Décès du philosophe Bruno Latour, penseur de l’anthropocène

Il était tout à la fois sociologue, anthropologue et philosophe : Bruno Latour aura marqué par son enseignement et ses ouvrages presque tous les domaines du savoir. Décédé dans la nuit du 8 au 9 octobre à l’âge de 75 ans, celui que l’hebdomadaire allemand Die Zeit présente comme “l’un des grands innovateurs dans les sciences sociales” était surtout devenu un “penseur clé” de l’écologie et du changement climatique, selon la Süddeutsche Zeitung : “L’un des derniers philosophes qui, en tant que fondateur de sa propre école de pensée, a changé la vision du monde de nombreux étudiants et lecteurs.”

D’abord sociologue des sciences et théoricien des “régimes de vérité”, Bruno Latour en était venu à plaider pour une relation radicalement nouvelle entre l’homme et la planète, explique le quotidien néerlandais NRC Handelsblad. “En survolant le Groenland, début 2017, il avait vu quelque chose d’inhabituel. Il était venu s’émerveiller devant la spectaculaire masse de glace, mais il lui a semblé que le Groenland voulait lui envoyer un message : la fonte des glaces avait pris une forme qui évoquait le célèbre tableau d’Edvard Munch intitulé ‘Le Cri’. Latour a voulu saisir son téléphone portable pour capturer cette image, mais il s’est soudain rendu compte que sa présence là-bas faisait partie du problème : c’était le CO2 émis par son avion qui faisait fondre la glace.”

“Le plus incompris des philosophes français”

Pour le journal néerlandais, Bruno Latour était un penseur remarquable surtout pour sa capacité à apporter constamment de nouvelles perspectives, “à faire basculer la réflexion existante sur les gens, la connaissance et la terre – et à le faire toujours avec beaucoup de verve”.

Dans les années 1990, Latour a pu faire figure de penseur controversé à la suite d’une série de livres dans lesquels il soutenait que les faits scientifiques devraient plutôt être considérés comme des produits de la science. En 2018, le New York Times le présentait encore comme un “penseur de la post-vérité” et comme “le plus célèbre et le plus incompris des philosophes français”. “Mais ces critiques n’ont pas empêché Latour de figurer bientôt parmi les penseurs les plus cités au monde, aux côtés de Michel Foucault ou même de Marx”, constate le NRC Handelsblad.

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