La désobéissance civile, l’ultime arme des activistes face aux enjeux climatiques

A handout picture from the Just Stop Oil climate campaign group shows activists with their hands glued to the wall under Vincent van Gogh's

ACTIVISME - « Nous sommes en train de perdre le combat de notre vie » a lancé Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU ce lundi à l’ouverture de la COP27 en Égypte. « Nous sommes sur l’autoroute vers l’enfer climatique, avec le pied toujours sur l’accélérateur. »

Comment être plus direct ? Les catastrophes climatiques s’enchaînent de par le monde, au point de nous rendre imperméables au drame vécu au Pakistan cet été, où un tiers du pays a été submergé par des inondations torrentielles. A-t-on à peine plus parlé du plus grand mouvement de déplacement en France depuis la Seconde Guerre mondiale, celui causé par les méga feux de cet été, qui ont forcé 40 000 personnes à quitter leur logement ? Ou de ces habitant.es de Seillans qui comme huit autres communes du Var ont vu se renforcer les mesures de restrictions d’usage de l’eau, prises en mai dernier et encore prolongées jusqu’au 15 novembre a minima ? Nous venons de vivre les 8 mois les plus chauds jamais enregistrés et nous pourrions continuer à égrainer encore et encore des chiffres et données apocalyptiques.

Alors, si aujourd’hui le constat est implacable, qu’attendent nos dirigeants politiques pour inverser les courbes et éviter le pire ? Qu’est-ce qui les empêche de prendre des mesures pour garantir nos conditions de vie sur Terre ? Et dans un premier temps, protéger davantage celles et ceux qui subissent déjà de plein fouet les catastrophes climatiques et le creusement des inégalités sociales ? La réponse est simple : ils nous ont englué·es dans un système économique et politique basé sur la croissance, le profit de quelques multinationales et des enjeux électoralistes. Pour le changer, il faudrait une bonne dose de volonté politique, dénuée de connivence avec des intérêts particuliers, et une répartition des efforts proportionnelle à la responsabilité et aux richesses engrangées. Au sein même du territoire français, comme au niveau mondial. « Comment des entreprises qui ont fait 200 milliards de dollars de profits dans les trois derniers mois pourraient ne pas contribuer au financement des pertes et dommages [des pays du Sud] ? », a lancé la Première ministre des Barbades, Mia Mottley, à la COP27.

La force du collectif

Pour actionner le frein de notre dépendance aux énergies fossiles, nous sommes de plus en plus nombreux à choisir la désobéissance civile comme moyen d’action. Luttant contre un projet polluant près de chez soi, une Loi « climat et résilience » vidée de sa substance, ou pour exiger des moyens suffisants alloués à la rénovation thermique des bâtiments, avec la même colère et la même impossibilité de baisser les bras. Il en faut du courage pour que des David affrontent Goliath. L’activisme n’est pas un jeu, c’est un cri d’alerte, de détresse.

Nous ne sommes pas dupes : nous savons que les principaux pollueurs n’agiront pas sans contraintes. Et c’est bien ça que nous portons : nous voulons des lois plus ambitieuses pour lutter contre le changement climatique. Des lois justes, qui se basent sur une responsabilité différenciée : ceux qui émettent ou ont émis le plus de gaz à effet de serre doivent davantage contribuer. Des lois qui sont appliquées dans toutes les strates de la société. Car ce qui meut les activistes qui ont décroché les portraits d’Emmanuel Macron ou qui se gluent à des chefs-d’œuvre, c’est bien le respect de la loi, l’application à la lettre d’une norme internationale même : l’Accord de Paris signé en 2015 lors de la COP21. Or pour rappel, l’État français a été condamné par deux fois par la justice pour inaction climatique. La Loi « Climat et résilience » promulguée en août 2021 et dont les mesures issues de la Convention citoyenne pour le climat qu’elle était censée retranscrire ont été passablement détricotées, n’est appliquée qu’à 10 %.

Nous, activistes climat, n’avons pas le budget de TotalEnergies pour faire passer nos idées. Ils organisent des dîners privés, mettent en œuvre des campagnes de publicité ou de discrédits de recherches scientifiques, ils murmurent à l’oreille des puissants et font du lobbying pour défendre les énergies fossiles. Nous n’avons que nos corps pour leur faire barrage, notre imagination pour créer et notre force morale pour passer à l’action. Nous avons la force du collectif avec nous, la volonté de prendre soin les un·es des autres et l’espoir que tout n’est pas encore perdu. Ils achètent leur influence en toute discrétion, nous ne pouvons que faire du bruit pour nous faire entendre.

L’activisme n’est pas un jeu, c’est un cri d’alerte, de détresse

Le battage médiatique autour des dernières actions s’est surtout concentré autour des tactiques mises en œuvre. Ces questions sont légitimes, activistes climat, nous nous posons également la question : quel format d’action sera le plus efficace pour que notre demande soit entendue et qu’un rapport de force soit enclenché ? Si le questionnement sur la forme est légitime, il semblerait pourtant que la forme choisie ne soit jamais la bonne. Des « œuvres d’art sont attaquées » ? Elles sont sous verre et n’ont subi aucun dommage. Défendre des terres contre l’artificialisation ou l’accaparement de l’eau par des projets de méga bassines ? « violence ». S’attaquer à l’image des responsables ? S’en suivent gardes à vue, amendes, procès. Soyons clair·es, ce qui choque avant tout, ce n’est pas la forme mais le fond : la lutte contre le capitalisme, contre l’exploitation des ressources naturelles, des hommes et des femmes, pour une meilleure répartition des efforts et donc des richesses.

La désobéissance civile est un devoir

À celles et ceux qui agitent le caractère antidémocratique de ces actions : notre démocratie serait-elle si fragile qu’elle puisse être poussée à bout par une poignée d’activistes armé.es de soupe à la tomate et de purée de pommes de terre ? « L’écologie est le combat du siècle » nous dit Emmanuel Macron. Voilà des années que nous dénonçons ses doubles discours, son autoproclamation de « champion de la Terre ». Grand débat, Convention citoyenne pour le climat, 49.3 à répétition… Que nous reste-t-il quand la démocratie est bafouée par des « jokers » ? Ne devrait-on pas se féliciter d’une participation active des citoyen.nes aux décisions qui régissent la cité, à leurs corps défendant ? La désobéissance civile est un devoir, disait Henry David Thoreau. Lorsque nos responsables politiques sont incapables de protéger la population qui les a portés au pouvoir, nous exerçons notre rôle de citoyen·es.

La désobéissance civile n’est pas anodine. Pour les activistes qui s’y emploient, elle suppose de la préparation, de la force morale. Il en faut, pour s’exposer physiquement et psychologiquement à la violence des forces de l’ordre ou au déchaînement de haine sur les réseaux sociaux, mais aussi à des procès éprouvants et qui ont un impact sur notre vie privée et professionnelle. Elle nécessite de la patience, l’acceptation d’un temps long face à la situation d’urgence que nous vivons. Elle constitue, en ce sens, un formidable outil démocratique.

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