Derrière les calendriers de l’Avent des marques, la folie du consumérisme et du gaspillage

Le calendrier de l’Avent de la marque Sephora, dont le carton « provient de forêts gérées durablement ».
Sephora Le calendrier de l’Avent de la marque Sephora, dont le carton « provient de forêts gérées durablement ».

CONSO - Les mots « calendrier de l’Avent » vous évoquent sûrement les chocolats découverts avec joie chaque matin du mois de décembre durant votre enfance. Mais depuis quelques années, ils sont aussi devenus synonymes de stratégie marketing pour de nombreuses marques.

Que vous soyez fan de bougies parfumées, de saucisson sec ou de sex-toys, vous avez désormais l’embarras du choix pour satisfaire quotidiennement vos envies du 1er au 24 décembre. Les prix sont variés, allant de 29,90 € pour le calendrier de l’Avent Justin Bridou (tout de même assez cher payé pour une simple sélection de bâtons de berger) à 600 € pour celui de la maison Dior.

« C’est une frénésie », dénonce Béatrice Siadou-Martin, professeure à l’université de Montpellier spécialisée dans le marketing. Et la tendance ne montre aucun signe de ralentissement. Pire, les marques ont désormais trouvé un nouveau filon : les calendriers de l’après. Pour 34,99 €, vous pouvez ainsi vous offrir un coffret Sephora qui vous aidera à traverser la difficile période entre Noël et le jour de l’an.

Une tendance déconnectée des origines de la tradition

La mode des calendriers de l’Avent de produits de beauté a vu le jour au début des années 2010, avec le lancement d’un modèle du grand magasin anglais Selfridges en partenariat avec L’Oréal. Mais c’est le succès fulgurant du calendrier du magasin de luxe londonien Liberty en 2012 qui a transformé l’idée en phénomène marketing.

De quoi sérieusement énerver le clergé anglican. En 2017, le révérend Ian Paul, du conseil des archevêques de l’Église d’Angleterre, déplorait dans la presse britannique une tendance « profondément ironique » et « égoïste », qui « démontrait le pouvoir absolu du consumérisme ».

On est en effet bien loin des origines de la tradition, née au XIXe siècle en Allemagne, de distribuer des effigies religieuses pour marquer chaque jour avant Noël. Les calendriers se sont commercialisés et exportés après la Seconde Guerre Mondiale, avant de commencer à inclure des chocolats à partir de 1958.

Cet objet était donc traditionnellement réservé aux enfants, jusqu’à ce que les marques de luxe y décèlent un bon filon marketing et commencent à vendre des calendriers remplis de tout et n’importe quoi. « On est sur un produit qui raconte une histoire aux consommateurs, il y a une dimension de storytelling, explique Béatrice Siadou-Martin. Le calendrier de l’Avent, c’est la surprise, le plaisir, la régression, l’idée “je suis un grand enfant, je me fais plaisir”. »

Multiplication des emballages

Un besoin de gratification quotidien nourri par le marketing qui dénote sérieusement avec l’idée de consommation responsable. Car chaque calendrier multiplie les emballages, chaque case ayant souvent droit à sa propre boîte, puis à son propre petit sachet ou papier de soie, avant d’arriver à l’objet lui-même – le plus souvent une miniature.

« Plus on a des petits produits emballés dans des petits emballages, plus on multiplie la quantité d’emballages », explique Manon Gibert, responsable communication de Zero Waste France, association qui défend le zéro déchet. « C’est toujours mieux d’acheter soit en vrac, soit dans des emballages réemployables, soit en grande quantité. »

Pour contrer les critiques, certaines marques avancent des arguments pour prouver leur bonne volonté écolo. Sous chacun de ses calendriers, Sephora promet par exemple : « Ce calendrier a été développé dans une démarche plus responsable : son carton provient de forêts gérées durablement. » Une défense qui fait doucement sourire Manon Gibert. « Nous restons dans une logique d’exploitation du vivant, souligne-t-elle. Cela reste de la surconsommation de ressources naturelles. »

« Des modes de consommation incompatibles avec les limites planétaires »

La porte-parole de Zero Waste France souligne par ailleurs l’hypocrisie de nombreuses marques qui utilisent l’argument d’emballages recyclés ou recyclables dans le marketing de leur produit. « Le recyclage et l’utilisation de matières recyclées, c’est vraiment le minimum que les marques peuvent faire aujourd’hui en termes d’engagement pour l’environnement, assène-t-elle. Et puis en réalité, le recyclage ne fait qu’encourager le système du tout jetable tel qu’il est aujourd’hui mis en place. Ce n’est, en quelque sorte, qu’un pansement sur une jambe de bois. »

Car derrière la multiplication des emballages, se cache un problème plus existentiel : celui de la promotion de « modes de production et de consommation incompatibles avec les limites planétaires », appuie Manon Gibert. « On crée un rendez-vous annuel et un sentiment d’urgence : la période arrive, donc il faut son calendrier de l’Avent. Cela crée un besoin artificiel. »

Les calendriers de l’Avent sont aussi une méthode très efficace pour les marques de faire découvrir de nouveaux produits dans leur gamme. Un parfum présent dans le calendrier Liberty de 2017 a ainsi vu ses ventes augmenter de 90 % l’année suivante. « C’est une tactique marketing qui vise à vendre toujours plus, à créer un attachement à une marque, explique Manon Gibert. Cela mène à des comportements de consommation qui sont vraiment aux antipodes de l’idée de réduction des déchets et de préservation des ressources naturelles. »

Si vous tenez à la tradition et à votre calendrier de l’Avent, pas d’inquiétude : des solutions plus responsables existent, comme fabriquer son propre calendrier réutilisable et le remplir pour soi-même ou pour un proche chaque année. À vous de voir ensuite si vous préférez y placer des chocolats, des bougies ou du saucisson.

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