De Papy Voise au viol à Courbevoie : les faits divers et attentats qui ont bouleversé les campagnes électorales

La viol à caractère antisémite d'une fille de 12 ans à Courbevoie rappelle d'autres évènements qui ont marqué les campagnes électorales, invitant l'antisémitisme ou l'insécurité au coeur des débats.

Paul Voise, un Orléanais de 72 ans, le 20 avril 2002, devant sa maison du quartier de "L'Argonne" incendiée la veille. (Photo by ALAIN JOCARD / AFP)

À quinze jours du premier tour des élections législatives anticipées, une jeune fille de 12 ans a confié à ses parents avoir été violée par d'autres jeunes, et porté plainte au commissariat. Selon une source policière, la jeune fille a affirmé avoir été traitée de "sale juive", l’un des adolescents mis en cause lui aurait "posé des questions concernant sa religion juive", lui demandant pourquoi elle n’en parlait pas et lui posant des questions sur Israël, avant de la violer, selon une source policière.

Un fait divers qui a entraîné de multiples rassemblements, suscité la condamnation de l'ensemble des responsables politiques, et remis sur le devant de l'actualité la question de l'antisémitisme, relançant par la même les accusations envers la France insoumise.

"Je suis allée hier au rassemblement en soutien à la famille de cette enfant et on m’a accusé moi d’être responsable de cet acte", a déploré Sandrine Rousseau sur France Info, jeudi 20 juin au matin. "J’ai failli être virée de cette manifestation (à Paris, ndlr). On m’a accusée d’être responsable du viol de cette enfant, vous imaginez, vu mes combats, ce que c’est", s’est exclamée l’élue écologiste, aussi connue pour son engagement pour la cause féministe.

Ce n'est pas la première fois qu'un évènement dramatique vient s'immiscer dans une campagne présidentielle. La campagne la plus impactée fut celle de 2002, qui a vu Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen s'affronter au second tour, à la surprise générale.

Quelques jours avant le premier tour, deux évènements vont marquer la campagne. Le premier le 27 mars 2002 à Nanterre, en banlieue parisienne. Au terme du conseil municipal de cette commune des Hauts-de-Seine, un homme se lève et tire une quarantaine de balles sur les élus présents. Le bilan est lourd : 8 personnes sont tuées, 19 blessées.

Lors d'un déplacement, Jacques Chirac, candidat à sa réélection, se lance sur le thème de l'insécurité : "l'insécurité, ça va de l'insécurité ordinaire au drame que nous avons connu cette nuit à Nanterre", puis ajoute : "l'insécurité est une préoccupation forte chez l'ensemble de nos concitoyens".

Une sortie qui choque l'opposition socialiste, qui reproche au chef de l'État d'instrumentaliser le drame. "Est-ce que certains voudront déplacer le sujet sur le thème de l'insécurité en général ? Cette histoire est tragique, horrible. Et malheur à ceux qui en feraient un élément de campagne", prévient alors le premier secrétaire du PS, François Hollande.

Trois semaines plus tard, un fait divers va un peu plus ancrer la thématique de l'insécurité dans la campagne. Trois jours avant le premier tour, un retraité de 72 ans, Paul Voise, est agressé chez lui à Orléans, et sa maison est incendiée.

Dès le lendemain, le sujet s'invite dans les journaux télévisés : TF1, LCI puis France 2 filment "papy Voise" le visage tuméfié, en larmes. Il est présenté comme un "miraculé" sur TF1 alors que France 2 le qualifie de "trop gentil, au point selon des voisins d'être racketté par certains habitants du quartier".

Le sujet tourne en boucle le samedi, veille de l'élection, et marque les esprits. Un emballement médiatique et politique de l'affaire "papy Voise" qui interroge encore, 20 ans après, sur l'impact qu'il a pu avoir sur la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour.

Autre fait divers qui s'immisce dans une campagne présidentielle, en 2007. Trois semaines avant le premier tour, la gare du Nord à Paris est le lieu d'affrontements entre des jeunes et les forces de l'ordre suite à une opération de contrôle de billets qui dégénère.

Le sujet est repris par les candidats à la présidence. La candidate socialiste Ségolène Royal évoque "une rupture de confiance entre un grand service public, la police nationale, et les citoyens". François Bayrou, candidat Modem, parle de son côté d'un "climat d'affrontement perpétuel entre la police et une partie des citoyens".

Des attaques qui ciblent directement un autre candidat et ex-ministre de l'Intérieur : Nicolas Sarkozy. Il réplique le lendemain et accuse ses adversaires d'être "du côté des fraudeurs" et des "émeutiers". "C'est clair : l'autorité et le respect, c'est de notre côté, la fronde et le soutien à la délinquance, c'est de l'autre côté !", lance le candidat de l'UMP, qui sera élu quelques semaines plus tard.

Plusieurs campagnes présidentielle ont aussi été marquées par des attentats, au point parfois d'entraîner la suspension de la campagne. Du 11 au 22 mars 2012, Mohamed Merah, la tête camouflée sous un casque de motard, sème la terreur à Toulouse et Montauban, en ciblant des militaires puis des membres de la communauté juive. Trois soldats, trois écoliers et un enseignant sont tués par celui qui se proclamait "combattant d'al-Qaida".

La campagne est suspendue plusieurs jours, les agendas des candidats bousculés. Nicolas Sarkozy ferme notamment son site de campagne pour quelques jours. François Hollande annule une apparition à la télévision et un meeting. Durant deux jours, le CSA ne décompte plus les temps de parole des candidats lorsqu'ils s'expriment sur la tuerie.

En 2017, trois jours avant le premier tour, le policier Xavier Jugelé est tué par un terroriste sur les Champs-Élysées, alors qu'il est stationné dans son camion. Deux autres policiers et une touriste allemande sont également blessés. Le terroriste est abattu et l'attaque presque immédiatement revendiquée par l'organisation terroriste "État Islamique".

L'attaque a lieu alors que se déroule la dernière émission télévisée des candidats, qui réagissent en direct. Le 25 avril, un hommage national est rendu par François Hollande, encore président de la République, en présence des deux candidats qualifiés au second tour, Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

En février 2022, Jérémy Cohen, un homme de confession juive, est décédé, percuté par un tramway à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Dans un premier temps, l'information est traitée comme un simple accident.

Si son décès vient s'immiscer dans la campagne présidentielle un mois et demi plus tard, c'est parce qu'une vidéo, largement relayée par l'extrême droite, montre le jeune homme se faire frapper par un groupe d'individus, quelques instants avant d'être mortellement percuté par un tramway alors qu'il tentait de fuir ses agresseurs.

"Affaire étouffée", "meurtre antisémite", l'extrême-droite, par la voix des candidats à la Présidentielle Eric Zemmour et Marine Le Pen, s'était emparée de sa mort. Deux ans plus tard, l’enquête a infirmé la dimension antisémite du drame. Mis en cause, deux suspects accusent le défunt d’exhibitionnisme.