupe veut surtout éviter le scénario chaotique de l’année dernière quand des militants d’ONG avaient empêché des actionnaires de pénétrer dans l’AG. Les autorités s’attendent à la présence de 200 à 400 militants, qui « veulent absolument empêcher la tenue de l’AG », selon une source policière.

« L’AG de Total n’aura pas lieu », ont d’emblée prévenu fin avril dans une tribune les signataires 350.org, Alternatiba, Amis de la Terre, ANV-COP21, Attac, Greenpeace, Scientifiques en rébellion et XR. « Cette assemblée générale prévoit de perpétuer la stratégie du pétrolier : toujours plus de projets fossiles et une répartition injuste des superprofits qui alimente l’injustice climatique et sociale », dénoncent-ils.

Parmi les sujets brûlants, les 1,5 million d’actionnaires individuels, présents ou en ligne, sont appelés à voter sur une résolution consultative émanant de l’organisation d’actionnaires activistes Follow This, qui s’attaque principalement aux émissions indirectes de CO2.

Autrement dit celles liées à l’utilisation du pétrole par ses clients dans les voitures ou pour se chauffer (scope 3 dans la comptabilité carbone), l’équivalent de 85 % de son empreinte carbone.

L’organisation lui demande d’aligner ses objectifs de réduction sur l’Accord de Paris de 2015, afin de limiter le réchauffement planétaire à +1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle.

Hausse de 10 % du salaire du PDG en vue

Parmi cette coalition de 17 investisseurs qui détiennent près de 1,5 % de TotalEnergies, figurent La banque PostaleAM, Edmond de Rotschild AM, La Financière de l’Échiquier.

Le groupe recommande de voter contre, jugeant la résolution « contraire aux intérêts » de TotalEnergies, « de ses actionnaires et de ses clients ». La major va néanmoins faire valoir ses efforts pour le climat et appelle ses actionnaires à « voter en faveur » de sa propre résolution climatique. Cette stratégie officielle se concentre surtout sur ses émissions directes, issues de ses opérations et celles liées à l’énergie qu’elle consomme (périmètres dit du « scope 1 et 2 »).

Même si le groupe n’envisage pas de baisser drastiquement ses émissions directes dans la décennie, il entend consacrer un tiers de ses investissements dans les énergies bas carbone et atteindre 100 GW de capacités d’électricité renouvelable d’ici 2030.

« Ce sont les revenus des hydrocarbures qui nous permettent d’investir massivement et de développer les renouvelables », a fait valoir le PDG Patrick Pouyanné mercredi dans une interview au magazine Challenges.

Le groupe est présent dans de nombreux projets de gaz naturel liquéfié et de pétrole, aux Émirats arabes unis, en Irak, en Papouasie ou encore en Ouganda, avec le projet controversé de l’oléoduc chauffé Eacop devenu un symbole médiatisé de la lutte anti-pétrole.

« On (n’)a pas su anticiper », a concédé à Challenges Patrick Pouyanné au sujet de cette polémique, qui s’ajoute à bien d’autres pour le groupe, critiqué pour son bénéfice record de 20,5 milliards de dollars (19,12 milliards d’euros) en 2022, ses impôts en France ou le salaire du PDG. Une hausse de 10 % de sa rémunération pour 2023 est d’ailleurs à l’ordre du jour de l’AG.

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