La dépression post-partum touche aussi les pères : « Je faisais en sorte de ne pas m’occuper de mon fils »

La dépression post-partum touche aussi les pères.
Cavan Images / Getty Images/Cavan Images RF La dépression post-partum touche aussi les pères.

PARENTALITÉ - « Je ne me sentais pas bien dans notre appartement, au travail, au quotidien… J’avais de moins en moins de patience avec le petit. Honnêtement, je me sens au fond du trou. » Ce témoignage est celui d’Alexandre, jeune papa d’un petit garçon de deux ans qui vit dans les Yvelines. Depuis plus d’un an, il traverse une dépression post-partum (ou périnatale).

Si cette maladie touche généralement les mères, elle peut aussi concerner les nouveaux pères. « Il est encore admis que les femmes s’occupent principalement des enfants, même si on tend vers plus d’équité. On attend d’elles qu’elles soient présentes et investies. Cette pression sociétale est un facteur qui fait que les femmes sont plus touchées », explique Mathilde Bouychou, psychologue clinicienne spécialisée en périnatalité.

Un raisonnement qui ne s’applique pas forcément aux hommes, pour qui les attentes sont moindres. Ce qui ne les empêche pas d’être touchés par cette dépression « multifactorielle ». Elle concernerait même près d’un père sur dix selon Santé Publique France (SPF) – pour une mère sur cinq.

« Mais il est difficile d’avoir des chiffres exacts », tempère Mathilde Bouychou. « C’est encore un sujet tabou chez les femmes. Ça l’est encore plus chez l’homme. Les hommes consultent moins. L’hypothèse est que la dépression post-partum touche beaucoup plus d’hommes qu’on ne le pense. »

Les facteurs de risque

Les causes de cette dépression varient beaucoup d’une personne à l’autre. Si les premiers temps avec son fils ont été « idylliques », Alexandre reconnaît qu’il s’est peut-être mis « trop de pression ». Il ne voulait pas répéter les erreurs commises durant sa propre enfance, lors de laquelle son père était absent.

Selon Mathilde Bouychou, les histoires familiales compliquées peuvent être des facteurs de risques, comme les difficultés au sein du couple, où encore le fait que la mère ait elle aussi connu une dépression périnatale. Ce que la compagne d’Alexandre a aussi traversé.

Quelques mois après la naissance de son fils, le jeune papa sent un mal-être arriver et change deux fois de travail afin d’avoir une plus faible amplitude horaire et de réduire son temps de trajet. Mais rien n’y fait. Pourtant, ce bébé, Alexandre le voulait. Comme c’était le cas de Maxime, 34 ans et père d’un garçon de sept ans, pour qui la dépression s’est déclenchée dès le retour à la maison : « Je n’ai pas réussi à trouver mes marques. Je n’allais pas du tout vers mon fils. Et je n’étais pas vraiment présent. »

« C’est comme si on n’arrivait pas à s’adapter au nouveau monde avec le bébé », résume Mathilde Bouychou. Elle parle globalement d’un « sentiment de vacillement et de mal-être, sans trop savoir pourquoi ». Les personnes ne présentent pas toujours les symptômes classiques d’une dépression et « ne sont pas allongées sur leur canapé toute la journée ».

« Ma thérapie a été de passer du temps avec mon fils »

Pendant une dépression périnatale, les pères présentent la particularité de développer des comportements de fuite et de mise à distance du bébé. « Les hommes ont plus de moyens d’échappatoire que les femmes. Ils sortent plus facilement du foyer pour faire du sport ou voir des amis. Le malaise ne sera encore que plus silencieux », analyse-t-elle.

Ce schéma est celui dans lequel est tombé progressivement Maxime, qui a très vite ressenti un sentiment d’échec avec son fils. « Dès que j’entreprenais quelque chose avec lui, comme lui donner le bain, il pleurait. Je n’avais aucune patience et il devait ressentir mon stress. Notre lien était inexistant, voire conflictuel », raconte celui qui fuyait régulièrement le domicile familial et qui « faisait en sorte de ne pas [s]’occuper de [son] fils ».

Une manifestation du post-partum qui a des conséquences sur l’ex-compagne de Maxime, qui se retrouve à porter encore plus la charge de l’enfant : « Elle était fatiguée, étant donné qu’elle gérait la plupart des choses. Elle attendait de moi que je prenne la relève. Mais au début, je ne le faisais pas. J’étais dans ma bulle et je ne faisais pas attention à son ressenti ».

Cette situation a duré deux mois avant qu’il ne mette les mots sur sa dépression. Lorsque sa femme reprend le travail, Maxime s’occupe de plus en plus de son bébé, ce qui l’aide à créer du lien avec lui : « Ma thérapie a été de passer du temps avec mon fils, car c’est ce qui me manquait. »

Le tabou chez les hommes

Chez Alexandre, le schéma est différent. « Je n’avais jamais le temps de souffler. Je déposais le petit chez la nounou, j’allais bosser, je me dépêchais de rentrer pour m’en occuper », raconte-t-il. Ce qui occasionne de nombreuses disputes et incompréhensions avec sa compagne. Il admet avoir perdu l’envie de faire des choses, l’appétit et sa libido. Il voit également moins ses amis et craint même de perdre son travail.

Alexandre comme Maxime n’étaient pas au courant que cette dépression pouvait toucher les pères, ce qui témoigne du tabou qui entoure la question. « Beaucoup ne pensent pas qu’ils seront concernés », selon Mathilde Bouychou, qui déplore un manque d’information et qu’on ne donne pas suffisamment la parole aux hommes sur le sujet.

Les hommes concernés n’en parlent pas beaucoup d’eux-mêmes non plus. Certains ne se sentent pas légitimes « car ils n’ont pas porté l’enfant psychiquement », assure la psychologue. Qui plus est, quand on vient d’avoir un enfant, on « devrait être heureux » : « On se sent donc honteux et coupable. »

Alexandre admet avoir encore du mal à aborder le sujet. « Il n’y a que ma femme et mon psy qui sont au courant ». Et de conclure : « C’est beaucoup plus difficile de parler de dépression en tant qu’homme. Le mot fait peur. On se dit qu’on va surmonter le problème tout seul car on ne doit pas montrer nos faiblesses. »

À voir également sur Le HuffPost :

À l’hôpital, la néonatologie est à bout de souffle : « C’est fréquent de refuser des enfants »

Florian Thauvin a souffert de dépression à l’OM et s’en explique dans le Canal Football Club