"En désaccord total", "autoproclamation": LFI se déchire autour de la nomination de Manuel Bompard

La nouvelle direction du parti, qui sera intronisée dans quelques jours, a évincé plusieurs poids lourds de La France insoumise, de Clémentine Autain à François Ruffin, en passant par Alexis Corbière. Au grand dam d'une partie des élus comme Raquel Garrido, qui dénonce une situation "grotesque".

Des critiques très remarquées. La nomination prochaine de Manuel Bompard à la tête de la coordination de La France insoumise pousse plusieurs figures du mouvement, comme Clémentine Autain ou François Ruffin, à faire savoir leur mécontentement.

Mais au-delà de ces électrons libres, des proches de Jean-Luc Mélenchon ont également été écartés. Une première pour le mouvement.

"On est à la limite de l'autoproclamation. C'est grotesque. Le resserrement du mouvement nous fragilise et crée du dégoût en politique", explique auprès de BFMTV.com la députée Raquel Garrido, évincée de la nouvelle direction.

Une décision prise sans consulter

Alors que le poste de coordinateur de La France insoumise était vacant depuis la mise en retrait d'Adrien Quatennens en septembre dernier, alors que celui-ci a reconnu avoir donné une gifle à sa femme, le mouvement se réunissait pour réorganiser sa direction à Paris ce samedi.

Dirigée collégialement depuis plusieurs mois, La France insoumise était encore officiellement en train de finaliser le choix des nouveaux visages qui seraient promus.

Mais en réalité, le choix avait déjà été fait de promouvoir Manuel Bompard, un très proche de Jean-Luc Mélenchon qui lui a succédé dans sa circonscription de Marseille. Cette décision, prise sans prévenir en amont les actuels membres de la direction qui comptent de nombreux compagnons de route de l'ancien candidat à la présidentielle, est sortie dans la presse ce vendredi.

De quoi faire grincer des dents et pousser très vite certains à de désamorcer les critiques, à l'instar de Gabriel Amard.

"Peut-être que Manuel Bompard jouera un rôle très important mais pour l'instant, nous n'avons pas de coordinateur. Notre objectif en ce moment est de continuer à améliorer la feuille de route de notre mouvement, écrite démocratiquement", nous assurait ainsi le député des Bouches-du-Rhône, également "gendre" de Jean-Luc Mélenchon.

Ruffin et Autain écartés

Si Gabriel Amard tente de déminer la polémique, c'est qu'il sait que la question des prises de décision en interne fait débat au sein de La France insoumise. En août dernier, Clémentine Autain avait déjà vivement critiqué la tendance du mouvement à reposer sur un "petit noyau de dirigeants" et le "flou" entourant les "lieux de prise de décision".

Autant dire que le mode de nomination de la nouvelle direction était très attendu, certains envisageant même à haute voix la consultation des militants. Samedi, c'est la douche froide.

En plus de l'arrivée effective de Manuel Bompard dans les prochains jours à la tête du mouvement, certains électrons libres du mouvement sont exclus de la direction, à l'instar de Clémentine Autain et François Ruffin, qui ont tous deux des visées sur 2027.

Cette nouvelle arrive alors que Jean-Luc Mélenchon a été contesté ces dernières semaines. Son soutien à Adrien Quatennens, décidé sans consulter ses proches, avait du mal à passer, notamment chez Clémentine Autain.

"Presque une purge"

"Après trois mois de travail à huis clos, et malgré des avancées, je constate que le repli et le verrouillage ont été assumés de façon brutale. Les militants n’ont pas eu voix au chapitre alors qu’ils devraient être les acteurs principaux du mouvement", dézingue la députée de Seine-Saint-Denis ce lundi dans les colonnes de Libération.

"La direction a été choisie par cooptation, ce qui favorise les courtisans et contribue à faire taire la critique", juge encore celle qui possède son propre parti, Ensemble. Leïla Chaibi, la patronne des insoumis au Parlement européen évoque quant à elle "presque une purge" dans Le Monde.

Corbière "en désaccord total"

François Ruffin adopte un autre registre et confie sur LCI "sa tristesse pour eux (les insoumis NDLR) plus que "pour lui", pensant "avoir quelque chose à apporter".

Si le fait de ne pas proposer à ces deux figures du mouvement de faire partie de la coordination peut se lire comme une mise en garde à l'égard de ceux qui se voient un destin présidentiel, la mise à l'écart de très fidèles interroge. Raquel Garrido et Éric Coquerel ne font pas non plus partie de la nouvelle direction par exemple.

"Je suis en désaccord total" avec ce choix, tance auprès de BFMTV.com Alexis Corbière, qui n'y siège pas non plus.

Samedi dernier, soucieux d'arrondir les angles, Manuel Bompard a assumé le fait de ne pas avoir consulté les militants pour désigner la nouvelle coordination, disant préférer "le consensus" plutôt que des élections internes pour éviter "l’affrontement entre une majorité et des minorités".

"Des problèmes de riches" pour Bompard

De son côté, Jean-Luc Mélenchon hausse le ton dimanche sur son blog, appelant ses fidèles "à ne pas se sentir obligé" de "dénigrer les autres ou de rendre la vie commune impossible par des confidences de presse". Le futur coordinateur de LFI a reçu 5 sur 5 le message, après les vives critiques de ses camarades.

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L'espoir de "nouvelles discussions"

Nombreux sont cependant les insoumis à espérer trouver une porte de sortie dans les prochains jours, alors que la coordination nationale du mouvement n'est pas encore officielle.

"Nous nous devons de réouvrir les discussions", assure ainsi Raquel Garrido, qui compte "faire des propositions" dans les prochains jours.

Même son de cloche pour l'eurodéputée Manon Aubry, qui a assuré sur notre antenne ce lundi matin avoir "poussé, demandé et obtenu que l'intergroupe parlementaire puisse compléter" la direction, et ainsi y inclure Clémentine Autain et François Ruffin.

Un geste suffisant pour apaiser les tensions? Pas certain. Elles pourraient encore redoubler dans les prochains jours, alors qu'Adrien Quatennens pourrait être condamné mardi pour violences conjugales et que les députés insoumis ne sont pas tous d'accord sur les suites à donner.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - Affaire Quatennens: "Nous attendons les évolutions d'une enquête judiciaire qui est en cours", affirme Manuel Bompard